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Cameroun, Cote d’Ivoire et Rwanda : premier et derniers comptoirs coloniaux d’Afrique?

Pendant qu’ici, au Cameroun, le gouvernement signe un contrat avec une entreprise étrangère pour livrer 500.000 ordinateurs finis aux étudiants en une année academique seulement (2016/2017), dans le cadre d’un marché de gré à gré sans doute exonéré d’impôts et droits de douane, là-bas en Côte d’Ivoire, un pays d’Afrique de l’Ouest, l’État facilite le développement d’un technopole où s’installe une entreprise de montage de matériels électroniques. Ou des smartphones, des tablettes numériques et des ordinateurs seront ainsi produits localement.

D’un investissement total de 4 milliards de FCFA, contre le marché Camerouno-chinois de 75 milliards de FCFA sur endettement public, l’entreprise ivoirienne, proprement industrielle, produirait au travers des opérations de montage et d’assemblage, 2000 ordinateurs par jour. Actuellement, à 30% de sa capacité, elle produirait déjà, à en croire les medias locaux, quelques 400 ordinateurs/jour.

La convention de financement devant porter la production à 2000 ordinateurs/jours à la technopole de Grand Bassam a été signée le 29 juillet dernier.

Présents à Abidjan mi juin dernier, avec une quarantaine de journalistes africains reunis par l’ONG panafricaine African Media Initiative (AMI) avec l’appui de la Banque Mondiale, pour acquérir des techniques de couverture et de traitement des données sur les secteurs de développement en général, et l’agriculture en particulier, j’avais été briefe sur l’engagement de l’État ivoirien visant à multiplier des facilitations afin que l’économie de ce pays, qui se relève d’une longue crise politique, crée de la valeur ajoutée au travers de tels projets privés. Ainsi avions-nous d’ailleurs clairement compris l’objectif stratégique de ce pays de la bouche même du seul membre du gouvernement que nous rencontrâmes.
En charge de l’agriculture et président de la conférence des ministres africains de l’agriculture et des questions d’alimentation, Mamadou Coulibaly Sangafowa nous présenta largement la vision de son gouvernement pour assurer un développement durable de ce pays. Face aux journalistes africains réunis à l’hôtel du Golf, le ministre ivoirien fit un exposé transversal sur la vision économique 2020 de ce pays avec bien sûr un accent sur le secteur agricole dont l’objectif est clair: production agricole modernisée en vue d’assurer la securité alimentaire nationale et l’exportation pour obtenir des devises. « Tel est en fait l’objectif économique général de ce pays: produire pour satisfaire les besoins national et régional puis exporter » résumait pour sa part M. Traore, un responsable du programme PPAAO/WAAPP lors de la visite de quelques projets d’amélioration des espèces agricoles soutenus par la Banque mondiale.

En Côte d’Ivoire, produire pour satisfaire le marché national et régional!

La mise en oeuvre effective du projet de production des ordinateurs à Grand-Bassam finit de démonter le scepticisme qui pouvait encore traverser l’esprit d’un journaliste issu d’un pays phare de l’Afrique centrale où la facilitation du développement économique en général, de l’industrie manufacturière en particulier, reste un éternel vœu. Évidemment chacun a deviné que pour réaliser ces travaux de production industrielle, ce ne sont pas des robots qui sont à l’oeuvre. C’est bien des personnes humaines. Des travailleurs de différentes catégories. Donc création assurée des emplois. « Plusieurs centaines directs », apprend-t-on.

Ainsi alors quelque soit le cas, il y a un développement technologique effectif. Des effets économiques et sociaux induits et durables. Et si un Etat en éprouve le besoin, comme ça semble être le cas du Cameroun avec les Chinois, il acquerrait même toute la production annuelle estimée. Soit quelque 500.000 ordinateurs sur la base d’une production journalière de 2000 unités en 250 jours moyens de travail par an.

