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Affaire Etat du Cameroun c/Ambassa Zang pour détournement présumé de deniers publics : un procès kafkaïen

La presse privée camerounaise a révélé le 12 août 2014 mon renvoi devant le Tribunal Criminel Spécial (TCS) à la suite d’instruction conduite par le Magistrat JÉRÔME KOUABOU, au motif de détournement de deniers publics. Eu égard à cette information, mon Conseil Me EBA’A MANGA s’est rapproché du Greffe dudit Tribunal et a pu se rendre compte de la véracité de cette dernière. De l’exploitation de l’Ordonnance de Renvoi du Magistrat Instructeur dont il a demandé à recevoir notification, il ressort que les chefs d’accusation retenus contre moi concernent les points suivants :
Pénalités de retard irrégulièrement annulées
Dépenses injustifiées des comptes bancaires et Régies d’Avances
Indemnités irrégulièrement octroyées aux membres des Commissions de Passation des Marchés et Comités Interministériels
Préjudice au détriment du Trésor Public pour la passation du marché de réhabilitation du pont sur le Wouri à une entreprise en déconfiture et ne présentant pas les garanties techniques et financières etc.

L’affaire dite « Ambassa Zang » intéresse et même passionne l’opinion publique tant nationale qu’internationale. Une telle affirmation m’est suggérée notamment par le fait que l’interview accordée le 06 août 2009 au blog d’information en ligne Cameroon-info.net a enregistré à ce jour presque 43.000 hits, 54 réactions et 28 transferts. (http://www.cameroon-info.net/stories/0,25240,@,dieudonne-ambassa-zang-je-suis-victime-mais-pas-en-fuite.html).

La lecture des articles des media camerounais sur cette affaire ainsi que les commentaires laissés sur la toile par les internautes à la suite de la publication de ces articles par les blogs d’information en ligne traitant de l’actualité camerounaise donne à constater une prévalence de la présomption de culpabilité. Pas étonnant à partir du moment où aucune investigation n’a été conduite par la presse camerounaise par rapport aux accusations mises à ma charge, contrairement à ce qui se passe généralement en pareille circonstance dans les pays où les media jouent effectivement le rôle de quatrième pouvoir. Cet état de chose est aggravé par le fait que je n’ai pas mis en place une stratégie de communication et le déficit d’information qui en découle en vient à légitimer les multiples poursuites dirigées contre moi par le Gouvernement. Et beaucoup voit en moi l’un des plus grands « voleurs à col blanc » de la République du Cameroun. Aussi ai-je jugé indiqué voire utile, après mon renvoi devant le TCS par le Magistrat Instructeur, d’éclairer l’opinion publique en disant ma part de vérité et même tout simplement la vérité avec pour objectif d’une part de défendre mon innocence et d’autre part de prendre objectivement l’opinion à témoin quant à la rage d’une liquidation sociale et politique orchestrée sous le prétexte de la campagne d’assainissement des mœurs publiques connue sous l’appellation de « Opération Épervier ».

Le renvoi devant le Tribunal Criminel Spécial d’un Ordonnateur avant la mise en jeu de sa responsabilité devant le Conseil de Discipline Budgétaire et Financière : un grave vice de procédure
1-Le rouleau compresseur en marche après ma sortie du Gouvernement en décembre 2004

Après mon départ du Gouvernement le 08 décembre 2004, il y a eu manifestement une volonté de passer au crible ma gestion pour essayer de trouver quelque chose à me reprocher. En effet, pas moins de 04 missions de vérification du Contrôle Supérieur de l’État (CONSUPE) ont été conduites en moins de 02 ans (2006 et 2007) pour auditer ma gestion. A cet égard, 03 missions ont été diligentées au Ministère des Travaux Publics (MINTP) et 01 mission au Fonds d’Aide et de Garantie des Crédits aux Petites et Moyennes Entreprises (FOGAPE). À toutes fins utiles, j’ai assumé les fonctions de Ministre des Travaux Publics d’août 2002 à décembre 2004 et, au FOGAPE, j’ai été Président du Comité de Gestion de cet organisme pour la période allant de juin 1995 à juillet 1996.

Je n’ai jamais eu connaissance des rapports rédigés suite à ces divers contrôles, ni de leurs conclusions, et il ne m’a jamais été donné l’occasion d’y répondre dans le cadre d’une procédure contradictoire, voire de m’expliquer si nécessaire devant une juridiction financière. En somme, les droits de la défense ont été soit bafoués soit ignorés et cela n’a gêné personne outre mesure malgré mes complaintes.

Élu Député à l’Assemblée Nationale au titre de la 8ème Législature 2007-2012 sous la bannière du parti au pouvoir, le Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC) pour le compte de la circonscription de Mefou-Afamba dans la Région du Centre, et alors que j’assumais avec beaucoup de responsabilité mon mandat électif, le Gouvernement a saisi le Bureau de l’Assemblée pour obtenir la levée de mon immunité parlementaire afin de mettre en mouvement de l’action publique au motif du détournement de deniers publics. Le Bureau a refusé dans un premier temps le 14 juillet 2009 ; ce qui relevait de l’inédit au Cameroun et dans un Parlement où le parti au pouvoir dispose d’une « majorité-obèse ». Ce refus a été interprété par le régime politique en place comme un geste de défi à l’égard du Président BIYA. Il a fallu le retour au Cameroun du Chef de l’Etat d’un voyage officiel en France du 21au 24 juillet 2009 pour que les pressions exercées sur les Membres du Bureau de l’Assemblée amènent la levée de son immunité le 7 août 2009, à une période où les personnalités les plus fortes susceptibles de s’y opposer étaient absentes.

À l’analyse et à la vérité, la levée de mon immunité parlementaire était une mesure injustifiée, une véritable procédure d’exécution sommaire au cours de laquelle les usages parlementaires, à l’instar de l’audition du Député visé, ont été volontairement méconnus. Plusieurs Membres du Bureau n’ont pas hésité à dénoncer la démarche du Gouvernement, affirmant, avec raison, qu’elle n’était fondée en réalité que sur des motifs politiques afin de m’empêcher d’exercer mon mandat. Ainsi, répondant à la question qui lui avait été posée par Monsieur Hugues Seumo, journaliste à Camer.be (17-09-2000) de savoir  ce qu’il pensait de mon exil en tant qu’élu du peuple pour le compte du SDF, l’Honorable Jean Michel Nintcheu a eu la réponse suivante : « Je voudrais dire au sujet de mon collègue que l’accélération qu’a connue la procédure ayant conduit à la levée de son immunité est extrêmement suspecte parce que nous connaissons les lenteurs judiciaires au Cameroun. En moins de quatre mois, son immunité a été levée. Ceci a même provoqué la colère chez certains de nos Députés. Le Député Dieudonné Ambassa Zang, Député de la Mefou et Afamba était l’un des rares à l’Hémicycle qui prenait son travail au sérieux, il animait les débats à l’Assemblée Nationale surtout face aux Ministres que les Députés du RDPC ne se levaient que pour les féliciter. Idem pour Monsieur Ayah Paul Abine, Député RDPC de la Manyu qui est de ceux qui posent les véritables problèmes aux Ministres lors des débats. Je pense que ce qui s’est passé avec Dieudonné Ambassa Zang est une espèce de règlements de comptes. Certaines mauvaises langues affirment même qu’il appartiendrait au fameux G11. Est-ce que c’est cela qui explique cet acharnement contre sa personne alors que je sais qu’il existe beaucoup d’autres Députés du RDPC que je ne veux pas citer qui se sont livrés dans les malversations diverses à l’instar des marchés publics non-livrés, des malversations diverses et dont la presse en fait l’écho tous les jours. L’opération épervier s’est transformée en une espèce d’opération escargot à tête chercheuse ».

2-L’Union Interparlementaire pour la protection d’un Parlementaire dans la tourmente

Pour ma part, estimant d’une part que la levée de l’immunité parlementaire d’un Député est une formalité substantielle ne devant pas être autorisée sur la base de simples dénonciations contenues dans des rapports mal fagotés et, d’autre part, que mes droits avaient été violés dans le cadre de la procédure ayant abouti à la levée de mon immunité, c’est tout naturellement que j’ai saisi par requête l’Union Interparlementaire dont l’une des missions est de protéger les Parlementaires des abus et des violations de leurs droits. Cette démarche a suscité des sentiments terrifiants de la part des Autorités Camerounaises et le président de l’Assemblée Nationale est allé jusqu’à affirmer que c’était « une fuite en avant ». Et après avoir jugé ma requête recevable début janvier 2010, cette organisation internationale s’emploie depuis lors à trouver une solution amiable et équitable dans cette affaire. Entre autres, une mission de haut niveau a été dépêchée au Cameroun du 24 au 27 mai 2011. L’examen de mon cas par les instances compétentes de l’Union interparlementaire (Comité des Droits de l’Homme des parlementaires et Conseil Directeur) se poursuit toujours et nul doute que le dossier sera à nouveau à l’ordre du jour des prochaines assises statutaires qui auront lieu en octobre prochain.

3-L’exil pour échapper à la persécution et à la prison

Me trouvant en Europe pour des raisons personnelles au moment où mon immunité parlementaire a été levée et constatant par ailleurs qu’un rouleau compresseur s’était mis en mouvement contre ma modeste personne pour me broyer comme tant d’autres qui croupissent en prison, je n’avais à espérer aucune protection ni du Parlement ni du RDPC ou des Autorités placées aux postes de décision. Dans tel contexte de désarroi et de désespoir, j’ai dû alors me résoudre à rechercher une terre d’asile car, « devant la persécution, toute personne a le droit de chercher asile et de bénéficier de l’asile en d’autres pays » (Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, article 14). Après plus de six mois d’investigations et autres enquêtes de par le monde, j’ai été admis par l’Office Français des Réfugiés et apatrides (OFPRA), organisme indépendant, au statut de « Réfugié politique ». Il doit être clair pour l’opinion publique que je n’aurais jamais été admis au bénéfice de ce statut si les enquêtes et investigations avaient révélé ma moindre implication dans des affaires de blanchiment d’argent, d’enrichissement illicite et/ou de corruption, notamment dans l’opération de réhabilitation du pont sur le Wouri financée par la France (AFD) à hauteur de 12 millions d’euros.

