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Kremlin : lieux de mystères et de puissance russe

Après Washington et Pékin (et en attendant Paris), cap sur Moscou. Car c’est ici, dans une incroyable profusion de palais, d’églises et de musées, que, depuis le XIIe siècle, bat le cœur fastueux et tourmenté de la puissance russe.

Le Kremlin, à Moscou, est le cœur de la Russie. Il en a la forme vaguement triangulaire symbolisant la Sainte-Trinité. C’est non seulement le centre du pouvoir, mais aussi un vaste ensemble historique de 27 ha qui comprend de nombreux musées, églises et palais. En 2016, il a accueilli 2,5 millions de visiteurs.

Tout au Kremlin est démesuré. Les immenses salles d’apparat sont une orgie de dorures et de faste. Les touristes peuvent notamment y admirer la plus grosse cloche du monde (qui n’a jamais sonné), le plus gros canon du monde (qui n’a jamais tiré) et la plus grosse pépite d’or du monde. Férocement gardé, le président du plus grand pays du monde (par sa superficie) ne se laisse pas approcher facilement. Mais, pour commencer, un peu d’histoire…

Le premier Kremlin, en bois

Édifié au XIIe siècle, le premier Kremlin était en bois, raison pour laquelle il a brûlé à plusieurs reprises avant d’être reconstruit en pierre blanche, au XIVe siècle, puis en briques rouges, à la fin du XVe, par des architectes italiens. Mais, jusqu’à la fin du XIXe siècle, on a continué à en blanchir les murs. Aujourd’hui, on les peint régulièrement pour qu’ils soient plus rouges que nature.

 En 1812, alors que les lieux avaient retrouvé leur splendeur, Napoléon les saccagea et fit exploser l’arsenal et plusieurs tours

Le Kremlin connut une période de déchéance quand, en 1712, le tsar Pierre Ier déménagea sa capitale à Saint-Pétersbourg. Le palais fut envahi par une véritable « cour des miracles », tandis qu’un diacre logé sur place cultivait des choux sur la muraille… En 1812, alors que les lieux avaient retrouvé leur splendeur, Napoléon les saccagea et fit exploser l’arsenal et plusieurs tours. Il tenta même de s’approprier la croix du clocher Ivan-le-Grand pour la placer sur les Invalides, mais celle-ci tomba et se brisa.

L’empreinte de l’Union soviétique

Le régime soviétique fut encore plus dévastateur, volontairement ou non. La construction du palais des Congrès, dans les années 1960, endommagea les fondations de la cathédrale de l’Annonciation. Depuis quelques années, les restaurations vont bon train pour rendre au Kremlin son aspect d’antan.

Le tour de la trinité qui servit de prison, abrite désormais un studio d’enregistrement et les répétitions de l’orchestre présidentiel, dont le répertoire va du classique au hard-rock

Des vingt tours de l’enceinte, la principale est celle du Saint-Sauveur, dont l’icône, masquée par une couche de peinture après la révolution, a été remise au jour en 2010. Son horloge indique l’heure officielle de Moscou. La tour la plus haute, celle de La Trinité, culmine à 8 m : elle servit jadis de prison et abrite désormais un studio d’enregistrement et les répétitions de l’orchestre présidentiel, dont le répertoire va du classique au hard-rock.

C’est aussi par là qu’entrent les visiteurs. Les cortèges officiels passent quant à eux par la tour Borovitskaïa. La tour du Sénat a été modifiée lors de la construction du mausolée de Lénine en raison de l’installation d’un système de réfrigération. Un passage y a été percé pour permettre aux dirigeants soviétiques d’accéder directement à la tribune – qui n’est plus utilisée depuis 1996…

La tour de l’Arsenal conserve quant à elle un puits conçu pour fournir de l’eau en cas de siège ; un passage secret, désormais condamné, menait à l’extérieur des murs. Au XVIIe siècle, la tour Constantin-et-Hélène faisait office de salle de torture.