Avec cette estimation minimale, il y aura poursuite d’activité pour d’autres besoins nationaux et régionaux dans ce secteur. En terme de valeur ajoutée, l’avantage est du côté du pays frère d’Afrique de l’Ouest dont la prononciation du seul nom dans milieux populaires ravive souvent de vives et durables polémiques. Chacun peut donc assez librement apprécier. Et il n’est pas le dans cette lancée transformatrice positive en Afrique au sud du Sahara. Bien au contraire.

Deux semaines auparavant, au Rwanda, en marge du 27eme sommet de l’Union Africaine (UA), j’y ai rencontré, au cours d’une exposition économique au Centre de conférence de Kigali, le directeur commercial de l’entreprise Positivo, un producteur local d’ordinateurs, téléphones, téléviseurs, etc. Pendant notre entrevue, il me disait être très intéressé par un partenariat d’affaires avec l’Afrique centrale, ce marché potentiel qui ne dispose d’aucune unité de production de ce type de matériels de consommation courante à l’ère du numérique. Je l’encourageais naturellement à venir prospecter au Cameroun, tête de pont pour la couverture du marché de cette sous-région aux 130 millions de consommateurs potentiels.

A ce moment-là je n’étais même pas au courant du projet camerounais d’acquisition de 500.000 ordinateurs supposément pour les Etudiants. Malgré la signature d’un accord bilatéral de développement numérique en 2015 lors d’une visite en Chine du premier camerounais, le gouvernement n’avait plus abordé ni annoncé publiquement les modalités de mise en oeuvre nulle part. Notre interlocuteur rwandais dont le pays met un point d’honneur à faciliter les mouvements intra-régionaux en ouvrant ses frontières aux africains, pour des échanges commerciaux et les affaires, doit être bien déçu. Tout comme les Camerounais ouverts au développement durable de leur pays.

Les APE, une menace pour le succès du CFTA africain

Le Cameroun, pays central de la Communauté Économique des Etats de l’Afrique Centrale (CEEAC) est bien membre de l’Union Africaine, dont l’une des décisions majeures du 27e sommet de Kigali, dans le cadre de la mise en oeuvre de l’Agenda 2063 pour le développement continental adopté en 2014 par les chefs États membres, encourage l’accélération de la création d’ici 2018 d’une Zone Africaine de Libre Échange. En anglais « Continental Free Trade Area » (CFTA), le mécanisme régional du CFTA vise à développer le secteur productif africain par la libre circulation, sur le continent, du nord au sud et d’est en ouest des personnes et biens d’origine africaine.

Avec l’entrée en vigueur ce 4 août 2016 de l’APE, qui se traduira l’exonération de douane de quelques 1700 produits européens, précédé une semaine plutôt par la signature de ce contrat de fournitures de de 500.000 laptops chinois, on a pourtant l’impression que cette vision panafricaine ne concerne pas le Cameroun. Un pays dont le peuple est pourtant réputé, du moins verbalement, l’un des plus panafricaniste du continent.

L’UPC, le mouvement nationaliste et indépendantiste n’était-il pas dans les années 1950 fondateur avec d’autres forces politiques africaines du Rassemblement démocratique africain (RDA)? On est alors bien peiné que malgré les enjeux diplomatiques et géostratégiques importants, notre pays à qui beaucoup d’Africains prêtent volontiers un rôle leader sur les questions communautaires ne puisse l’assumer, ayant décidé d’être ad vitam eternam une sorte de comptoir colonial pour les intérêts étrangers à l’Afrique.

N’est-ce pas un peu la finalité de cet APE bilatéral avec l’Union européenne entré en vigueur, au grand désarroi des autres pays de la sous-région CEEAC en particulier, et du continent africain en général? L’Assemblée des chefs d’États et de gouvernement de l’Union africaine ne s’etait-elle d’ailleurs pas conclue le 18 juillet dernier à Kigali, en invitant les pays africains à observer le plus possible une unité de positions dans les négociations commerciales avec les entités étatiques tierces, non africaines notamment?

Le Cameroun a choisi de faire cavalier seul. Chacun redoute les conséquences sur la stabilité sociale, économique voire politique de toute la sous-région.

Alex Gustave Azebaze

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