Anticipant déjà plus ou moins sur cette affaire de l’opération de réhabilitation du pont sur le Wouri, l’opinion publique doit d’être informée que, invitée par l’Union Interparlementaire à faire connaitre son avis sur les allégations des Autorités Camerounaises selon lesquelles les plaintes portées contre moi découlaient d’un audit à la suite des plaintes de l’AFD (bailleur de fonds), la Directrice Générale de cet organisme français de financement du développement s’est désolidarisée des Autorités Camerounaises dans une lettre datée du 07 janvier 2014. Le Conseil Directeur de l’Union Interparlementaire, dans sa Résolution adoptée à l’unanimité à sa 194ème session tenue à Genève le 20 mars 2014, « relève que, contrairement à ce que les autorités camerounaises affirment depuis le début, l’AFD, qui a pleinement participé, tant sur le plan financier que sur le plan opérationnel, au projet de réhabilitation à l’origine de la levée de l’immunité parlementaire de M. Ambassa Zang, n’a pas porté plainte contre lui; ne peut que considérer que cette information, ajoutée aux réfutations circonstanciées de M. Ambassa Zang, donne encore plus de poids à l’allégation selon laquelle il n’y a pas, en fait, de motif de poursuites à son encontre » (http://www.ipu.org/hr-f/194/cm01.htm)

4-Ma traduction devant le conseil de discipline Budgétaire et Financière obtenue de haute lutte

Respectueux vis-à-vis des institutions de mon pays ainsi que des Autorités qui les incarnent, et convaincu de mon bon droit ainsi que de mon innocence, j’ai adressé plusieurs requêtes aux Autorités Camerounaises pour demander le réexamen de mon cas, notamment au Premier Ministre (19 avril 2010) et au Ministre du CONSUPE (13 mars 2012).

À la suite de ces multiples démarches, le Président de la République a donné des directives au Ministre du Contrôle Supérieur de l’État pour que je sois traduit devant le CDBF. La décision y afférente sous référence N° 00003/D/PR/CONSUPE/SG/SPCDBF/SGSA/BS a été signée par le Ministre du CONSUPE le 15 octobre 2012 (Annexe 1). Aucune publicité n’a été faite autour de cette Décision qui aurait dû faire l’objet d’une publication. Dans le but de respecter les instructions du Chef de l’Etat, l’Inspecteur d’État Emmanuel TCHOCK a été désigné comme Rapporteur. Ce dernier m’a adressé 02 « demande de renseignements partielles », datées respectivement du 20 août et du 04 novembre 2013. En retour, des mémoires en défense accompagnés de pièces justificatives probantes lui ont été soumis, et depuis ce dernier échange en janvier 2014, c’est le silence radio.

5-La confusion volontairement et savamment entretenue entre faute de gestion et détournement de deniers publics

Difficile de comprendre la nouvelle évolution survenue avec mon renvoi devant le TCS sur la base des accusations contenues dans la lettre adressée par le Ministre Etame Massoma (ex- CONSUPE) au Ministre de la Justice courant avril 2009, car effet c’est bien de cette fameuse lettre qu’il s’agit, et rien d’autre.

Au regard de cette violation de procédure, l’interprétation que l’Union Interparlementaire et moi faisons est qu’il faille respecter la volonté du Législateur Camerounais qui distingue la faute de gestion (loi n°74/18 du 05 décembre 1974 modifiées et complétées  par la loi 76/4 du 08 juillet 1976) du détournement de deniers publics (Code Pénal, article 184). Mieux, la compréhension de l’Union Interparlementaire et la mienne d’ailleurs est que la procédure pénale enclenchée par un zèle suspicieux de Mr ETAME MASSOMA, à défaut d’être abandonnée est à tout le moins suspendue jusqu’à la clôture de l’instance devant le CDBF.

Ma surprise est d’autant plus grande que les faits mis à ma charge dans l’ordonnance de renvoi du Magistrat Instructeur sont loin de réunir les éléments constitutifs du détournement au sens de la loi. A titre d’exemple, le Magistrat Instructeur, tout en reconnaissant la pertinence des motifs exposés par une petite entreprise camerounaise des travaux d’entretien routier à l’appui de sa demande de remise de pénalités de retard d’un montant qu’il a chiffré à un peu plus de 10 millions FCFA, a requalifié cette irrégularité présumée de gestion en détournement de deniers publics. Mon seul tort, selon lui, c’est de n’avoir pas requis au préalable l’avis de la Commission de Passation des Marchés. C’est le prototype de la faute de gestion qui, lorsqu’elle est avérée, emporte la sanction de mise en débet.

Cette confusion entretenue entre la faute de gestion et le détournement du denier public dans le cadre de l’Opération Épervier questionne justement sur l’État de droit au Cameroun. Elle est pernicieuse voire dangereuse en ce sens qu’elle expose les citoyens à une  insécurité juridique et judiciaire. Me Claude Assamba, l’un des avocats de la Défense de l’ex-Ministre de la Santé publique (Urbain Olanguena) souligne dans une interview à la presse nationale le 28 octobre 2009, avec pertinence, que « […] Au regard des motifs qui sous-tendent cette ordonnance de non-lieu partiel et de renvoi, l’on est légitimement en droit de se demander aujourd’hui qu’est-ce qu’un détournement de deniers publics ? Car le distinguo n’est plus fait entre l’irrégularité de pure forme consistant en une omission, la faute purement administrative imputable à un collaborateur, la faute de gestion et la faute pénale qui a pour moteur la volonté délibérée, l’intention de commettre l’acte infractionnel, c’est-à-dire l’atteinte à la fortune publique. Le détournement est devenu un véritable serpent de mer, une espèce de fourre-tout dans lequel les juges assimilent indistinctement les trois fautes au point de faire de l’infraction de détournement des deniers publics, une infraction purement matérielle au mépris des règles qui gouvernent le droit pénal et notamment le sacro-saint principe de la responsabilité pénale individuelle et personnelle…. »
(http://www.justicecameroun.com/component/content/article/35-news/derniers-infos/56-interview-nous-irons-au-tribunal-surs-de-notre-verite)

La loi n°74/18 du 5 décembre 1974 relative au contrôle des ordonnateurs, gestionnaires et Gérants des crédits publics et des entreprises d’Etat telle que modifiée et complétée par la loi N°- 76/4 du 8 juillet 1976 consacre la compétence rationne materiae du Conseil de Discipline Budgétaire et Financière (CDBF) en matière de mise en cause de la responsabilité des comptables et des gestionnaires publics. Cette compétence a été réaffirmée par la loi n°2007-006 du 26 décembre 2007 portant Régime Financier de l’État, notamment les dispositions de l’article 52 (alinéa 3) aux termes desquelles «  Les ordonnateurs sont justiciables devant l’organe chargé de la discipline budgétaire et financière dont l’organisation et le fonctionnement sont fixés par un texte particulier ».

Certes, la loi dispose que « la saisine du Conseil ne fait obstacle ni à l’exercice de l’action disciplinaire, ni à celui de l’action pénale » (article 11 de la loi 74/18) mais, pour éviter toute confusion entre faute de gestion et détournement, le Législateur Camerounais a prescrit l’examen préalable de l’affaire par la « juridiction financière » (CDBF), à charge pour elle et « Si l’instruction fait apparaître susceptibles d’être qualifiés de délits ou  crimes, le Président du conseil transmet le dossier à l’autorité judiciaire. Cette transmission vaut plainte au nom de l’Etat, de la collectivité publique ou de l’entreprise concernée contre le mis en cause ». Le fait d’ailleurs pour ministre du CONSUPE de signer une Décision sur les directives présidentielles me traduisant devant le CDBF après que son prédécesseur ait initialement saisi directement la Justice montre bien que c’est la bonne lecture de la loi. Faut-il le souligner, le Législateur Camerounais a tout simplement repris les dispositions du Code des Juridictions Financières de France (Article L314-18 – LIVRE III : Les institutions associées à la Cour des comptes – TITRE Ier : La Cour de discipline budgétaire et financière) : « Les poursuites devant la Cour ne font pas obstacle à l’exercice de l’action pénale et de l’action disciplinaire [….] Si l’instruction permet ou a permis de relever à la charge d’une personne mentionnée à l’article L.312-1 des faits qui paraissent de nature à justifier une sanction disciplinaire, le président de la Cour signale ces faits à l’autorité ayant pouvoir disciplinaire sur l’intéressé. Cette autorité doit, dans le délai de six mois, faire connaître au président de la Cour par une communication motivée les mesures qu’elle a prises […] Si l’instruction fait apparaître des faits susceptibles de constituer des délits ou des crimes, le procureur général transmet le dossier au procureur de la République dans les conditions prévues à l’article 40 du code de procédure pénale et avise de cette transmission le ministre ou l’autorité dont relève l’intéressé ».

Comme l’affirme Fanny Pigeaud dans son ouvrage « Au Cameroun de Paul Biya », « D’une manière générale, le pouvoir applique les lois de façon très aléatoire » (Ed Khartala, 2011 –p82). Et les lois sont ainsi appliquées et/ou interprétées dans un sens qui soit en conformité avec les « volontés du Prince » avec comme conséquence une inégalité des citoyens devant la loi : pendant que les dossiers de certains sont gérés par le CDBF, ceux des autres (les moutons noirs) sont adressés directement à la justice pour la mise en mouvement de l’action publique. Où est donc l’État de droit ?

