Trente ans après le début de ses travaux sur l’immigration à Besançon, entrepris à l’âge de la retraite, Colette Bourlier a brillamment soutenu sa thèse.
À l’issue de sa soutenance, dans le grand salon de la faculté des lettres et sciences humaines de Besançon, sous le portrait de Louis XIV, le maire de la ville est venu rendre hommage à cette étudiante pas tout à fait comme les autres. Colette Bourlier, née le 3 avril 1925 à Lyon, qui aura donc 91 ans dans deux petites semaines, accédait ce mardi au titre de docteur en géographie, avec une mention « très honorable ».
Pendant plus de deux heures, cette ancienne institutrice devenue prof d’histoire-géo dans les années 50 a présenté les travaux de sa thèse qui portait sur « les travailleurs immigrés à Besançon dans la seconde moitié du XXe siècle ». « J’ai fait du mieux que j’ai pu, et je crois que le jury était satisfait », raconte la vieille dame, avant de confier : « Mais je suis dure d’oreille et je n’ai pas entendu tout ce qu’il disait. »
L’étudiante est hors norme, ses travaux le sont aussi. Ils auront duré trente ans et auront été dirigés par trois directeurs de thèse. Une possibilité offerte par son diplôme de recherche appliquée (DRA), obtenu en 1985, un diplôme aujourd’hui disparu et qui permettait à des personnes n’appartenant pas au monde universitaire de réaliser une thèse sans limite de durée. Aux 400 pages de l’ouvrage s’ajoutent de nombreux tableaux écrits à la main. La jeune « docteur » n’y entend rien à l’informatique et encore moins à Internet.
Un vrai background
Depuis qu’elle a pris sa retraite, en 1983, cette Franc-Comtoise d’adoption n’a cessé de travailler sur la problématique des travailleurs immigrés dans l’ancienne capitale horlogère. Sur les spécificités des différentes nationalités, sur l’accueil qui leur est fait, sur leur participation à la vie économique locale. Une population qu’elle côtoie depuis les années 60 en participant elle-même à l’accueil et à l’alphabétisation des nouveaux arrivants, et notamment des femmes. « C’est l’une des spécificités de ce travail, cet accès à un vécu et à un ressenti, même si elle en parle relativement peu. Il y a un vrai background », explique Jacques Fontaine, son deuxième directeur de thèse, aujourd’hui retraité mais qui est venu soutenir son étudiante.
Il ne tarit pas d’éloges : « La mention très honorable récompense la qualité de la forme et du fond. Ce travail est très bien écrit, ce qui est relativement rare. Quant au fond, il réside dans la quantité de données statistiques et dans la finesse d’analyse. » Serge Ormaux, le dernier des trois directeurs de thèse, confirme. « La thèse de Colette Bourlier sera incontournable sur le sujet de l’immigration à Besançon. Déjà, on pense à une publication scientifique. Ce travail, c’est de la géographie, mais aussi de l’économie, de la sociologie, de l’histoire, des sciences politiques. C’est très transdisciplinaire. »
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