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Alerte sur la croissance mondiale

Le Fonds monétaire international (FMI) avait, le premier, tiré la sonnette d’alarme. Sa directrice générale, Christine Lagarde, avait prédit pour 2016 une croissance mondiale « décevante et inégale », dans une tribune publiée le 30 décembre 2015 par le quotidien économique allemand Handelsblatt. Dans ses Perspectives économiques mondiales, présentées mercredi 6 janvier, la Banque mondiale ne dit pas autre chose. Pour la énième fois depuis la crise de 2008, l’institution a dû réviser à la baisse ses prévisions. Elle mise désormais sur une croissance mondiale limitée à + 2,9 % en 2016, en baisse de 0,4 point par rapport à ses chiffres de juin 2015, et sur une reprise « modeste » en 2017-2018 (+ 3,1 %).

« Les temps changent », souligne Kaushik Basu, chef économiste et vice-président de l’organisation internationale, dans son avant-propos. Les taux de croissance des pays émergents, moteur de l’économie mondiale dans les années 2000, déclinent depuis cinq ans. Il faut « s’adapter à une nouvelle ère, faite de croissance plus modeste dans les grands émergents et de baisse du prix des matières premières, des échanges commerciaux et des flux de capitaux », observe-t-il. Rien de bien enthousiasmant !

Les années passent, la crise de 2008 s’éloigne, mais on ne voit toujours pas ce qui pourrait permettre à la croissance mondiale de retrouver de l’allant. Même dans les pays à hauts revenus, comme ceux de la zone euro et les Etats-Unis, où la reprise est confirmée, le vieillissement démographique et le ralentissement des gains de productivité tirent vers le bas la croissance potentielle (de long terme).

Atterrissage chinois

Les prévisions de la Banque mondiale donnent plus de raisons de s’inquiéter que d’espérer. Le titre de son rapport – « Déceptions, risques et retombées » – est, à cet égard, très parlant. De fait, 2015 fut une nouvelle année de ralentissement économique pour une bonne partie de la planète. Seuls l’Asie du Sud – emmenée par l’Inde –, les Etats-Unis, la zone euro et le Japon ont tiré leur épingle du jeu.

Pour 2016, la Banque mondiale a révisé à la baisse de 0,1 point ses hypothèses de croissance pour les pays avancés. L’économie américaine, portée par la consommation des ménages et par l’investissement non pétrolier, devrait croître légèrement plus en 2016 (+ 2,7 %) qu’en 2015 (+ 2,5 %), mais sans atteindre les 3 %. L’appréciation du dollar pèse sur les exportations américaines.

Dans la zone euro, la reprise se confirme (+ 1,7 % en 2016, après + 1,5 % en 2015 et + 0,9 % en 2014) sur fond de redémarrage du crédit et d’amélioration progressive de l’emploi, mais elle reste modeste. La croissance moyenne annuelle s’est tassée partout par rapport aux années d’avant-crise. En 2015, dans plus de la moitié des pays en développement, la progression du produit intérieur brut (PIB) a été revue à la baisse. La croissance pour cette année-là n’y dépassera pas + 4,3 %, contre + 4,9 % en 2014. Elle gagnerait un demi-point de plus en 2016 (à + 4,8 %) et en 2017 (à + 5,3 %).

Plus que l’atterrissage chinois, si délicat à vivre pour l’ensemble du monde, c’est le ralentissement simultané de quatre des cinq BRICS (Brésil, Russie, Chine et Afrique du Sud) qui a assombri les perspectives économiques générales en 2015. Un tel phénomène ne s’était pas produit depuis les années 1980. Or, à cet égard, 2016 n’apportera guère d’amélioration : la Russie et le Brésil resteront en récession, la Chinecontinuera de ralentir. Seule l’Afrique du Sud irait un peu moins mal. Or, révèle la Banque mondiale, 1 point de croissance en moins dans les BRICS, c’est, à l’horizon de deux ans, une perte de croissance de 0,8 point de PIB dans le reste des pays émergents, de 1,5 point de PIB dans les économies frontalières des BRICS et de 0,4 point de PIB pour l’économie mondiale.

Circonstance aggravante, les facteurs qui ont présidé à la moindre croissance des pays émergents ne sont pas près de disparaître, qu’il s’agisse de la transformation du modèle économique de la Chine, du bas prix des matières premières, hydrocarbures en tête, qui pénalise les pays exportateurs, ou de la hausse graduelle des taux d’intérêt américains susceptible de compliquer la tâche des pays emprunteurs.

Faiblesse persistante des échanges commerciaux

Confrontés à des perspectives de croissance moins bonnes et plus incertaines, les pays en développement, où vivent la moitié des pauvres de la planète, affrontent, comme ceux que l’Organisation de coopération et de développement économiques dits « avancés », un monde dans lequel les risques économiques, financiers, sociaux ou géopolitiques ont augmenté.

Pour la première fois depuis 2009, le commerce mondial s’est contracté au premier semestre 2015 sous l’effet d’une demande moins forte liée aux récessions brésilienne et russe, à la mutation chinoise et aux nombreuses dépréciations des monnaies. La faiblesse persistante des échanges commerciaux, insiste la Banque mondiale, réduit les opportunités d’exportation et les possibilités de faire des gains de productivité grâce à une plus grande spécialisation et la diffusion des technologies. Autrement dit, c’est une mauvaise nouvelle pour la croissance.

Les risques financiers se sont accrus. Même graduelle, la normalisation de la politique monétaire de la Réserve fédérale américaine (Fed, banque centrale), qui s’est traduite à la mi-décembre 2015 par la première hausse des taux d’intérêt aux Etats-Unis depuis neuf ans et demi, devrait entraîner au minimum un resserrement de conditions financières dans les pays émergents et en développement au moment où leur économie ralentit.

L’endettement fait un retour en force sur la scène mondiale. Les pays ayant des besoins d’emprunter importants et des dettes élevées libellées en dollars pourraient souffrir de l’augmentation des taux américains. Quant aux marchés, ils sont nerveux. L’indice de volatilité des Bourses a même brièvement atteint, l’an passé, les niveaux alarmants qui avaient été les siens en pleine crise de la zone euro. Au troisième trimestre 2015, les sorties de capitaux ont atteint 52 milliards de dollars (48 milliards d’euros).

Pour se protéger des risques financiers, les pays en développement ont trois armes principales à leur disposition : la flexibilité du taux de change, la réduction de la fluctuation du taux de change ou les contrôles de capitaux. De l’avis de la Banque mondiale, une telle politique est d’autant plus nécessaire que la conjonction d’un ralentissement plus fort des grands émergents et de turbulences financières pourrait réduire la croissance mondiale en 2016.

Claire Guélaud

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