Dans le cadre de l’examen de mon cas et concernant la mise en mouvement de l’action publique plutôt que la mise en jeu de ma responsabilité en tant qu’Oronnateur devant le CDBF, le Conseil Directeur de l’Union Interparlementaire souligne que « les autorités ont opté pour la procédure pénale qui, contrairement à la procédure engagée devant le Conseil de discipline budgétaire et financière, n’autorise pas l’accusé à se faire représenter par un avocat en son absence; réitère sa conviction que ce choix a été fait précisément pour justifier l’argument selon lequel le dossier est bloqué tant que M. Ambassa Zang ne se présente pas aux autorités judiciaires camerounaises; note à ce sujet que M. Ambassa Zang a répondu en détail aux accusations dont il avait connaissance et qu’il est prêt à fournir des informations supplémentaires si elles se révélaient nécessaires » (Résolution adoptée à la 192ème session le 27 mars 2013 à Quito/Equateur).
Un présumé détournement de 5.820.645.438 FCFA : des accusations non-fondées et l’absence d’infraction pénale caractérisée

Des Vérificateurs ne disposant pas des compétences et capacités requises
En parcourant l’ordonnance de renvoi, il en ressort que le montant total du détournement des deniers mis à ma charge est de FCFA 5.820.645.438, de quoi faire exploser mes compatriotes de colère. La vérité est que les chefs d’accusation dont on m’accable sont à la fois non-fondés et malveillants, toutes choses trouvant leur justification d’une part dans l’incompétence des Vérificateurs ayant conduit des missions de contrôle au MINTP et d’autre part dans l’action d’un « noyau dur » constitués de Personnels Techniques (Inspecteurs d’État et Contrôleurs d’État) me reprochant d’avoir eu une carrière fulgurante et décidés, par pure jalousie de porter un coup fatal à ma carrière professionnelle.

Ce triste constat est d’ailleurs partagé par Monsieur Siegfried Etame Massoma, ex-Ministre du CONSUPE et prédécesseur de Monsieur Henri Eyebe Ayissi, lui qui, à l’occasion de la présentation des vœux à ses collaborateurs le 22 janvier 2010, avait déploré le comportement peu honorable des Inspecteurs et Contrôleurs d’État « fait de critiques récurrentes sur la qualité discutable des rapports, la technicité approximative des équipes de vérification, l’intelligence avec les gestionnaires de la fortune publique et, en cas de mauvaise entente, de rapports sous forme de règlements de comptes ». Et, Plus grave encore, dans le cadre de l’affaire dite du Port Autonome de Douala, la Cour d’Appel du Littoral a eu à rejeter le rapport d’expertise confectionné par des Vérificateurs du CONSUPE au double motif :
d’une part de la partialité des Experts car « les trois Inspecteurs d’État, salariés de l’État, ne pouvaient être ni objectifs ni impartiaux dans le cadre d’une expertise judiciaire » ;
d’autre part de la vénalité des Experts car « en acceptant la mission d’expertise alors qu’ils n’avaient ni qualité ni compétence, les Inspecteurs d’État ont par vénalité fagoté un rapport truffé d’erreurs techniques… »

Le Magistrat Instructeur : une instruction en trompe-l’œil
Voilà pourquoi il est malaisé de constater que les conclusions des rapports des vérificateurs, lesquelles ont toujours été récusées par moi car truffées de contre-vérités et d’affirmations gratuites, constituent les chefs d’accusation mis à ma charge. C’est dire que le Magistrat Instructeur Jérôme KOUABOU n’a pas réussi à se sortir du piège des « manipulateurs » du CONSUPE qui ont mené les missions de contrôle au MINTP en 2006. Et, oubliant l’obligation qui est la sienne d’instruire « à charge et à décharge » afin de procéder à la manifestation de la vérité, le Magistrat JÉRÔME KOUABOU a reconduit pratiquement toutes les accusations (y compris les montants avec des erreurs matérielles) contenues dans la lettre que l’ex-Ministre du CONSUPE ETAME MASSOMA avait adressée au Vice-Premier Ministre AMADOU ALI, Ministre Chargé de la Justice et Garde des Sceaux. Si on était dans le domaine de l’informatique, on parlerait du « copier/coller ». Pourtant, le Juge d’Instruction est doté de larges pouvoirs lui permettant d’œuvrer efficacement à la manifestation de la vérité.

Pour ne pas donner à penser que je jette l’opprobre sur les Vérificateurs et le Magistrat Instructeur, juste quelques « morceaux choisis » parmi les chefs d’accusation visés dans l’ordonnance de renvoi afin de montre comment on « fabrique les coupables » de l’Opération Épervier, un déni de Justice. Les points retenus portent sur : les Régies d’Avance ; la remise des pénalités aux établissements FRALIDA; l’opération de réhabilitation du pont sur le Wouri.

Accusation portant sur la Gestion des Régies d’Avances au MINTP en 2003 et 2004 (Montant en cause : FCFA 422.000.000)

Dans l’ordonnance de renvoi devant le TCS, le Magistrat Instructeur affirme que l’utilisation des fonds mis à disposition par le MINFI au titre des Régies d’Avances pour les exercices 2003 et 2004, soit « 422 millions FCFA » n’a pas été prouvée, « les livres journaux de leur gestion n’ayant pas été présentés à la mission de vérification du Contrôle Supérieur de l’État ni lors de l’enquête préliminaire ».

Le montant avancé par le Magistrat Instructeur est erroné
Le Magistrat Instructeur, dans la précipitation n’a fait que reprendre le montant visé dans la lettre de Mr ETAME MASSOMA au Ministre de la Justice courant avril 2009. S’il avait fait son travail, il se serait rendu compte que le montant de 422 millions est erroné. Je voudrais faire observer avant toute chose que le volume financier global des opérations supportées par les Régies d’Avances ouvertes au MINTP au cours des exercices budgétaires 2003 et 2004 n’est pas de 422 millions mais plutôt de 677.000.000 FCFA, somme répartie ainsi qu’il suit par exercice : 422.500.000 FCFA en 2003 et 254.500.000 FCFA en 2004

La méconnaissance de la Réglementation en matière de fonctionnement des Régies d’Avances
Sur le fond, aux termes des dispositions de l’article 1er du Décret n° 86/055 du 14 janvier 1986, les Régies de Recettes et d’Avances relèvent du Ministre Chargé des Finances (Direction du Budget) qui les créé par Arrêté et en désigne les responsables par Décision. Les dispositions relatives à l’ouverture et à la gestion des Régies de Recettes et d’Avances sont visées au début de chaque exercice budgétaire, dans les circulaires relatives à l’exécution et au contrôle de l’exécution du Budget de l’État. Et les Circulaires sur l’exécution et le contrôle de l’exécution du budget fixe les règles à observer en matière de pièces justificatives :
Les opérations en Caisses d’Avances sont justifiées par des pièces de dépenses, à l’exception de celles relatives aux hôtels particuliers des Membres du Gouvernement et assimilés, des Caisses d’Avances dites spéciales qui sont justifiées exceptionnellement par un certificat de dépenses.
Les factures relatives aux dépenses effectuées en caisses d’avances comportent, outre les mentions de certification et de prise en charge du Comptable-matières, et de liquidation du gestionnaire, le numéro d’enregistrement dans le livre – journal du régisseur et l’acquit du fournisseur ou de son représentant dûment identifié et mandaté.
Les fournitures et prestations réalisées en Caisses d’Avances dont le montant est égal ou supérieur à 200 000 FCFA font l’objet d’un procès-verbal de réception, d’une recette technique ou d’une attestation de service fait.

Le respect des dispositions règlementaires encadrant la gestion des Régies d’Avances fait partie des attributions de la Direction du Budget dont les personnels appelés « Contrôleurs Budgétaires » sont désignés par Décision du MINFI à l’occasion de la clôture au 31 décembre de chaque exercice budgétaire pour les Régies d’Avances ouvertes en début de l’exercice concerné. Les Contrôleurs budgétaires sont tenus de rédiger, à l’issue des opérations de vérification des Régies d’Avances, un Procès-Verbal de Vérification dans lequel sont relevées et consignées, aux fins de sanction à l’encontre du Régisseur fautif, les irrégularités de gestion.

Concernant les pièces de dépenses et les Livres Journaux, la demande faite par les Vérificateurs du CONSUPE et le Magistrat Instructeur au Gestionnaire Ambassa Zang et au Régisseur Mekongo Abega est signe de la méconnaissance de la Réglementation car les Circulaires du Ministre des Finances sur l’Exécution du Budget précisent que, « Au moment de l’arrêté des écritures, la comptabilité de clôture détenue par le régisseur doit être récupérée par le vérificateur et déposée dans le contrôle financier compétent pour les services extérieurs, et à la Direction du Budget pour les services centraux. La comptabilité de la clôture de la caisse d’avances est transmise au poste comptable de rattachement par la Direction du Budget, le Contrôleur Financier Spécialisé, le Contrôleur Provincial ou Départemental des Finances». Ces dispositions sont visées dans la Circulaire N° 04/001/MINFIB du 08 janvier 2004 –Voir chapitre cinquième : Procédures Diverses d’Exécution –Engagement des Dépenses –S/section4 : Procédure des Régies d’Avances, page 26 à 29 –Paragraphe G). La comptabilité de clôture c’est à la fois les pièces de dépense et les Livres Journaux.

Et, surabondamment, deux points sont à relever dans cette affaire :
La responsabilité de la tenue des comptabilités incombe exclusivement au Régisseur qui a la qualité de comptable et la législation camerounaise des finances Publiques consacre le principe de la séparation des Ordonnateurs et des Comptables.
Les Contrôleurs Budgétaires n’auraient jamais pu faire les vérifications prescrites, établir des procès-Verbaux et donner quitus si le régisseur n’avait pas présenté les pièces de dépenses et le livre Journal lors de leur passage, étant entendu par ailleurs que cette comptabilité doit être déposée à la direction du Budget.

Ce chef d’accusation est mal fondé et ce d’autant plus que les Procès-Verbaux de Vérification de l’ensemble des Régies d’Avances remis par les Contrôleurs Budgétaires au Régisseur à la clôture des Régies d’Avances des exercices 2003 et 2004 ne mettent en évidence aucune irrégularité et, mieux les Contrôleurs Budgétaires ont plutôt donné des appréciations positives dans ces Procès-Verbaux. Dans le cadre de l’instruction de l’affaire par le CDBF, ces documents probants ont été mis à la disposition du Rapporteur. Ils sont également entre les mains de mon Conseil.

Lors de l’audience, il sera sans doute important d’entendre un Représentant du Ministère des Finances lors du déroulement du procès pour avoir un « dire d’expert » sur d’une part le fonctionnement des régies d’Avances et d’autre part les responsabilités en matière de tenue et production de la comptabilité de ces Régies d’Avances.

