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Le Cameroun champion du monde d’assassinat des prêtres selon Mgr Kleda

Les berges du fleuve Sanaga à Ebebda (un arrondissement de la Lekié) sur le versant droit du pont qui sépare les départements de Lekié et du Mbam et Inoubou, affichent une ambiance inhabituelle, avec un décor circonstanciel fait de chapiteaux accompagnés de chaises sur lesquelles on peut lire : « Tout ce que Dieu fait est bon ». En cette matinée du samedi 02 juin, l’atmosphère est morose de par le climat qui y règne, avec un temps froid. D’épais nuages gris qui recouvrent le ciel laissent échapper quelques gouttes de pluie, les mélodies grégoriennes que distille le dispositif d’animation déchaîne une vague d’émotions mélancoliques et incite l’esprit à la recherche de la compréhension du monde invisible. C’est le lieu de célébration de la messe en la mémoire de feu monseigneur Jean-Marie Benoit Bala, décédé mystérieusement il y a un an.

Cet anniversaire coïncidence avec la célébration des 50 ans d’existence du diocèse de Bafia. Sur le site, des véhicules de transport en commun en provenance de Yaoundé, Bafia et Bokito affluent. D’aucuns transportent des dames apostoliques reconnaissables par les écriteaux qui sont gravés sur leurs uniformes de couleur bleu-ciel. D’autres fidèles, venus de divers horizons, environ 500, dont une dame septuagénaire qui force le pas au moyen d’une canne, déclare d’une voix suave, avec des mots à peine audibles : « Monseigneur, je suis venue te dire que je sais que tu es au paradis – tu priais pour nous ici sur terre – continue de prier pour nous là-bas. Tu nous manqueras à jamais », avant de fondre en larmes.

Son désarroi a provoqué une onde de choc qui s’est tout de suite répandue autour d’elle, suscitant une salve de pleurs qui s’est subitement interrompue quand, à 08h39, un véhicule gris de marque Range Rover se gare dans la cour. Un personnage de stature impressionnante au teint noir sort de l’habitacle, arborant une tunique noire, qui capte l’attention de l’assistance. Il s’agit de monseigneur Samuel Kleda, archevêque métropolitain de Douala et président de la Conférence épiscopale nationale du Cameroun (Cenc). Sous le regard attentif des policiers et gendarmes en faction, il se dirige vers l’autel. Autour de lui, on aperçoit d’autres prélats comme l’évêque émérite de Bafia, Mgr Athanase Balla, Mgr Jean Mbarga, l’archevêque métropolitain de Yaoundé, les évêques de Bertoua, de Ngaoundéré et Garoua, qui se concertent. On note l’absence remarquable du « maître des lieux », l’évêque du diocèse d’Obala, monseigneur Sosthène Bayémi, qui charrie des interrogations dans l’assistance.

Entretemps, le maire de la commune de Batchenga, Cyrinus Awana, veille au grain en s’assurant de l’effectivité du décor. « Nous avons voulu que la société en général et ceux qui en ont la responsabilité sachent que l’effet du temps ne suffira pas pour faire oublier Mgr Bala […] Il a été violenté, puis assassiné, avant d’être jeté dans le fleuve. C’est un problème de la mémoire. Au sortir de ce deuil, nous attendons que les personnes en charge de l’enquête restituent la vérité. Nous n’avons pas voulu tuer une deuxième fois monseigneur. Raison pour laquelle il fallait tenir cette cérémonie et continuer ses oeuvres ». Ainsi s’est exprimé monseigneur Abraham Komé, évêque de Bafang et administrateur apostolique du diocèse de Bafia, qui arrive sur les lieux à 09h25. C’est lui qui donne le ton de la cérémonie religieuse qu’il préside sous la présence effective du sous-préfet de l’arrondissement d’Ebebda, Mohamadou Bouhari. En termes de préséance protocolaire, c’est la plus haute autorité, puisque ni le préfet de la Lekié, ni le gouverneur de la région du Centre, encore moins un membre du gouvernement ne sont présents.

Silence total, silence complice

A la fin de l’office religieux, l’archevêque de Douala prononce un discours salué et applaudi par l’assistance, dans lequel il est resté constant, ferme et catégorique sur sa position depuis le déclenchement de cette affaire. « Nous continuons de nous questionner sur les circonstances et les causes de l’assassinat de notre frère… Pourquoi notre frère a-t-il été tué ? Pourquoi des mains assassines ont-elles frappé un innocent ? Pour comprendre cette situation, il convient de l’intégrer dans la longue série noire d’assassinats des personnes consacrées dans notre pays.

Dans ce domaine, le Cameroun remporte la palme d’or en Afrique, pourquoi pas dans le monde en ce moment […] Beaucoup espéraient que le dossier allait se terminer avec la pierre tombale qui se referma le 03 août 2017 à la cathédrale St Sébastien de Bafia […] Nous osons croire que ce dossier ne connaîtra pas la même suite que les autres : silence total, silence complice ». Contrairement aux évêques sus cités, Mgr Jean Mbarga est resté mesuré comme à son habitude. « Nous sommes venus sortir monseigneur de la mort, afin qu’il vive éternellement […]. Nous l’avons sorti des eaux il y a un an maintenant, sortons-le de la mort […] Nous sommes encore dans l’attente des clarifications sur ce qui s’est réellement passé. Sur ce dossier, j’appelle à la patience, les voies de Dieu sont insondables […] Nous n’avons pas le droit de reléguer le décès de monseigneur dans l’oubli, nous pleurons et la brutalité de sa mort ajoute à la douleur ; le décès de monseigneur est une injustice ».

La famille du défunt était elle aussi présente. Tout comme monseigneur Kleda, elle maintient la thèse de l’assassinat. « Les sentiments sont partagés. Nous ressentons un sentiment de joie parce que tel que le disait Mgr Kleda, nous devons commérer la disparition tragique de ce serviteur de Dieu. Toute la famille est aussi dans cette joie, parce que nous avons un saint dans la famille ; nous savons qu’il prie pour nous nuit et jour, tout comme nous prions aussi pour lui. Après la joie, la tristesse d’avoir perdu un membre cher de la famille. Nous voulons que la vérité triomphe. Comme je l’avais dit, il a été assassiné. Je le dis parce que nous avons causé la veille. Il m’a dit qu’il était déjà au lit. Comment pouvait-il quitter son lit pour aller se jeter à l’eau ?», s’interroge Alexis Benoit Bala, neveu du disparu.

A la fin de la célébration eucharistique, des gerbes de fleurs ont été déposées à l’endroit où le corps a été extrait des eaux de la Sanaga, après une courte prière des prélats, qu’accompagnait une dizaine de prêtres.

© Quotidien Mutations : Dimitri Mebenga

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