INTERVIEW – France 5 diffuse mardi 24 février à 20h35 un documentaire sur l’infidélité. Nous avons sondé François de Singly, sociologue spécialiste de la famille, sur les évolutions récentes de la relation de couple.
Dans le documentaire, une neurobiologiste raconte une expérience sur des rats. Un rat copule plusieurs fois de suite avec une rate, puis son activité s’estompe, comme s’il était fatigué… Mais lorsque l’on remet une nouvelle rate, la copulation multiple reprend. On sait que les rats sont très proches d’un point de vue biologique des humains. La fidélité (sexuelle) est-elle compatible avec l’espèce humaine ?
Si on était des rats, il n’y aurait pas d’Histoire… Au 19è siècle, on demandait fidélité à la femme, pour qu’il n’y ait pas de bâtard. On ne se sait pas comment cette norme qui servait à connaître l’origine de l’enfant est devenue une norme d’amour. On a pensé qu’après 1968, les choses allaient redevenir comme avant, mais cela n’a pas été le cas. Aujourd’hui la fidélité sexuelle s’est inscrite dans le mariage comme une preuve d’amour. La norme aujourd’hui c’est très clairement l’exclusivité sexuelle.
Qui est le plus infidèle aujourd’hui : l’homme ou la femme?
Les hommes peuvent accepter de faire l’acte sexuel sans amour. Les femmes sont plus nombreuses à demander des preuves de cet amour. Cette logique apparaît dans les entretiens que j’ai pu mener. Même si au bout de quelques années, les femmes peuvent s’accommoder de l’infidélité de leur mari si elles n’y voient pas d’engagement affectif. Il y a là une possibilité de compromis.
Les femmes sont-elles plus infidèles qu’autrefois ?
Les femmes sont sûrement un peu plus infidèles qu’avant, mais la nouveauté n’est pas là. Elle est plutôt dans le fait qu’une femme peut s’autoriser à avoir des “sex-friends” entre deux relations. Et là, elles dissocient le sexuel de l’amoureux. On dit toujours que la société se féminise, mais là elle se masculinise. A terme, si les femmes s’habituent à la diversité, elles auront peut-être du mal à adopter la fidélité conjugale. Mais pour l’instant cette évolution se fait seulement en dehors du couple. S’il y a transformation du modèle, cela pourrait venir aussi des couples homosexuels, qui dissocient plus facilement infidélité sexuelle et infidélité amoureuse.
Il n’y a pas le même rapport au sexe dans certains pays. Est-ce qu’on ne se crée pas des histoires pour rien à vouloir exiger une fidélité à tout prix, comme le souligne le documentaire ?
L’amour est une histoire. La plupart des gens pensent qu’il faut déjeuner ensemble le dimanche. C’est aussi se faire des histoires ! Pourquoi avoir un conjoint si ce n’est pas pour s’imposer un peu de commun? La norme a du charme. Mais c’est sûr que l’amour occidental est une version particulière de l’amour. La relation amoureuse exclusive est présente au théâtre, dans notre cinéma, dans les romans. C’est cette culture qui a façonné notre amour.
“Plaisir de chasser”, envie d’échapper à l’ennui, besoin d’un “jardin secret”…Différentes raisons sont avancées dans le documentaire pour justifier la tromperie. Pourquoi trompe-t-on?
Il y a plusieurs logiques. La logique masculine machiste, c’est celle de la chasse, c’est le registre du rat, l’argument de la nature. Pour les femmes, c’est le « jardin secret ». Une logique très féminine, d’émancipation, pour éviter d’être contrôlées par leur compagnon. Cela nuance l’idée d’une masculinisation des relations amoureuses, car les femmes ont un argumentaire propre. C’est le nœud de ce qui se passe aujourd’hui et qui peut peut-être amener plus tard une transformation du modèle du couple.
Mes questions sur…l’infidélité. Un film de Serge Moati et Tina Glibotic. France 5, mardi 24 février, à 20h35.
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