Accusation : Remise irrégulière des pénalités de retard aux établissements FRALIDA (Montant en cause : FCFA 10.340.287)

Contexte et faits
Avant d’apporter la réplique à l’accusation mise à ma charge par le Magistrat Instructeur selon laquelle j’ai annulé irrégulièrement les pénalités de retard dues par les Établissements FRALIDA, adjudicataire du marché des travaux d’aménagement de la voie d’accès à a cathédrale d’Edéa, il est important de faire savoir le contexte dans lequel AMBASSA ZANG, en sa qualité de Ministre des Travaux Publics, a été amené à faire réaliser les travaux concernés.

Les travaux d’aménagement de la voie d’accès à la Cathédrale et à l’Archevêché d’Edéa ont été réalisés dans les conditions d’urgence, sur les Très Hautes Instructions de S.E. Monsieur le Président de la République, en réponse à la demande qui lui avait été faite par Mgr VICTOR TONYE BAKOT, à l’époque Évêque du Diocèse d’Édéa. C’est d’ailleurs ce qui justifie l’autorisation donnée par le Premier Ministre, Chef du Gouvernement et Autorité des Marchés Publics au Ministre des Travaux Publics, suivant lettre n°B2186/CAB/PM du 30 avril 2003, d’attribuer le marché des travaux selon la procédure de gré à gré aux Établissements FRALIDA.

Le marché, d’un montant TTC de FCFA 117.876.222, signé par le Ministre des Travaux et Maître d’Ouvrage le 02 juillet 2003 a été transmis aux Services déconcentrés territorialement compétents du Ministère des Travaux Publics pour la suite de la procédure. Une délégation ponctuelle des crédits d’égal montant a ensuite été faite au bénéfice de la Délégation Départementale des Travaux Publics du Littoral.

Dans sa correspondance au MINTP datée du 19 février 2004 et rendant compte de l’état d’exécution de ce marché hautement prioritaire, le Délégué Provincial des Travaux Publics du
Littoral a fait savoir, entre autres que le délai contractuel de 04 mois avait été dépassé de 02 mois et 02 semaines.

À la suite de la notification des pénalités dues qui lui a été faite par le Chef de Subdivision des Travaux Publics de la Sanaga Maritime, Maître d’œuvre du marché, la gérante des Établissement FRALIDA a adressé au Ministre des Travaux Publics une requête datée du 14 avril 2004 dans laquelle, tout en donnant les raisons liées au dépassement des délais, a sollicité une remise gracieuse de ces pénalités de retard.

L’irrégularité de gestion présumée notifiée par les Vérificateurs
La Demande de Renseignements N° 682/PR/CONSUPE/SG/DIAC/MCMINTP datée 22 juillet 2007 que l’Inspecteur d’État NOLLA BATTA, le Chef de la Mission d’Audit auprès du MINTP m’a servie, entre autres irrégularités présumées de gestion pour lesquelles mes éléments de réponse étaient requis, figurait le point concernant l’annulation  irrégulière  des pénalités  pour un montant de 10.340.287 FCFA. Cette observation a été libellée ainsi qu’il suit : « Vous avez annulé de manière irrégulière les pénalités de retard de FCFA 10.340.287 que devrait payer l’entreprise FRALIDA sans vous référer préalablement à l’Agence de régulation des Marchés Publics ».

Très concrètement donc, pour qualifier « annulation irrégulière des pénalités» la remise des pénalités consentie par Ambassa Zang au profit des établissements FRALIDA, les Vérificateurs se sont fondés sur l’article 89(al3) du Décret n°2004/275 du 24 septembre 2004 portant Code des Marchés libellé ainsi qu’il suit : « La remise des pénalités de retard d’un marché ne peut être prononcée par le Maître d’Ouvrage ou le Maître d’Ouvrage Délégué qu’après avis favorable de l’organisme chargé de la régulation des Marchés Publics ».

Dans ma réponse à l’observation des Vérificateurs, j’ai invoqué le principe de la non-rétroactivité. En effet, le marché en cause ayant été signé et notifié en juillet 2003, les dispositions du Décret n°2004/275 du 24 septembre 2004 ne pouvaient être applicables, en vertu du « principe de  non-rétroactivité des lois ». Ce principe a été réaffirmé par l’article 164 des dispositions transitoires du Décret susvisé : « Les marchés publics notifiés antérieurement à la date d’entrée en vigueur du présent Code demeurent régis, pour leur exécution par les dispositions qui étaient applicables au moment de leur notification ».

Et, poursuivant mon argumentaire de défense, j’ai rappelé les dispositions applicables, à savoir celles de l’article 81 du Décret 95/101 du 09 juin 1995 portant règlementation des marchés publics et de ses modificatifs subséquents aux termes desquelles « toute remise de pénalités est prononcée par l’Autorité signataire du marché, sur proposition du Maître d’Ouvrage et après avis de la Commission de Passation des Marchés compétente ». Il a été précisé à l’attention des Vérificateurs que les dispositions de l’article 81 ci-dessus visées ont été scrupuleusement respectées par le Ministre des Travaux Publics.

Une accusation « reformulée » dans l’ordonnance de renvoi devant le TCS
Au regard de la pertinence des arguments de défense que j’avais données, cette observation portant sur la remise des pénalités aux établissements FRALIDA qualifiée « irrégulière » à tort car fondée sur des dispositions non-applicables en vertu du principe de la non-rétroactivité du Décret n°2004/275 du 24 septembre 2004 portant Code des Marchés aurait dû être levée.

Le Magistrat Instructeur, pour des raisons qui lui sont propres, s’est donné la peine de reformuler l’observation initiale telle que faite par les Vérificateurs. Pour sa part, il allègue désormais une annulation irrégulière des pénalités de retard « évalués à 10.340.287 FCFA » en se fondant cette fois sur le fait que « le Maître d’ouvrage ne s’est pas conformé aux dispositions de la loi qui exige l’avis de la Commission de Passation des Marchés compétente ». En le faisant, il se rend coupable de la violation du principe de loyauté de la procédure.

Au fond et en réponse, le chef d’accusation reformulé par le Magistrat Instructeur appelle une triple réaction :
i)-Au plan juridique : les Marchés Publics ne relèvent pas du domaine de la loi mais du Règlement.
Dans l’ordonnance de renvoi du Magistrat Instructeur, il est visé que « le Maître d’ouvrage ne s’est pas conformé aux dispositions de la loi ». Nous nous permettons de relever que le Magistrat Instructeur ne précise pas les références et l’article de la loi sur laquelle il dit se fonder pour qualifier « irrégulière » la remise des pénalités de retard aux Établissements FRALIDA. Mieux que quiconque, il connait le principe « nullum crimen, nulla poena sine lege ». Enfin, il semble utile de rappeler que les Marchés Publics ne font pas partie du domaine de la loi mais plutôt du Règlement.

ii)-Le montant des pénalités de retard est de FCFA 6.954.697 et non FCFA 10.340.287
Dans l’ordonnance de renvoi, le montant en cause est de 10.340.287 FCFA sans que le Magistrat Instructeur indique dans l’ordonnance de renvoi le mode de calcul pour obtenir ce montant des pénalités. L’attention est appelée sur le fait que, dans sa lettre n°0065/L/MINTP/DPLT du 19 février 2004, le Délégué Provincial des Travaux Publics du Littoral a porté à ma connaissance que le montant des pénalités dues par les Établissements FRALIDA étaient d’un montant total de 7.454.697 FCFA ventilé ainsi qu’il suit :
pénalités pour dépassement des délais contractuels d’un montant FCFA 6.954.697 ;
pénalités pour remplacement du Conducteur des Travaux d’un montant de FCFA 500.000.
Cette lettre du Délégué Provincial des Travaux Publics du Littoral était d’ailleurs appuyée d’une note du Chef de Subdivision des Travaux Publics de la Sanaga-Maritime (Edéa) portant évaluation des pénalités de retard à appliquer aux établissements FRALIDA.

Et le plus étonnant c’est que, dans la lettre que j’ai adressée à la gérante des Établissements FRALIDA, en réponse à sa requête, je fais savoir qu’un avis favorable y a été réservée sans donner de montant et lui demandant de se « rapprocher des Services de la Délégations Provinciales des Travaux Publics du Littoral pour l’établissement du décompte final ». Aucun montant n’y est mentionné et sur quoi donc se sont basés les Vérificateurs pour dire que j’ai procédé à une remise des pénalités en faveur des établissements FRALIDA à hauteur de FCFA 10.340.287.Une fois de plus , en retenant le montant de FCFA 10.340.287FCFA contenu dans la lettre de Mr ETAME MASSOMA, le Magistrat Instructeur s’est fait piéger par les Vérificateurs, une fois de plus.

iii)-L’avis de la Commission de Passation des Marchés a été obtenu au préalable
Contrairement à ce que le Magistrat Instructeur affirme dans son ordonnance, la Commission de Passation des Marchés compétente a donné son avis favorable lors de la réunion que j’ai personnellement présidée dans la salle des Réunions du Cabinet du Ministère des Travaux Publics le 19 avril 2004, réunion à laquelle ont pris part le Directeur des Routes, le Délégué Provincial des Travaux Publics du Littoral par intérim, le Chef de Subdivision des Travaux Publics de la Sanaga Maritime et les Membres de la Commission de Passation des Marchés des Travaux Neufs. Lors de cette réunion, les raisons exposées à l’appui de sa requête par Dame EMAH TOLO ont été jugées pertinentes au plan technique d’où la décision du Ministre des
Travaux Publics de réserver une suite favorable à la demande de remise des pénalités de retard aux Établissements FRALIDA. On s’explique d’ailleurs mal la qualification juridique « détournement de deniers publics » donnée par le Magistrat Instructeur à chef d’accusation en raison de ce qu’il reconnaît lui-même dans son ordonnance de renvoi, et après audition de la gérante des Établissements FRALIDA, « la pertinence des explications » que cette dernière a données.

