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Cameroun : l’arrivée de Carrefour mobilise les supermarchés

Les groupes locaux multiplient les implantations de magasins à Yaoundé et à Douala. Et attendent sans trembler l’arrivée prochaine du géant français.

En février, le pôle distribution de Nana Bouba Group (NBG) a ouvert son premier magasin Bel Achat, à Douala, dans le quartier chic de Bonapriso. Dans trois mois, il en ouvrira un deuxième, de 1 300 m2, à Ndokoti, dans la zone industrielle de Bassa, et par la même occasion inaugurera officiellement cette nouvelle enseigne. Une entrée dans le secteur de la grande distribution qui représente pour le groupe un investissement de plus de 3 milliards de F CFA (environ 4,6 millions d’euros).

« Nous visons la classe moyenne, c’est-à-dire les Camerounais gagnant entre 6 500 et 10 000 F CFA par jour », précise Abdoul Razak Mohamadou, le directeur du projet grande distribution de la Société alimentaire du Cameroun (Soacam), leader dans la distribution de produits alimentaires et vaisseau amiral du groupe fondé par Nana Bouba Djoda. À terme, 50 implantations sont prévues dans le pays, et des extensions en Afrique centrale sont envisagées.

Branle-bas de combat

Face à l’arrivée du géant français Carrefour, qui entend construire six centres commerciaux à Douala et à Yaoundé à l’horizon 2020 pour un investissement de 80 milliards de F CFA, c’est le branle-bas de combat parmi les acteurs camerounais de la grande distribution.

Le plus actif est Léopold Timo : son enseigne Santa Lucia ouvrira deux nouveaux supermarchés début 2018 dans la capitale économique, trois ans après y avoir planté son drapeau. La marque en sera à sa dixième implantation dans les deux principales villes du pays en une douzaine d’années.

Non moins entreprenant, Dôvv reste dans une logique de consolidation à Yaoundé, avec l’ouverture programmée de deux centres commerciaux avant la fin de l’année – en plus des six dont il est déjà propriétaire.

Plus ambitieux, Mathurin Jidjouc Kamdem, promoteur de Craft Development, s’est associé au capital-risqueur Actis pour ériger un mall de 25 600 m2 et un centre d’affaires près de l’aéroport de Douala. Le complexe, dont le coût s’élève à 250 millions de dollars, entrera en activité en 2019.

Un certain potentiel

Soneco, Socropole, Kado, Écomarché, Fokou, Saker… Les citadins se familiarisent peu à peu avec ces noms d’enseignes, qui essayent de rebattre les cartes de la grande distribution au Cameroun.

Longtemps dominé par des marques européennes comme Casino, Super U ou Spar, le secteur voit les entreprises locales monter en puissance depuis plus d’une décennie. En l’absence de données officielles, on estime qu’elles dominent un marché générant un chiffre d’affaires annuel moyen de plus de 200 milliards de F CFA.

Avec une marge de progression considérable. « Le potentiel exploité de ce marché se situe autour de 30 %. Les Camerounais commencent à peine à acquérir la culture du supermarché », estime Michel Kamgang, inspecteur général chargé des magasins chez Santa Lucia.

Saker, Socropole, Santa Lucia et Écomarché ont commencé par la boulangerie. D’autres ont débuté dans le commerce de détail. Pour tous, le saut dans la grande distribution ne fut pas un long fleuve tranquille.

Nous allons là où il y a du pouvoir d’achat

« Je me suis débrouillé pour bâtir une surface de plus de 1 000 m2 avant d’obtenir un premier emprunt bancaire. Et il faut mettre les bâtiments déjà disponibles en garantie pour obtenir les financements nécessaires à d’autres constructions et assurer notre développement », résume Philippe Tagne Noubissi, fondateur de Dôvv.

« Faute de crédits, la plupart ont pu compter sur le système de la tontine », observe un analyste. Mais une fois lancés, ces entrepreneurs ont bousculé les habitudes.

« Les magasins fermaient généralement à 18 heures. J’ai progressivement fait reculer cette barrière jusqu’à 23 heures », raconte Philippe Tagne Noubissi. Santa Lucia a même introduit le vingt-quatre heures sur vingt-quatre, une pratique sur laquelle nombre d’enseignes se sont alignées.

Les acteurs camerounais tirent aussi leur épingle du jeu grâce à leur stratégie d’implantation. « Nous allons là où il y a du pouvoir d’achat », reconnaît le patron de Dôvv. Santa Lucia choisit même de s’établir à l’entrée des principaux axes desservant les métropoles.

Démocratiser le supermaché

« Nous captons ainsi les voyageurs entrants ou sortants des villes. Nous voulons démocratiser l’accès au supermarché en cassant la barrière psychologique faisant croire qu’il n’est réservé qu’aux catégories aisées », soutient Michel Kamgang.

Ces sites bénéficient d’une forte densité démographique, au même titre que les villes universitaires, qui figurent aussi parmi ses priorités en matière d’expansion. En installant leur siège à Bastos et à Bonapriso, deux quartiers résidentiels, Dôvv et Kado ciblent quant à eux les cadres et les expatriés.

S’appuyant sur leur connaissance du marché et sur les contraintes de l’environnement des affaires, les promoteurs locaux se disent sereins face à la concurrence annoncée de Carrefour. « Nous nous alignons sur les mêmes standards en matière de produits, notamment dans le domaine du haut de gamme. Cette arrivée aura un impact à court et moyen termes dans la mesure où, guidés par la curiosité, certains clients vont se détourner de nous. Mais nous ne sommes pas inquiets, car la qualité du service fera la différence, et nous sommes prêts à relever ce défi », assure Michel Kamgang.

Obstacle logistique

Les entrepreneurs camerounais se heurtent cependant à un obstacle d’ordre logistique. « Dotées de centrales d’achat, les écuries européennes font généralement la différence sur les produits à fort taux de rotation et à marges élevées. Elles sont capables de s’approvisionner une à deux fois par semaine là où les entreprises locales mettent deux à trois semaines pour importer », explique notre analyste.

Une faille que reconnaît du reste le patron de Dôvv : « Nos concurrents ont des centrales d’achat alors que je suis directement confronté à 700 fournisseurs locaux et étrangers.

Ce qui est loin d’être une sinécure », soupire-t‑il en fustigeant les facilités concédées à Carrefour pour s’établir, comme l’octroi de terrains ou des avantages fiscaux. Pour mieux affronter la concurrence, les patrons camerounais se serrent les coudes et mettent actuellement sur pied un groupement. « L’objectif est entre autres de se porter mutuellement assistance », confie un cadre de l’une de ces entreprises. Carrefour est à tout le moins prévenu…


Plaidoyer pour les produits locaux

Un rapport de l’Association citoyenne de défense des intérêts collectifs (Acdic), publié en mai, affirme que la place accordée aux produits camerounais par les supermarchés ne dépassent pas plus de 2 %, « au grand dam des producteurs et contribuables locaux ». Selon ses auteurs, dont l’agronome Bernard Njonga, il convient de porter cette proportion à plus de 50 %. L’étude, qui établit par ailleurs un classement, montre que les enseignes étrangères sont les meilleurs élèves en la matière.

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