Le Premier ministre sortant, qui a obtenu, dimanche, une large majorité aux élections législatives, s’offre un nouveau mandat.
«Il y a deux vainqueurs et aucun ne sourit !» s’amuse Michael Cucek devant sa télévision. Le politologue se réfère à Shinzo Abe, Premier ministre du Japon, et Yukio Edano, nouveau leader de son opposition, les deux principaux personnages de la soirée législative qu’a vécue le Japon dimanche. Oui, Shinzo Abe a remporté son pari.
Les électeurs qu’il avait convoqués ont d’une manière générale renouvelé, sans surprise, les députés qui composent sa majorité. Sa coalition disposait en fin de soirée de 268 sièges sur les 465 de la Diète, en route vers une majorité écrasante, peut-être des deux tiers. Mais ce scrutin a en partie manqué sa cible: il n’a pas élargi ni solidifié sa majorité. Shinzo Abe est empêtré dans les scandales et les polémiques, qu’il espérait faire oublier grâce à une large victoire. Faute de cette dernière, ceux-ci reviendront irrémédiablement sur le tapis dans les prochains mois.
Selon un sondage de la NHK, 59 % des électeurs n’approuvent plus son action. Ils votent «par défaut» pour lui. Son ambition de réformer la Constitution, qui a besoin d’être approuvée par référendum, paraît condamnée. D’autant que d’autres problèmes pointent à l’horizon. Dont… Donald Trump. Le président américain est attendu dans l’Archipel début novembre en visite officielle comme un éléphant dans un magasin de porcelaine. Il commettra certainement des impairs lors de sa visite. Les hauts fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères qui doivent «gérer» le «Donald» en passent déjà des nuits blanches. Comment se comportera-t-il devant l’Empereur? Devant les médias? Or seul Shinzo Abe, parmi les leaders des pays alliés de l’Amérique dans la région, continue de soutenir son ton va-t-en-guerre face à la Corée du Nord sans protester, le doigt sur la couture du pantalon. Combien de temps les Japonais vont-ils tolérer un tel suivisme?
L’autre vainqueur de dimanche est Yukio Edano. Ce dernier a réussi un pari presque impossible. Sans argent, sans moyens, éjecté de son propre parti, il était comme un ronin, ces samouraïs sans maître qui erraient déboussolés en temps de paix dans le Japon médiéval. Il a constitué en deux semaines la deuxième force politique du pays autour de laquelle tournera désormais l’opposition à Shinzo Abe. Ses troupes ont su magistralement user de Twitter et des réseaux sociaux, comme le montre le montant des dons individuels que son parti a collecté: 85 millions de yens (635.000 euros) en quelques jours. Il ne peut pas pavoiser pour autant: son parti ne compte encore qu’une cinquantaine de députés, soit cinq fois moins que la coalition au pouvoir.
La grande perdante de la soirée est sans conteste Yuriko Koike. La gouverneure de Tokyo avait monté de bric et de broc un «Parti de l’espoir» à la droite de Shinzo Abe qui avait pendant quelques jours séduit les médias locaux. Mais cette coalition formée sur des calculs égoïstes plutôt que sur des convictions, ou même des intérêts, communs, avait commencé à se désagréger dès le lendemain de sa naissance. Sentant la fragilité de son attelage et la médiocrité de ses nouvelles troupes, Yuriko Koike avait finalement opté pour demeurer gouverneure et ne pas se présenter. Elle a reconnu dimanche sa «lourde» défaite en direct de… Paris, telle une reine en exil, où elle assiste à un congrès international de maires.
Comme si elle se lavait les mains de cette consultation nationale. «Vous vous rendez compte que la plupart de ceux qui l’avaient ralliée ont perdu après avoir financé sa campagne de leur poche et qu’elle n’est même pas au Japon au moment de leur humiliation? Le Parti de l’espoir est désespérant. Après-demain, il n’existera plus», résume Michael Cucek.
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