Accusation : Préjudice causé au Trésor Public pour attribution frauduleuse du marché des travaux de réhabilitation du pont sur le Wouri à une entreprise ne présentant pas les capacités techniques, économiques et financières nécessaires (Montant en cause : FCFA 4.891.407.226)

Le réquisitoire accablant et d’une rare violence du Magistrat Instructeur n’a rien à voir ni avec la Réglementation des Marchés Publics ni avec le droit des contrats et encore moins le processus de passation du marché des travaux de réhabilitation du pont sur le Wouri tel qu’il aura été conduit dans les faits. Mais avant d’apporter la réplique aux charges retenues contre moi dans cette affaire par le Magistrat Instructeur, il est important de situer le contexte des faits.

Le pont du Wouri, n ouvrage d’art futuriste laissé sans entretien pendant presque 50 ans
Le pont sur le Wouri à Douala, d’une longueur totale d’environ 1.750 mètres dont une partie sur les eaux longue de 650 mètres, a été réalisé pendant la période coloniale, de 1952 à 1954, par les entreprises françaises « Société de Construction des Batignolles » et « Compagnie Industrielle des Travaux Publics », afin de relier :
d’une part la zone industrielle de Douala-Bonabéri à la ville de Douala.
et d’autre part Douala, capitale économique, à l’Ouest et au Sud-Ouest du Cameroun.

Inauguré officiellement avec faste le 15 mai 1955 soit un peu plus de 06 mois après la date initialement prévue à cet effet, le pont sur le Wouri, a été construit selon une technique révolutionnaire à l’époque en ce sens que, pour la première fois hors de France, il avait été fait recours à la nouvelle formule du « béton précontraint ».

Jusqu’à la veille de son cinquantenaire, le pont sur le Wouri n’avait bénéficié d’aucun un entretien adéquat. Dès le milieu des années 90, la « vieille dame » présentait donc sans surprise de sérieux signes de fatigue et certains des pylônes de l’ouvrage vibraient au passage des véhicules. Le risque d’effondrement sera confirmé en novembre 2000 par le rapport d’auscultation remis par le Bureau d’Études SCETAUROUTE. Il y était souligné d’importantes pathologies, lesquelles constituaient une véritable menace pour la stabilité de l’ouvrage. Les pathologies majeures étaient d’une part l’usure généralisée des fondations et, d’autre part, une importante corrosion des câbles de précontrainte longitudinale et transversale. Un tel constat dictait que soient conduits d’urgence des travaux de réhabilitation car un effondrement du pont sur le Wouri aurait constitué un véritable drame économique, social et politique pour le Cameroun mais aussi pour la Sous-Région de l’Afrique Centrale. Le double objectif de l’opération de réhabilitation était d’assurer la pérennité du pont et aussi d’améliorer la sécurité ainsi que les conditions de circulation des personnes et des marchandises tant sur l’ouvrage que ses abords immédiats.

L’une des énigmes concernant le pont sur le Wouri, jusqu’à ce jour, reste le coût des travaux de construction de cet ouvrage. Dès lors, estimer le coût de sa réhabilitation était une véritable gageure et la seule certitude était qu’une telle opération, au vu de l’envergure de l’ouvrage, de la technique utilisée pour sa construction et du temps mis sans entretien, nécessiterait la mobilisation des moyens financiers importants.

En juillet 2001 et en réponse à la demande de financement présenté par le Gouvernement, le Conseil de Surveillance de l’Agence Française de Développement a autorisé le Directeur Général à consentir à la République du Cameroun un prêt souverain concessionnel de 12 millions d’euros incluant le coûts de travaux, de la maitrise d’œuvre, les mesures environnementales et l’audit technique . Cette autorisation a été matérialisée par la suite par la signature d’une convention de financement en septembre 2001 entre d’une part la République du Cameroun représentée par le Ministre des Investissements Publics et de l’Aménagement du Territoire et, d’autre part, par l’Agence Française de Développement.

Au moment de ma nomination comme Ministre des Travaux Publics le 22 août 2002, j’ai trouvé que le processus de réhabilitation avait déjà été largement engagé et divers actes posés notamment :
signature par le Premier Ministre, Chef du Gouvernement, le 28 juillet 2000 du marché n°1753/AO/SPM/CNM/2000-2001 avec le Groupement constitué des Bureaux d’Études SCETAUROUTE International /SCET Cameroun et ECTA-BTP à la suite d’un appel d’offres international, marché portant maîtrise d’œuvre pour la réhabilitation du pont du Wouri
lancement d’un nouvel appel d’offres international N°001/AOIO/MINTP/CPM/01-02 le 25 juin 2002 relatif aux travaux de réhabilitation du pont du Wouri.

Dans le souci d’un meilleur suivi des travaux, et en respect des dispositions combinée de la Convention de Financement et celles de l’article 5 du marché relatif aux « attributions du Maître de l’Ouvrage et du Conducteur d’Opérations », le Premier Ministre et Autorité des Marchés a signé l’Arrêté N°54/CAB/PM du 06 juin 2003 portant création d’un Comité Interministériel de Pilotage des Travaux de Réhabilitation du Pont sur le Wouri. Ledit Comité Interministériel de Pilotage a été placé sous la présidence de Monsieur EMMANUEL BONDE, Secrétaire d’État aux Travaux Publics.

À ma sortie du Gouvernement le 08 décembre 2004, l’exécution des travaux de réhabilitation du pont du Wouri par le Groupement UDECTO/ETIC International, travaux qui ont démarré pratiquement avec 11 mois de retard par rapport au chronogramme initial et pour des raisons indépendantes du Maître d’Ouvrage, se poursuivait normalement : aucun problème majeur de nature à compromettre la bonne exécution des travaux n’avait été porté à ma connaissance ni par le Président du Comité Interministériel de Pilotage des Travaux de Réhabilitation du Pont sur le Wouri, ni par le Maître d’œuvre et encore moins par l’AFD.

Comme nous allons le démontrer dans les développements qui vont suivre, à l’instar des conclusions des investigations des Vérificateurs du CONSUPE, les charges retenues par le Magistrat Instructeur contre moi démontrent à suffisance le manque d’expertise en matière de passation des marchés à financement conjoint et même l’absence de maîtrise de la réglementation Camerounaise des Marchés Publics. Dès lors, le « jusqu’au-boutisme » et la fermeté dont fait preuve le Gouvernement dans les accusations et les poursuites subséquentes dirigées contre ma modeste personne dans cette affaire est hallucinant et n’honore en rien notre pays, lequel dispose de tant de ressources humaines de qualité. Ce qui se passe est une prime à l’incompétence et doit être dénoncé avec force afin que s’arrête, peut-être enfin, la spirale à la fois dangereuse et mortelle.
Sur le processus de passation et d’attribution du marché-programme des travaux de réhabilitation du pont sur le Wouri

Le Magistrat Instructeur Jérôme KOUABOU affirme dans l’ordonnance de renvoi que, « Par collusion et manœuvres frauduleuses ayant abouti à faire déclarer infructueux l’appel d’offres y afférent, a attribué de gré à gré en 2003 à l’entreprise UDECTO, une PME Togolaise en déconfiture et en période suspecte de faillite, ne présentant pas de garanties techniques suffisantes, au détriment des multinationales ayant soumissionné le marché de réhabilitation du pont sur le Wouri ». Et pour conforter son propos, il ajoute que « les conclusions de l’expert commis par la Cour Internationale d’Arbitrage démontrent à suffire l’implication criminelle de AMBASSA ZANG Dieudonné Télesphore qui a fait adjuger ledit marché à l’entreprise UDECTO, petite et moyenne entreprise Togolaise qui se trouvait en état de déconfiture et en période suspecte de faillite et ne présentant pas de garanties techniques nécessaires ».

Nous allons aborder ci-après, point par point, les questions de fond que soulève cette accusation grave du Magistrat Instructeur afin de rétablir la vérité des faits et, partant, éviter des amalgames et confusions malheureuses susceptibles d’induire en erreur l’opinion publique et le Tribunal dans leurs appréciations.

UDECTO est co-traitant et non l’adjudicataire du marché des travaux de réhabilitation du pont sur le Wouri
Contrairement à ce que les Vérificateurs ont consigné dans leurs rapports et repris malheureusement par le Magistrat Instructeur, l’entreprise UDECTO n’est pas l’adjudicataire du Marché-Programme N°0036/M/MINTP/CPM-TN/2003 souscrit le 22 avril 2003. En effet, ledit marché a été attribué plutôt à un « Groupement Conjoint » formé des entreprises UDECTO et ETIC International.

L’entreprise UDECTO a présenté une soumission en réponse à l’appel d’offres international N°001/AOIO/MINTP/CPM/01-02 lancé le 25 juin 2002 relatif aux travaux de réhabilitation du pont sur le Wouri. Cet appel d’offres a été déclaré infructueux et le Maître d’ouvrage a reçu l’autorisation de conclure un marché de gré à gré avec UDECTO, soumissionnaire moins-disant dont la proposition financière était de 33% supérieure à l’estimation confidentielle. À l’issue des négociations et compte tenu de la complexité des travaux à réaliser, il a été demandé au candidat UDECTO de former un « Groupement Conjoint » avec ETIC, spécialiste de la  précontrainte  et sous-traitant dans l’offre technique d’UDECTO. Le but visé et atteint était de fiabiliser l’offre technique d’UDECTO. L’article 66 (al.3) du Décret 2004/275 du 24 septembre 2004 portant Code des Marchés Publics précise la notion de « Groupement Conjoint », « Les entreprises groupées sont conjointes lorsque, les prestations étant divisées en lots dont chacun est assigné à l’une de ces entreprises, chacune d’entre elles est engagée pour le ou les lots qui lui sont assignés. L’une d’elle doit être désignée dans le CCAP comme mandataire, celui-ci étant solidaire des autres entreprises dans les obligations contractuelles à l’égard du Maître d’ouvrage ou du Maître d’ouvrage délégué. Le mandataire représente l’ensemble des entreprises conjointes vis-à-vis du maître d’ouvrage ou du Maître d’ouvrage délégué pour l’exécution du marché. Chaque entreprise est payée par l’Administration dans son propre compte ».

