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Boko Haram : bref procès du parti au pouvoir

Par Ngouo WOUNGLY-MASSAGA Cdt Kissamba,
Vétéran de l’UPC et de l’ALNK.

(1).- « Le Maître du Temps », comme l’appellent ses flagorneurs, avait donné rendez-vous dans vingt ans aux opposants, pour démentir une fausse nouvelle qui le donnait pour mort, il y a dix ans. Nous nous en tenons à ce rendez-vous, et nous abstenons de toute spéculation sur son état de santé.

(2).- Toutefois, à la croisée de la tradition africaine dont nous sommes issu, et du christianisme mystique, nous pensons, comme les Musulmans d’ailleurs, que la condition humaine est égale pour tous, du plus humble des pauvres au plus puissant des riches. Suprême justice. Aussi nous paraît-il aberrant de sacraliser l’état de santé d’un homme au point d’ignorer qu’on peut toujours démentir durablement la maladie, mais jamais la mort, et que dans un débat malsain comme celui qui est lancé par le parti au pouvoir, ceux qui se posent en chauds défenseurs de l’état de santé du Président pourraient bien être ceux-là mêmes qui souhaitent le plus ardemment sa mort.

(3).- Notre position de principe à ce sujet est simple et claire. La prochaine échéance présidentielle normale dans notre pays aura lieu en 2018. Il est normal qu’en 2015 on commence à y réfléchir. Et cette réflexion ne peut que s’imposer comme une exigence patriotique impérieuse et urgente s’il y a le moindre risque objectif que survienne une élection présidentielle anticipée ; à moins de vouloir plonger le peuple dans le désarroi et la confusion, pour mieux pêcher en eaux troubles, sans doute…

(4).- Voilà pourquoi, comme doyen politique, benjamin et tout dernier survivant des leaders de la lutte de notre peuple pour la Réunification et l’Indépendance de notre pays, nous alertons – et avons le devoir d’alerter l’opinion nationale et internationale, par ce « bref procès du parti au pouvoir », sur les trois questions qui s’imposeront à terme comme des blocages majeurs de la vie politique camerounaise, à savoir :

a) la violation depuis 19 ans par le Président Biya de l’article 66 de la Constitution,

b) l’actuel statut anti-constitutionnel de la « Première Dame », et

c) la collusion du parti au pouvoir avec le terrorisme, par stratégie de pourrissement, et par récupération de ce dernier comme épouvantail pour se maintenir au pouvoir.

(5) De la violation de la l’Article 66 de la Constitution jusqu’à ce jour.

L’argent, dit l’adage, est le nerf de la guerre. Face au danger majeur du terrorisme de la secte islamique Boko Haram, notre pays se devait de mobiliser toutes ses forces vives, toutes ses ressources. Il fallait donc prendre l’argent là où il se trouve. Et pour cela, avoir le minimum de patriotisme que requiert l’application de l’Article 66 de la Constitution, et le minimum de sens de la justice qui commandait de récupérer les fonds publics supposés détournés par les inculpés de « l’opération épervier » et du « Tribunal Criminel Spécial », personnes dont le président Biya avait annoncé qu’elles allaient « rendre gorge »…Rien de tout cela n’a été fait. Pire, le parti au pouvoir, soi-disant parti de l’action, s’est enfermé dans l’irresponsabilité et l’inaction. Il a lancé le mot d’ordre : « Tous derrière le Président Biya , Chef des Armées » : qu’est-ce que cela peut faire à Boko-Haram ? Pour éviter de faire payer les riches et pour ne pas se faire hara-kiri en luttant contre la corruption, le parti au pouvoir s’est tourné vers le peuple et a préféré…taxer la bière…

Au moment où, dans la « communication de guerre » officielle, nous écrasions Boko Haram, il fallut appeler dare-dare le Tchad au secours. Mais avons-nous seulement prévu d’assumer ne serait-ce qu’une part symbolique de l’effort de guerre de ce pays frère même si son engagement était aussi de son propre intérêt ?…

(6).- De la violation de l’Article 66 de la Constitution comme blocage futur :

Bien que l’Article 66 de la Constitution soit grossièrement violé depuis 19 ans par le Président Biya avec la complicité de toutes les institutions méthodiquement vassalisées, il n’en restera pas moins durablement au centre de la vie politique nationale. Rappelons que cet article fait obligation aux gestionnaires des fonds et biens publics de déclarer leurs propres biens avant et après leurs mandats. C’est un incontournable « contrôleur » de la corruption.

A l’échéance présidentielle de 2018 (et naturellement en cas d’élection présidentielle anticipée), l’inévitable prestation de serment du successeur se fera avec l’actuelle constitution qui est indivisible. Le nouveau Président, pour « défendre et protéger » la Constitution (et son Article 66 en particulier) devrait alors sanctionner la forfaiture de son prédécesseur en ouvrant une enquête nationale et internationale sur les biens de ce dernier, ceux de sa famille et de ses prête-noms et des clans bulu et beti qui considèrent aujourd’hui l’Etat camerounais comme leur vache à lait.
On peut certes éviter cette difficulté en révisant la Constitution pour supprimer cet article 66. Ce serait en apparence un jeu d’enfant pour un parti devenu ultra majoritaire après une succession d’élections frauduleuses pendant un demi-siècle. Mais le régime se placerait alors brutalement en porte à faux vis-à-vis de tous les gages antérieurs de lutte pour la bonne gouvernance et contre la corruption. Serait-ce sans conséquences ? Rien n’est moins sûr.

(7).- Du statut anticonstitutionnel actuel de l’épouse du Chef de l’Etat.

