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vendredi, mars 29, 2024
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Propos de Macron sur la colonisation : le débat engagé est utile

Si qualifier de « crime contre l’humanité » ce chapitre de notre histoire est maladroit, cela a permis d’engager la discussion sur une question sensible.

Editorial du « Monde ». Les campagnes électorales sont l’occasion de tournées internationales, pour « présidentialiser » le candidat. Et l’étape algérienne est souvent l’une des plus risquées, tant sont douloureuses les relations entre la France et son ancienne colonie.

Emmanuel Macron a choisi de condamner, mercredi 15 février, la colonisation française, qui dura cent trente-deux ans en Algérie. « La colonisation fait partie de l’histoire française, a déclaré le candidat d’En marche ! C’est un crime, un crime contre l’humanité, c’est une vraie barbarie. Et ça fait partie de ce passé que nous devons regarder en face, en présentant nos excuses à l’égard de ceux envers lesquels nous avons commis ces gestes. »

Cette déclaration, qui a provoqué un tollé à droite et à l’extrême droite, invite à plusieurs commentaires. D’abord, l’endroit d’où elle est prononcée : Alger n’était pas le lieu le plus propice pour un débat serein, d’autant que le pouvoir algérien est toujours prompt à instrumentaliser le rapport à la France, qui n’a jamais été normalisé, à des fins de politique intérieure.

La qualification, ensuite, de « crime contre l’humanité », prononcée presque en passant par l’ancien ministre de François Hollande, n’était pas judicieuse. Cette expression donne une coloration juridique au propos, ce concept ayant été forgé pour juger les crimes nazis. Le crime contre l’humanité, qui s’apparente le plus souvent à un génocide, est imprescriptible : prise au sens juridique du terme, la déclaration de Macron ouvrirait la voie à de possibles poursuites judiciaires ou à des réparations.

Visées électoralistes

En revanche, l’expression renvoie, comme l’écrivent dans nos colonnes l’éditeur François Gèze et l’historien Gilles Manceron, à une « notion politique et morale parfaitement juste, employée à de multiples reprises depuis le XVIIIe siècle par les dénonciateurs de la colonisation ». La colonisation, ce furent des massacres et des répressions implacables, à Sétif en 1945, à Madagascar en 1947. Elle est en soi un asservissement, et ses apports – développement, alphabétisation — ne sauraient être mis en balance pour en atténuer le mal.

On pourra reprocher à Emmanuel ­Macron de manquer de constance. Dans Le Point, en novembre 2016, il avait décelé dans la colonisation de l’Algérie des ­ « éléments de civilisation et des éléments de barbarie », citant la torture, mais aussi « l’émergence d’un Etat ; de richesses, de classes moyennes ».

Mais, au fond, le candidat d’En marche ! fait un diagnostic proche de celui des présidents Nicolas Sarkozy et François Hollande. En Algérie, le premier avait reconnu « des fautes et des crimes impardonnables », tandis que son successeur avait dénoncé « les souffrances que la colonisation a infligées au peuple algérien ». Tous deux ont refusé de faire repentance ou de présenter des excuses, comme l’a proposé Emmanuel Macron.

Ce dernier est accusé de visées électoralistes. Il chercherait à conquérir le vote des populations issues de l’immigration africaine. En réalité, il risque d’en perdre autant, si ce n’est plus, à droite. En revanche, le débat engagé par Macron, en dépit de ses maladresses, est utile. La colonisation et la guerre d’Algérie appartiennent à l’histoire, mais les plaies non refermées sont un blocage durable de la société française. Elles nourrissent une rancœur et une nostalgie à l’extrême droite, tandis qu’elles entravent l’intégration des Français issus des anciennes colonies. La France est encore malade de son passé, et elle doit parvenir à lire cette page pour la tourner.

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