Le Tribunal Arbitral n’a commis aucun Expert
Contrairement à ce qui est avancé par le Magistrat Instructeur, la Chambre de Commerce International de Paris, Tribunal Arbitral, n’a pas désigné un Expert. En effet, Mr K. Suter, -je suppose que c’est de lui qu’il s’agit puisque le Magistrat Instructeur ne décline pas le nom de l’Expert dont il parle dans son ordonnance de renvoi- qui a rendu un avis le 16 novembre 2004 est un Expert proposé par le Centre d’Expertise de la CCI à la demande d’UDECTO (Sentence Arbitrale, point 102, page 25).

Il est d’ailleurs très curieux que le Magistrat Instructeur, dans sa démarche visant à m’accabler en vienne à se fonder sur une expertise récusée par la partie Camerounaise et non- prise en compte par le Tribunal Arbitral. Il est en effet visé ce qui suit dans la Sentence : « la RC (République du Cameroun) la critique pour des raisons suivantes : absence de contradictoire en raison de la non- audition du Maître d’œuvre et du Directeur des Routes de la RC ; brièveté et superficialité de la visite sur place ; ignorance de la matière fiscale et financière, analyse limitée aux documents fournis unilatéralement par UDECTO ; caractère partial de l’expertise. Par conséquent, la RC demande au Tribunal Arbitral de ne pas prendre en considération une telle expertise » (Sentence Arbitrale, points 107 et 108, page 26).

Commentant au Dalloz (2003, p.1403) un arrêt rendu le 16 janvier 2003 par la Deuxième Chambre Civile de la Cour de Cassation, M. le Doyen Julien écrivait que par cet arrêt, la Deuxième Chambre exprimait « avec rigueur et fermeté son exigence quant au respect de la contradiction en matière d’expertise ». L’expertise réalisée par Mr K. Suter n’ayant pas respecté le principe du contradictoire a été déclarée nulle et le Magistrat Instructeur est mal fondé en invoquant les conclusions de cette expertise.

La responsabilité de l’évaluation des offres techniques et financières ne relevait pas de la responsabilité d’Ambassa Zang
Concernant l’évaluation des offres techniques et financières, aux termes de la Réglementation Camerounaise des Marchés Publics, la recevabilité, le dépouillement et l’évaluation des offres des soumissionnaires sont des attributions qui incombent à la Commission de Passation des Marchés. Une fois les offres reçues et dépouillées, la Commission de Passation des Marchés met alors en place une Sous-Commission d’Analyse pour l’évaluation des offres des soumissionnaires selon les critères du Règlement Particulier de l’Appel d’Offre (RPAO).

Aux termes des dispositions de l’article 4 du Décret N° 2002/030 du 28 janvier 2002 portant création, organisation et fonctionnement des Commissions des Marchés Publics, ces organes d’appui placés auprès des Maîtres d’ouvrage et Maître d’ouvrage délégués, entre autres :
Examinent et émettent un avis technique sur les dossiers d’appel d’offres ;
Organisent les séances d’ouverture des plis ;
Commettent des Sous-commissions pour l’analyse des offres ;
Proposent au maître d’ouvrage l’attribution du marché ;
Examinent et émettent des avis techniques sur les projets de marchés et avenants éventuels préparés par le Maître d’ouvrage etc.

Et pour le cas particulier de la réhabilitation du pont du Wouri, les capacités de la Commission de Passation des Marchés et la Sous-Commission d’Analyse ont été renforcées par la maîtrise d’œuvre dont le marché y afférent a été attribué au Groupement constitué des Bureaux d’Études SCETAUROUTE International /SCET Cameroun et ECTA-BTP (marché n°1753/AO/SPM/CNM/2000-2001 signé le 28 juillet 2000 le Premier Ministre. L’une des missions du Maître d’œuvre était justement « l’assistance au maître d’ouvrage pour l’analyse des demandes de pré-qualification et des offres de travaux et la mise au point du marché de travaux ». Et lors des négociations, la Convention de Financement ayant offert la possibilité à la partie camerounaise de solliciter et bénéficier de l’expertise du Ministère Français de l’Équipement, lorsque l’appel d’offres a été déclaré infructueux et que l’Autorité des Marchés a prescrit d’engager des négociations directes avec le soumissionnaire le « mieux-disant », j’ai activé cette clause. Sur financement de l’AFD, le SETRA, Bureau d’Études du Ministère Français de l’Équipement a alors mis à la disposition du MINTP l’Ingénieur Divisionnaire Gilbert.

Les rapports d’évaluation de la pré-qualification ainsi de l’analyse des offres techniques et financières des soumissionnaires signés par tous les Membres de la Sous-Commission sont disponibles au MINTP. Par ailleurs, mon Conseil les a remis par au Rapporteur du CDBF, Monsieur Emmanuel TCHOCK. En substance, il en ressort que :

Capacités techniques d’UDECTO. La Sous-Commission d’Analyse dans son rapport d’analyse technique que l’entreprise UDECTO a obtenu une note totale de 74,5/100 ventilée ainsi qu’il suit : (A) Références techniques 15/20 ; (B) Méthodologie et organisation 27/35 ; (C) Encadrement 13,5/20 ; (D) Moyens matériels 16/20 et (E) Sous-traitance 3/5.

Capacités financières. La Sous-Commission d’Analyse des offres Techniques a jugé que l’entreprise UDECTO, au vu des documents produits et authentifiés, remplissait tant la condition du chiffre d’affaires que la condition sur les projets similaires.

Dans ces conditions et au vu de la Réglementation des Marchés Publics, comment peut-on raisonnablement mettre en cause la responsabilité d’Ambassa Zang s’agissant de l’évaluation des capacités techniques, financières et économiques du soumissionnaire UDECTO ? C’est un procès en sorcellerie qui illustre l’acharnement contre ma modeste personne, pour des raisons inavouées. En outre, dans un marché à financement conjoint, si la passation des marchés reste in fine de la responsabilité exclusive du Bénéficiaire (État du Cameroun), l’AFD contrôle que les processus correspondants se déroulent dans les conditions de transparence, d’équité et d’efficience requises, à travers des mécanismes ex-ante et ex-post. Ces mécanismes sont précisés dans le « Guide de la passation des marchés financés par l’AFD dans les États Étrangers ». Le mécanisme de contrôle ex-ante donne lieu à la notification formelle au Maître d’ouvrage de la « Non-Objection » (ANO). Avant diffusion ou notification à des tiers, le Maître d’ouvrage est tenu de soumettre à la non-objection préalable de l’AFD toutes les propositions, à toutes les phases de la procédure.

Et lorsque le Magistrat Instructeur affirme pour enfoncer le clou que l’offre d’UDECTO a été retenue au détriment des « multinationales » cela montre qu’il n’est pas au fait du processus qui conduit au choix d’un adjudicataire d’un marché public et se fait des idées puisque le marché a été attribué selon une procédure de gré à gré. Qu’il me soit permis de faire savoir que j’avais prescrit au Maître d’œuvre et au SETRA de procéder à une analyse comparée des offres d’une part de UDECTO et d’autre part du groupement SATOM-DODIN-FREYSSINET, tenant compte de ce que, ce groupement venant en deuxième position par sa proposition financière de montant HT de 15.916.859.046 FCFA avait obtenu la meilleure note technique soit 89/100. Voici l’avis du SETRA (Bureau d’Études du Ministère Français de l’équipement) :« L’offre de ce groupement reste largement (23%) supérieure à celle d’UDECTO telle que formalisée le 17/02/2003. À règles de jeu égales, l’écart est probablement d’au moins 30%. Bien entendu, ce groupement possède des références dans le domaine de la pathologie bien supérieures à celles d’UDECTO/ETIC. Les dispositions retenues consistant à renforcer le rôle d’ETIC atténuent ce constat et si l’on considère le double critère « technicité/prix », l’offre d’UDCETO reste à ce jour incontournable » (Annexe 13)

Au plan juridique l’avis de la Commission de Passation des Marchés « lie » le Maître d’ouvrage. En effet aux termes de l’article 17 du Décret N°2002/030 du 28 janvier 2002 portant création, organisation et fonctionnement des Commissions des Marchés Publics :
alinéa 2 :« Lorsque le Maître d’ouvrage ou le Maître d’ouvrage Délégué n’approuve pas la proposition, il est tenu de demander un nouvel examen du dossier en mentionnant ses réserves, dans un délai de 07 jours à compter de la date de réception de la proposition de la commission concernée ».
alinéa 3 : « Après réexamen, le Président de la Commission de Passation des Marchés notifie les résultats de la nouvelle délibération au Maître d’ouvrage ou au Maître d’ouvrage délégué » ;
alinéa 4 : « Si le désaccord persiste, le Maître d’ouvrage ou le Maître d’ouvrage délégué attribue le marché et en fait rapport au Premier Ministre. Dans ce cas, la délivrance de l’ordre de service est subordonnée à la décision du Premier Ministre »
Et si par extraordinaire j’aurais voulu me réfugier derrière l’alinéa 4, cela n’était pas possible car le Maître d’ouvrage est obligé, préalablement à toute signature et conformément aux dispositions des articles 19 et 20 du Décret N°2002/030 du 28 janvier 2002 susvisé, de requérir l’avis de la Commission Spécialisée de Contrôle des Marchés des Routes et Autres Infrastructures pour tout marché dont le montant est supérieur à un (1) milliard FCFA.

Tous ces développements démontrent à suffisance que l’on ne saurait valablement mettre en cause la responsabilité d’Ambassa Zang s’agissant de l’évaluation des offres techniques et financières d’UDECTO.