En consacrant le plus plat servilisme comme son idéologie officielle, le parti au pouvoir a finalement créé un statut spécial et plutôt dangereux pour l’épouse du Président de la République. En effet, quel est son statut actuel quand on la fait représenter, en cas d’empêchement, par des ministres de la République ? Le hold-up sur la « fondation Jeanne Irène Biya» pour la création de la « fondation Chantal Biya » pourra-t-il se répéter en cas d’accession d’un autre Camerounais à la Présidence de la République ? Sinon, que deviendront les Cérac et autres organismes bizarres de notre folklore de République bananière? ¸Quel sera le rôle d’une nouvelle « Première Dame », par rapport à l’ancienne ?

Après la démission du Président Ahmadou Ahidjo, la crise du régime commença à se manifester par des embarras de protocole, Il ne faut donc pas prendre à la légère les questions ci-dessus posées. Depuis l’Indépendance, notre pays est passé dans ce domaine, de la discrète présence d’une épouse de Musulman, au digne compagnonnage d’une grande dame réservée et cultivée, et se trouve un peu déconcerté aujourd’hui par le folklore débordant d’une égérie au passage de laquelle on fait bloquer la circulation dans la capitale et qui apparait aux sommets des chefs d’Etat comme un cheveu dans la soupe.

(8).-De la récupération du Terrorisme
.
Dès les premières attaques de Boko Haram dans notre pays, nous avons dénoncé la campagne du parti au pouvoir qui assimilait aussitôt la nécessaire mobilisation du pays contre le terrorisme, à une mobilisation « derrière le Président ». Cette scandaleuse récupération politicienne nous paraissait vouée l’échec. La marche du 28 Février 2015 nous a donné raison.

Cette grande marche patriotique a mobilisé 2O.OOO personnes, selon les chiffres officiels. Une semaine plus tard, la marche du 8 Mars, journée internationale de la femme, mobilisait 40.OOO femmes ! selon les chiffres officiels. C’était, sans commentaire, la preuve irréfutable de l’échec d’une pseudo-mobilisation patriotique qui d’après le tapage médiatique du parti au pouvoir devait réunir « tous les partis politiques », tous les « patriotes » mais qui n’a rassemblé que les militants les moins désabusés d’un parti au pouvoir en décrépitude et quelques anciens opposants chasseurs de gombo.

Cet échec était le résultat d’une « communication de guerre » toute en mensonges, en démagogie et en insultes contre l’opposition, en réalité contre le peuple camerounais.

Il est très significatif que le parti au pouvoir n’ait jamais voulu d’une véritable levée de fonds pour lutter contre le terrorisme : quand nous avons proposé que les motions de « soutien au Président Biya, Chef des armées, dans sa lutte contre le Terrorisme » soient accompagnées d’une souscription, cette proposition fut froidement accueillie et refusée. Jusqu’à ce jour les tentatives de souscriptions pour la lutte contre le terrorisme se sont réduites à des manœuvres de positionnement des « élites » pour courtiser le Chef de l’Etat.

La communication de guerre, face à Boko Haram, devait, à notre sens se faire dans le style de celle de Churchill pendant la deuxième guerre mondiale : elle devait consister à dire la vérité au peuple et à le préparer au combat et aux sacrifices. Elle devait aussi, pareillement, s’appuyer sur une vision stratégique claire. En l’occurrence, nous proposions la perspective enthousiasmante de construire face au terrorisme islamique le premier noyau des Etats Unis d’Afrique Centrale : avec le Tchad, le Cameroun, la Centrafrique et la Guinée Equatoriale, avec création d’ une monnaie africaine commune et d’une armée intégrée. C’est parce que beaucoup ne réfléchissent pas au puissant Etat qui naîtrait de cette union et à la dynamique de développement qu’il générerait qu’ils continuent à croire qu’il faut tout attendre des Chefs d’Etat.

Notre pays compte de nombreux milliardaires, d’aucuns prétendent même qu’avec le phénomène de la corruption, le Cameroun compte autant sinon plus de milliardaires que beaucoup de pays développés. Notre Assemblée Nationale et notre Sénat en comptent beaucoup en leur sein. Plusieurs d’entre eux peuvent, chacun, cotiser cent millions voire un milliard pour la lutte contre Boko Haram.

(9) Interpellation des USA.

Pour ne pas nous inscrire dans la logique de la guerre froide et selon notre propre ligne tactique, nous avons récemment pris contact avec l’ambassade des USA à Yaoundé pour l’informer, preuves à l’appui, que nous disposons d’un bloc d’uranium 235 enrichi de 27 kg (U235, T.A. 99,99%)… Les Etats-Unis ont des obligations de signataires et garants du traité de non-prolifération du nucléaire, et sont engagés dans des négociations avec des Etats libres et indépendants visant à les empêcher de produire de l’Uranium enrichi. En fait, le désintérêt des USA pour ce matériau nous ouvrirait les portes de solutions alternatives que nul ne pourrait nous faire le reproche d’accepter.

(10) Interpellation des Camerounais :

Le chef de l’Etat a été informé. Certes, depuis longtemps nous savons par les ultras du parti au pouvoir que jamais Paul Biya n’acceptera de bonne grâce que Kissamba ait des moyens, et en l’occurrence on est dans l’ordre d’au moins deux milliards d’Euros…qui nous permettraient de contribuer en centaines de milliards de francs CFA à la lutte contre Boko Haram. La question qui se pose est que le parti au pouvoir a mis le pays par terre. Par ses intrigues et ses collusions avec les terroristes, il a plombé les institutions. Mérite-il encore la confiance du peuple et celle du Président? Il faut un dialogue national qui ne soit pas contrôlé par cette machine infernale. S’il est encore aux commandes, c’est dans ce sens que Paul Biya devrait agir.

Ngouo Woungly-Massaga Cdt Kissamba, Cdt Gama

Yaoundé, le 2/04/2015

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