Hier, les forces de l’ordre camerounaises ont violemment réprimé une manifestation des étudiants de l’Université de Buea, le chef-lieu de la région du Sud-Ouest, majoritairement anglophone. À la suite de ces violences, de nombreux jeunes ont posté des vidéos sur les réseaux sociaux, afin de les dénoncer, tandis que d’autres ont décidé de fuir. Les étudiants réclamaient notamment l’annulation de pénalités financières en cas de retard dans le paiement des frais de scolarité.
Courses-poursuites entre étudiants et forces de l’ordre, manifestants matraqués, tirs en l’air, gaz lacrymogène… Les images de la manifestation qui s’est déroulée sur le campus de l’Université de Buea, la première université anglophone du pays, sont particulièrement édifiantes.
« Les policiers ont chargé les étudiants avec des matraques »
Awah, un jeune étudiant de cette université, revient sur la journée d’hier.
La manifestation a commencé le matin, et des policiers sont arrivés peu de temps après. Les étudiants ont crié : « Pas de violence ! » Les policiers leur ont dit qu’ils ne voulaient pas de rassemblement et ils leur ont ordonné de quitter le campus. Les étudiants ont répliqué qu’ils ne partiraient pas tant que leurs revendications ne seraient pas satisfaites par la direction de l’Université.
Les policiers se sont alors placés en ligne et ont commencé à charger les étudiants, en frappant ceux qui restaient là, avec des matraques. À ce moment-là, je suis parti en courant pour me réfugier dans le studio d’un ami, qui se trouve non loin de l’entrée du campus.
Courageous students fighting for their freedom #buea #cameroon against police firing teargas. #EnoughIsEnough . Our time is now pic.twitter.com/aHF2MM1kSA
— Amba info (@Abakwainfo) November 28, 2016
« Il y avait du gaz lacrymogène partout, donc les étudiants cherchaient refuge dans les dortoirs »
Des étudiants ont réagi en jetant des pierres. Les forces de l’ordre ont alors répliqué en utilisant du gaz lacrymogène. C’est d’ailleurs ce qui a poussé de nombreux étudiants à chercher refuge dans les dortoirs. Mais les forces de l’ordre ont également tiré du gaz lacrymogène en direction des balcons des logements, comme s’ils voulaient forcer les étudiants à sortir pour pouvoir les frapper. On a dû utiliser des serviettes imbibées d’eau pour protéger notre bouche et notre nez. Certains policiers sont également entrés dans des chambres, en cassant des portes. D’autres ont tiré en l’air pour disperser les étudiants.
Vers 22 h, j’ai quitté le campus pour aller trouver refuge à Limbe [une ville située à une trentaine de kilomètres de Buea, NDLR]. Ce matin encore, beaucoup d’étudiants avaient peur de sortir de chez eux. D’autres ont également décidé de retourner chez leurs parents, au moins momentanément.
Depuis hier, plusieurs vidéos montrant les forces de l’ordre frapper des étudiants ne cessent d’être relayées sur les réseaux sociaux :
Scenes of #PoliceBrutality at the University of Buea in Anglophone #Cameroon. As usual, the language of torture is French. Yes I said it… pic.twitter.com/LX46bpWoA7
— Dibussi Tande (@dibussi) November 28, 2016
Dans cette vidéo, on entend notamment les policiers compter le nombre de coups donnés à la personne se trouvant au sol, en français.
Police beating & kicking a student in #Buea #Cameroon very sad! pic.twitter.com/FEEKqj2HZs
— Albert Nchinda (@AlbertNchinda) November 28, 2016
The part where people want me to even discuss voting or want to talk about students provoked blah blah #Bueapic.twitter.com/p1hlogFGNR
— Rinay (@JenneeRinay) 29 novembre 2016
Les étudiants de Buea réclamaient notamment la suppression d’une pénalité de 10 000 francs CFA (15 euros environ), qu’ils doivent payer s’ils règlent les frais de scolarité en retard, une pratique n’existant nulle part ailleurs dans le pays.
Ils exigeaient également le versement de la prime d’excellence aux étudiants de l’Université, d’un montant de 50 000 francs CFA (76 euros environ). Celle-ci avait été instituée par le président de la République en 2010, afin de récompenser les meilleurs étudiants.
Par ailleurs, ils souhaitaient afficher leur soutien aux avocats et aux enseignants anglophones, qui sont actuellement mobilisés pour protester contre la « francophonisation » des systèmes législatif et éducatif en vigueur dans les régions anglophones.
Hier soir, les autorités ont annoncé qu’elles annulaient la pénalité financière de 10 000 francs CFA. Aucune annonce n’a toutefois été faite concernant les autres revendications des étudiants, qui ont décidé de rester mobilisés tant qu’ils n’obtiendraient pas gain de cause.
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