Le mode de passation de gré à gré, proposé par la Commission de Passation des Marchés, a été validé par le bailleur de fonds et autorisé par le Premier Ministre, Autorité des Marchés Publics
L’avis de la Commission de Passation des Marchés des Travaux Neufs au Maître d’ouvrage, laquelle a entériné le rapport de la Sous-Commission d’Analyse comprend quatre propositions   à savoir :
i)-« Déclarer l’appel d’offres infructueux » ;
ii)-« Demander au Maître d’œuvre en accord avec le Maître d’ouvrage de mettre au point un projet de marché aménagé permettant de réduire le montant des offres » ;
iii)-« Négocier avec l’entreprise UDECTO en premier et SATOM-DODIN-FREYSSINET en second avec, évidemment, la possibilité de négocier avec les autres » ;
iv)-« Conclure un marché de gré à gré conformément à l’article 40 du décret 95/101 du 09 juin 1995 portant réglementation des marchés publics ». (Annexe 14)

Deux précisions semblent importantes au regard des allégations du Magistrat Instructeur, pour comprendre pourquoi et comment on en est arrivé d’une part à déclarer l’appel d’offres infructueux et d’autre part à proposer le recours au mode de passation de gré à gré :

a)-L’appel d’offres a été déclaré infructueux car toutes les propositions financières des soumissionnaires se sont situées largement au-dessus de l’estimation confidentielle (7.577.492.400 FCFA) tant pour ce qui est de la solution de base que pour la variante obligatoire. Le tableau ci-après donne un aperçu synoptique pour ce qui est de la solution de base.
UDECTO SATOM RAZEL BOUYGUES EC (estimation confidentielle)
Montant 10.086.694.069 15.916.859.046 19.722.607.685 20.008.557.962 7.577.492.400
Ecart/EC 33% 110% 160% 164%

b)- Le recours au gré à gré, une proposition de la Commission de Passation des Marchés était conforme à la réglementation des Marchés Publics et précisément les alinéas « b » et « d » de l’article 40 du décret 95/101 du 09 juin 1995 aux termes duquel « il ne peut être passé de marché de gré à gré que dans l’un des cas limitatifs suivant » :
Alinéa b : « pour des travaux, fournitures ou services qui, après appel d’offres, n’ont fait l’objet d’aucune soumission ou offre, ou pour lesquels il n’a été proposé que des soumissions ou offres inacceptables ». Dans le cas d’espèce, les propositions financières étaient inacceptables dans la mesure où toutes les propositions financières se trouvant au-dessus de l’enveloppe confidentielle soit 33,20% pour UDECTO, 110,19% pour SATOM, 160,45% pour RAZEL et 164,22% pour BOUYGUES;
Alinéa d : « pour des travaux, fournitures ou services qui, dans le cas d’urgence impérieuse motivée par les circonstances imprévisibles, ne peuvent subir les délais d’une procédure d’appel d’offres ». L’appel d’offres international lancé le 25 juin 2002 et qui venait d’être déclaré infructueux était le troisième du genre. Lancer un nouvel appel d’offres devait avoir pour résultat, en plus de la perte du prêt AFD de 12 millions d’euros octroyé depuis l’année 2000 et dont la convention était presque arrivée à terme, d’exposer notre pays à une catastrophe, à savoir les risques réels d’effondrement du pont sur le Wouri avec des conséquences incalculables.

C’est donc dire que le recours au gré à gré, ce n’est pas une initiative d’AmbassaZang mais bien une proposition de la Commission de Passation des Marchés. Ce mode de passation a été formellement autorisé par le Premier Ministre et Autorité des Marchés par lettre N°B2186/SG/PM du 16 janvier 2003 adressée au Ministre des Travaux Publics. Et, avant le Chef du Gouvernement,  le Directeur de l’Agence Française de Développement au Cameroun a marqué formellement son accord par lettre D/2766/CA/hmw du 03 décembre 2003 sur les points ci-après : (1) le mode de passation de gré à gré, (2) la décomposition du marché en tranches dont une tranche ferme et une ou plusieurs tranches conditionnelles et , enfin, (3) le financement des travaux additionnels(tranches conditionnelles) sur les ressources internes du Cameroun (BIP, PPTTE).

Le processus de passation du marché des travaux du pont sur le Wouri a été conduit en toute transparence
Concernant les accusations de « collusion et fraude », et tout en soulignant que Ambassa Zang n’était membre ni de la Commission de Passation des Marchés ni de la Sous-Commission d’Analyse, il est important d’appeler l’attention sur le fait que la garantie de la transparence est illustrée par la présence à toutes les sessions de de la Sous-Commission d’Analyse et de la Commission de Passation des Marchés
de l’Observateur Indépendant (Cabinet DJAMAL CONSULT) auprès du Ministère des Travaux Publics désigné par l’Agence de Régulation des Marchés Publics et dont la mission est « de veiller au respect de la réglementation, aux règles de transparence et aux principes d’équité dans le processus de passation des marchés publics ». Les rapports produits sont disponibles à l’ARMP.
du Représentant de l’Agence Française de Développement, en l’occurrence le Chargé des Infrastructures, Monsieur Christian Audibert.

En outre le Maître d’ouvrage a préalablement à la signature du marché, en respect de la Réglementation des Marchés Publics du Cameroun et des Directives du bailleur de fonds (AFD) :
bailleur de fonds a donné sa non- objection par lettre du 16 août 2003;
la Commission Spécialisée de Contrôle des Routes et Autres Infrastructures placée auprès du Premier Ministre donné un « Avis Favorable » notifiée au Maître d’Ouvrage par lettre du 21 avril 2003;
le projet de marché-programme des travaux de réhabilitation du pont sur le Wouri a été recueilli le visa de l’Autorité des Marchés Publics en date du 22 avril 2003.

Dans un véritable État de droit les conclusions des Vérificateurs assises sur des allégations, des déductions gratuites et des contre-vérités auraient dû leur valoir des sanctions administratives. Mais, au lieu de cela, c’est Ambassa Zang qui est poursuivi car accusé de « détournement de deniers publics ».
Le préjudice subi par l’État du Cameroun du fait de la résiliation du marché avec le co-contractant UDECTO ne saurait être imputé à Ambassa Zang

Bien de curiosités illustratives de l’acharnement judiciaire
Je voudrais pouvoir relever quelques curiosités de cette affaire de préjudice estimé la somme de 4.891.407.226 FCFA avant d’aller au fond:

Le Magistrat Instructeur identifie dans son ordonnance de renvoi trois personnes auxquelles le préjudice est imputable à savoir : AmbassaZang (Maître d’ouvrage) ; Groupement des Bureaux d’Études SCETAUROUTE International/SCET Cameroun/ECTA BTP (Maître d’œuvre) et UDECTO (Cotraitant). Difficile donc de comprendre pourquoi seule une personne est renvoyée devant le Tribunal, à savoir Ambassa Zang. Peut-on justifier à l’opinion publique pourquoi c’est Ambassa Zang que l’on poursuit et non les personnes physiques et morales auxquelles incombait l’évaluation des offres techniques et financières en vertu soit des dispositions légales soit alors en vertu des dispositions contractuelles ? C’est tout simplement un déni de droit et l’opinion comprendra que je suis la cible à atteindre, par tous les moyens.
Le Magistrat Instructeur donne dans l’ordonnance de renvoi le montant global du préjudice sans préciser ni ce qu’il recouvre ni les modes d’évaluation.

À ces curiosités s’ajoute, au fond, un point de droit méconnus, à dessein ou non, par le Magistrat Instructeur: le principe « non bis in idem », une locution latine signifiant « pas la même chose deux fois ». D’application universelle, ce principe est consacré par plusieurs instruments internationaux de protection des droits fondamentaux signés et ratifiés par le Cameroun, tel que le Pacte de New York relatif aux Droits Civils et Politiques de 1966 (article 14, al 7) ainsi que le préambule de la Constitution Camerounaise. Ce principe trouve pleinement son application ici sur deux points:

Le Tribunal Arbitral a condamné UDECTO à réparer le préjudice subi par l’État du Cameroun et à lui rembourser les frais de procédure
Le différend né de l’exécution du marché-programme pour la réhabilitation du pont sur Wouri a été porté par UDECTO (19 juin 2006) devant la Chambre Internationale de Commerce de Paris, en application d’une clause compromissoire visée à l’article 58 du marché-programme des travaux de réhabilitation du pont sur le Wouri. Il ressort de l’exploitation de la sentence rendue dans cette affaire le 13 juillet 2010 (Arbitrage CCI N°144 22/EC), que l’État du Cameroun a fait valoir avoir subi divers préjudices dont le montant total a été chiffré à 14.267.722.252 FCA.

Après exploitation des éléments versés au dossier par les parties et une descente sur le site en mai 2009 (Douala, Cameroun), le Tribunal Arbitral a condamné l’entreprise UDECTO à payer à l’État du Cameroun les sommes respectivement de FCFA 3.041.860.168 au titre de l’indemnisation pour préjudice subi et 368.500 US dollars au titre du remboursement des frais d’arbitrage.

Cette sentence trouve sa justification dans le fait que, aux termes de l’alinéa 1 de l’article 5 du Décret N°2004/275 du 24 septembre 2004 portant Code des Marchés Publics,  le « Marché Public est un contrat écrit » et selon l’art 1101 du Code Civil, « le contrat est une convention par laquelle une ou plusieurs personnes s’obligent envers une ou plusieurs autres à donner, à faire, ou à ne pas faire quelque chose. Le contrat permet de créer un rapport de droit, de le modifier et même de l’éteindre ». Par ailleurs, en application des dispositions de l’article 1134 du Code Civil, le contrat régulièrement formé s’impose aux parties. Il est donc irrévocable : les parties ne peuvent donc modifier ni résilier que par consentement mutuel, sauf dans cas de force majeure. Dans le cas d’espèce, UDECTO a, le 06 janvier 2006, communiqué au Ministre des Travaux Publics (Maître d’ouvrage) sa décision définitive d’arrêter les travaux. Sa responsabilité est donc entière et totale pour inexécution des engagements souscrits dans le cadre du marché de réhabilitation du pont sur le Wouri. (Sentence Arbitrale, point 285, page 72).

La mobilisation par l’État du Cameroun des cautions données par UDECTO
Le Maître d’Ouvrage, en application de la Réglementation des Marchés Publics et des dispositions de l’article 16 du marché des travaux de réhabilitation du pont sur le Wouri a fait constituer par UDECTO :
d’une part un cautionnement garantissant l’exécution intégrale des prestations du Marché-Programme d’un montant égal à 5% du montant de chaque tranche du marché
et d’autre part une retenue de garantie de 10% de chaque tranche du marché.
En outre, l’avance de démarrage et l’avance sur matériaux ont été également cautionnées à 100%.

