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Liban: terrain d’affrontement géostratégique entre l’Iran et l’Arabie Saoudite ?

Alexandre Aoun SPUTNIK

Le Liban au banc des accusés! Après des propos d’un ministre libanais sur la guerre au Yémen, les pétromonarchies ont vivement réagi, convoquant les ambassadeurs du pays au Cèdre. Voilà qui confirme la rupture entre Beyrouth et le Golfe.

Les houthis « se défendent contre les attaques de l’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis » et ils « se font bombarder dans leur maison, pendant des obsèques et des mariages ». C’est en ces termes que le ministre libanais de l’Information, George Kordahi, a dénoncé l’intervention de la coalition arabe au Yémen.

La réponse ne s’est pas fait attendre. Les Émirats arabes unis, l’Arabie saoudite, le Bahreïn et le Koweït ont convoqué le 27 octobre les ambassadeurs libanais.

« Nous refusons totalement les déclarations de M. Kordahi, qui démontrent une compréhension insuffisante des événements au Yémen », a vitupéré dans un communiqué officiel le secrétaire général du Conseil de coopération des pays du Golfe, Nayef al-Hajraf. Les houthis « ciblent régulièrement le territoire saoudien avec des missiles et des drones, ainsi que le peuple yéménite afin de l’empêcher d’avoir accès aux aides humanitaires », s’est-il justifié. Pire encore, les États du Golfe enjoignent au ministre libanais de présenter ses excuses et de démissionner du gouvernement. Celui-ci refuse catégoriquement d’obtempérer.

On ne traite pas les Saoudiens de  » bédouins « 

Ces échanges ont tout d’une crise diplomatique entre le Golfe et le Liban. Gêné par les propos de son ministre, Najib Mikati a tenté de recoller les pots cassés. Le Premier ministre libanais s’est voulu conciliant. Les déclarations de George Kordahi ont été formulées « plusieurs semaines avant sa prise de fonctions ministérielles », a-t-il précisé. En effet, c’est avant son entrée au gouvernement que l’ancien présentateur vedette de la télévision avait ainsi répondu le 5 août dernier à une série de questions concernant le dossier yéménite. Mais l’interview n’est sortie que le 26 octobre

Le chef du gouvernement libanais a souligné que les propos du membre de son équipe n’engageaient que ce dernier.

Mais ce n’est pas la première fois que de telles déclarations font scandale. L’ancien chef de la diplomatie libanaise, Charbel Wehbé, était également au cœur d’un différend entre l’Arabie saoudite et le Liban en mai dernier. Lors d’un débat télévisé, il avait accusé les monarchies du Golfe d’entretenir des liens avec l’État islamique*. Furieux, il avait quitté le plateau en lançant à son interlocuteur saoudien qu’il n’acceptait pas de « se faire insulter par un bédouin« . Des propos qui ont provoqué l’ire des pétromonarchies. Face aux multiples pressions, l’homme avait quant à lui décidé de démissionner.

Des affaires qui viennent tendre encore un peu plus les relations entre le Golfe et le Liban. Et ça ne tombe pas bien. Le pays du Cèdre traverse la plus grave crise économique depuis 1850. Un retour des investissements de ses partenaires arabes aurait pu endiguer cet effondrement.

Les pays du Golfe n’investissent plus au Liban

Mais le problème est de taille: l’Arabie saoudite boude le Liban. Ainsi, la monarchie a-t-elle interdit en avril dernier l’importation de produits agricoles libanais. L’annonce est intervenue après la découverte par les douanes saoudiennes d’une cargaison massive de Captagon, dissimulée dans des grenades (fruits) en provenance du Liban. Surnommé « drogue des djihadistes », ce médicament stimule les facultés physiques et intellectuelles tout en désinhibant le consommateur. Par un coup de billard à trois bandes, cette interdiction viserait à ostraciser le Hezbollah.

La prise de distance avec le Liban ne date pas d’hier. Depuis l’élection de Michel Aoun à la tête du pays en octobre 2016, le Hezbollah a considérablement gagné en influence. Un cauchemar pour le royaume saoudien. Obnubilée par la lutte contre le parti chiite qu’elle considère comme une organisation terroriste depuis 2016, l’Arabie saoudite sunnite s’est marginalisée d’elle-même dans le dossier libanais. En effet, l’affaire de la séquestration de Saad Hariri en 2017 avait précipité la rupture entre Riyad et Beyrouth. En voyage à Riyad sans son staff habituel, Saad Hariri avait dû annoncer à la télévision saoudienne sa démission avant de rester coincé plusieurs jours dans le royaume. Ses « hôtes » jugeaient le Premier ministre trop timoré à l’encontre du puissant parti pro-iranien.

Conséquence la plus notable: les financements en provenance du Golfe se sont littéralement taris alors que, entre 2003 et 2015, 76 % des investissements directs étrangers au Liban provenaient des États du Golfe. Après la guerre contre Israël en 2006, l’Arabie saoudite et le Koweït avaient même versé plus de 2,5 milliards de dollars pour la reconstruction du pays.

Mais, depuis, Riyad et ses alliés ont tourné le dos à un Beyrouth jugé sous influence iranienne. En 2016, le régime saoudien a suspendu un programme d’aide à l’armée libanaise d’un montant de 3 milliards de dollars. De surcroît, les modestes versements lors des conférences en soutien au pays du Cèdre confirment cette tendance.

Qu’il est loin le temps où l’Arabie saoudite était le parrain ou le grand frère du Liban

* Organisation terroriste interdite en Russie.

Le titre est de la rédaction

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