Ces sûretés données par une banque camerounaise (CBC) pour le compte d’UDECTO d’un un montant total de 2.834.073.931 FCA se répartissant ainsi qu’il suit :
i)-caution avance de démarrage, 1.208.681.318 FCFA ;
ii)- caution avance matériaux, 580.149.398 FCFA ;
iii)-caution de bonne fin, 496.232.977 FCFA ;
iv)-retenue de garantie, 549.018931 FCFA.

À fin juin 2009, ces cautionnements et garanties avaient été déjà libérés par la banque CBC à première demande du Ministère des Travaux Publics à hauteur de FCFA 1.788.830.716 FCFA.

Je suppose que cet argent a été versé au Trésor Public en vertu du principe de l’unicité de caisse de l’État. Le travail du Magistrat Instructeur devait justement permettre d’une part d’avoir des précisions sur l’encaissement des fonds argent (Trésor Public ou compte bancaire) et d’autre part de faire le point sur la libération par CBC à la fois du cautionnement définitif et de la retenue de garantie. Le TCS devrait le faire, pour la manifestation de la vérité.

Des points de droit non-pris en compte par les Vérificateurs du CONSUPE et le Magistrat Instructeur pour déterminer l’imputabilité du préjudice

Enfin, il est utile de rappeler certains points de droit qui semble avoir échappé au Magistrat Instructeur et identifiés ci-dessous :

Point n°1 : Le rappel de la Réglementation des Marchés Publics quant à l’imputabilité du préjudice subi par l’État
Le préjudice subi par l’État du Cameroun par la mise en régie générale du Marché-Programme, elle-même consécutive à la décision unilatérale de l’entreprise UDECTO d’arrêter les travaux, est réel. Cependant, imputer ce préjudice à Ambassa Zang afin qu’il en supporte la charge, en lieu et place du co-contractant défaillant de l’État du Cameroun, est contraire à la Règlementation des Marchés Publics et deux articles du Décret N°95/101 du 09 juin 1995 portant règlementation des Marchés Publics fondent la responsabilité de l’entreprise UDECTO. Il s’agit des articles :
Article 92 (al.1b) aux termes duquel la résiliation du marché par le Maître d’ouvrage à la suite de la défaillance du co-contractant de l’État est prononcée « aux torts, frais et risques dudit co-contractant »
Article 96, libellé ainsi qu’il suit : « Nonobstant la réparation à laquelle il peut être condamné pour non-exécution de ses obligations, le co-contractant dont le marché est résilié pour défaillance supporte les frais engagés pour pourvoir à son remplacement».

Point N° 2 : Les clauses contractuelles sur la mise en jeu de la responsabilité d’UDECTO
Aux termes des dispositions de l’article 49 du Marché-Programme N°00036/M/MINTP/CPM-TN/2003 pour la réhabilitation du pont sur le Wouri, les circonstances qui sont de nature à dégager la responsabilité sont celles correspondant « aux faits de guerre, hostilité avec ou sans déclaration de guerre, invasion étrangère, rébellion, insurrection, usurpation de pouvoir, guerres civiles, émeutes, trouble ou désordre ». Par sa décision d’arrêter les travaux motif pris de la non-acceptation de ses prétentions, l’entreprise UDECTO a donc commis une faute et engagé sa responsabilité.

La position du Tribunal Arbitral relativement à la question de savoir si UDECTO en droit d’arrêt suivante : « En conclusion, même s’il est incontestable que les circonstances survenues au cours de l’année 2005 auraient pu donner à la nécessité de redéfinir les temps et coûts du projet soit par un accord des Parties soit par l’arbitrage, il est également incontestable que l’arrêt des travaux décidés par UDECTO ne trouve aucune justification contractuelle ou légale. Le Tribunal ne peut que le qualifier d’illégitime. » (Voir Sentence Arbitrale, Affaire N° 14422/EC/ND, IX.A-169).

Point N° 3 : Les dispositions du Règlement d’Arbitrage de la CCI en matière de frais de procédure et d’arbitrage
Aux termes de l’article 31 (1) du Règlement d’Arbitrage de la CCI, les frais d’arbitrage incluent les frais et honoraires des Arbitres et les frais administratifs de la CCI fixés par la Cour, ainsi que les « frais raisonnables exposés par les parties pour leur défense à l’occasion de l’arbitrage ». Et s’agissant de l’évaluation et du paiement des frais d’arbitrage par les parties, l’article 31 (3) du Règlement d’Arbitrage de la CCI précise que, la sentence finale liquide les frais de l’arbitrage et décide à laquelle des parties incombe le paiement ou dans quelle proportion ils sont partagés entre elles. En tout état de cause, le montant de ces frais d’arbitrage ne saurait être laissé à l’appréciation ni des Vérificateurs du CONSUPE, ni du Conseil et ni même de toute juridiction autre que le Tribunal Arbitral. En application des susdites dispositions du Règlement d’Arbitrage de la CCI, le Tribunal Arbitral a condamné UDECTO à verser à l’État du Cameroun 75% des sommes exposées, soit :
FCFA 190.242.200 au titre des frais de défense ;
USD 368.500 au titre des frais d’arbitrage, soit environ 178 millions FCFA
(Voir Sentence Arbitrale, Affaire N° 14422/EC/ND, XI.J- 264 à 284)

CONCLUSION

Pour l’information de l’opinion publique, je voudrais réitérer que les chefs d’accusations pour lesquels je suis renvoyé devant le TCS sont pour l’essentiel ceux contenus dans la correspondance que Mr ETAME MASSOMA alors Ministre du CONSUPE avait adressée au Vice-Premier Ministre AMADAMOU ALI, Ministre de la Justice et Garde des Sceaux, correspondance dans laquelle il demandait formellement mon interpellation. Entre temps, le Président de la République a donné des directives pour ma traduction devant le CDBF, directives ayant justifié la signature le 15 octobre 2012 de la Décision N° 00003/D/PR/CONSUPE/SG/SPCDBF/SGSA/BS par le Ministre du CONSUPE, Mr HENRI EYEBE AYISSI. Toutes les pièces justificatives dont le Magistrat Instructeur dit qu’elles n’ont pas été présentées par AMBASSA ZANG ont été remises au Rapporteur du CDBF, Mr EMMANUEL TCHOCK. L’intéressé devra donc être invité par le TCS à produire lesdites pièces pour la bonne administration de la Justice.

Assurément, les uns et les autres se réjouissent de mon absence, fort de l’adage selon lequel « les absents ont toujours tort » car il est facile d’accuser  une personne absente d’avoir tort ou d’avoir fait une chose condamnable puisqu’elle n’est pas là pour se défendre et même ses Conseils ne sont pas autorisés à prendre la parole. Mais , un adage ne saurait être au-dessus d’un texte juridique de portée universelle à l’instar de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme dont l’article 10 dispose que « Toute personne a droit, en pleine égalité, à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal indépendant et impartial, qui décidera, soit de ses droits et obligations, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ».

Je voudrais pouvoir croire que l’objectif de mon renvoi devant le TCS est exclusivement la recherche de la manifestation de la vérité et non un prétexte pour obtenir une « couverture judiciaire » consacrant le dernier acte d’une décision de mise à mort. Dans ce sens, je souhaite souligner que tout prévenu, présent ou absent, a droit à un procès « équitable », d’où l’intérêt de rappeler que l’indépendance et l’impartialité constituent les deux principes fondamentaux de tout système judiciaire : ils viennent garantir aux justiciables que l’acte de juger sera seulement déterminé par les arguments du débat judiciaire, en dehors de toute pression ou de tout préjugé.

Et, enfin, je voudrais souligner la lourde et délicate responsabilité qui va incomber aux témoins, Experts et autres représentants des Administrations, notamment le Ministère des Travaux Publics, le Ministère des Finances, le Ministère Délégué à la Présidence Chargé des Marchés Publics, l’Agence de Régulation des marchés Publics. Les uns et les autres devront faire preuve de courage pour dire la vérité, toute la vérité et rien que la vérité sans avoir à céder aux pressions et autres chantages que certaines personnes vont certainement exercer sur eux pour obtenir ma condamnation par tous les moyens.

L’opinion publique se doit de ne pas oublier que les poursuites dirigées contre moi se situent dans le contexte de l’opération épervier, laquelle opération, selon Célestin Bedzigui dans une interview accordée au quotidien national « Mutations » en date du 16 juillet 2008, « est caractérisée par une forme de sélectivité dans le choix de ceux qui sont investigués, est d’essence absolument politique dans le sens où elle participe d’une logique d’épuration politique ». Les critiques sur le « modus operandi » de cette opération sont désormais récurrentes et mon cas en est une preuve patente. Aussi voudrais-je terminer par ces quelques refléxions de Mr Charly Gabriel MBOCK, Écrivain, Anthropologue et Homme Politique qui sont une interpellation pour une nécessaire refondation de la justice camerounaise : « La Justice est l’âme de la République, quand on est en République […] Le salut ou la perdition de la République viendra donc du salut ou de la perdition de la Justice. Quant à la Justice elle-même, elle ne trouvera son salut que dans la vérité qu’elle aura su chercher, qu’elle aura su exiger et qu’elle aura su protéger […] Un Etat de lois n’est pas spontanément un Etat de droit : le droit suppose de réelles possibilités de recours à un pouvoir judiciaire aussi indépendant que soucieux de justice. Un Etat de droit vit de justice et prospère par la justice […] Il existe une morale judiciaire comme il existe une morale sociale. La justice – que le magistrat rend au nom du peuple – est la rencontre des deux morales. L’une et l’autre accompagnent la recherche de la vérité et se retrouvent dans le prononcé du verdict, afin que le justiciable se reconnaisse dans sa sanction et que le justicier n’ait point à affronter sa conscience […] La peste n’ayant jamais guéri le choléra, ni la mort aucune maladie, tout verdict suspect d’injustice expose au soupçon l’ensemble du corps judiciaire et discrédite toutes les bonnes intentions de droit. Rendre justice ne saurait donc se faire contre la morale de vérité dont vit le peuple au nom duquel ladite justice est rendue […] » (Mutations, 14 février 2008).

Lorsque j’aurai été condamné probablement à vie comme cela se dessine et au vu des montants en cause, au moins l’opinion publique saura que «  je suis victime mais pas en fuite»./-

Note faite le 19 août 2014

DIEUDONNÉ AMBASSA ZANG

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