On la prétend hantée, et une tache de sang apparaîtrait de temps à autre sur la muraille (à moins qu’il ne s’agisse de peinture fraîche). Parmi les fantômes du Kremlin dont divers témoins rapportent la présence, celui d’Ivan le Terrible serait le moins discret : il aurait prédit la fin des Romanov à Nicolas II, la veille de son couronnement.

Des passages souterrains

En 1918, Lénine, Staline, Trotski et leur entourage s’installèrent au Kremlin pour y vivre et y travailler. Lénine prit ses quartiers au ­deuxième étage de l’ancien palais du Sénat, qu’on appelle aussi Bâtiment 1. Staline changea plusieurs fois de résidence, avant d’y emménager à son tour.

En 1993, lors de travaux dans son ancien bureau du premier étage, on a découvert sous le plancher une mystérieuse descente souterraine de 9 m de profondeur dont on ignore l’origine et la destination. Autre passage souterrain, moins mystérieux mais tout aussi secret : le tunnel censé permettre à un Leonid Brejnev très malade de circuler en voiturette électrique entre les bâtiments. Mais l’ouvrage ne fut achevé qu’en 1982. Brejnev est mort avant d’avoir pu l’emprunter.

Au printemps 1991, le plafond du bureau de Gorbatchev, se mit à fuir après une forte pluie, préfigurant en quelque sorte la chute de l’Union soviétique

Notons que Lénine, Staline, Khrouchtchev, Brejnev, Gorbatchev et Eltsine occupèrent tous des bureaux différents. Au printemps 1991, le plafond du bureau de Gorbatchev, situé entre celui de Brejnev et celui de Khrouchtchev, se mit à fuir après une forte pluie, préfigurant en quelque sorte la chute de l’Union soviétique. Mais Gorbatchev, en déplacement à l’étranger, ne s’aperçut de rien. Détail symbolique : Eltsine choisit pour son usage personnel un bureau aux fenêtres ouvrant du côté opposé.

Pas de première dame au Kremlin

Poutine occupe actuellement deux bureaux contigus, au palais du Sénat : un cabinet de travail et un bureau d’apparat destiné à recevoir les dirigeants étrangers ou à remettre des décorations. De forme ovale, il est plus ancien que le Bureau ovale du président américain. Son décor est impressionnant : cheminée en malachite, colonnes blanches, statues d’empereurs russes, parquet en marqueterie…

Poutine ne vit pas au Kremlin, mais à Novo-Ogarevo, vaste propriété du XIXe siècle située dans la banlieue de Moscou

Le Sénat abrite de nombreuses autres salles de réception et de réunion, ainsi que la bibliothèque présidentielle, où est conservé l’exemplaire de la Constitution sur lequel le chef de l’État prête serment lors de son investiture. On y trouve aussi des appartements présidentiels.

Poutine ne vit cependant pas au Kremlin, mais à Novo-Ogarevo, vaste propriété du XIXe siècle située dans la banlieue de Moscou. Il lui arrive souvent d’y travailler et d’y recevoir ses ministres. On lui connaît une vingtaine d’autres résidences, officielles ou non. Quand il passe la nuit au Kremlin, le drapeau présidentiel qui surplombe le Sénat est censé rester levé. Mais, pour des raisons de sécurité, il n’est pas facile de savoir où se trouve le président à tel ou tel moment de la journée.

Sauf naturellement lors des rencontres et des cérémonies officielles, durant lesquelles il est filmé en permanence. Le maître du Kremlin cultive le secret sur sa vie privée. Poutine divorcé, il n’y a plus de « première dame » officielle ni officieuse, même si les rumeurs vont bon train concernant ses conquêtes et son hypothétique remariage. Quand on lui pose la question, il répond qu’il « doit d’abord trouver un mari à son ex-femme » !

Un site officiel (tours.kremlin.ru) propose désormais une visite virtuelle du Kremlin

Un site officiel (tours.kremlin.ru) propose désormais une visite virtuelle du Kremlin, y compris celle du cabinet de travail de Poutine, au décor relativement modeste. On y remarque un ordinateur de bureau dont la disposition ne suggère pas un usage fréquent : il est surtout destiné à l’écoute de rapports. Le président russe ne surfe pas sur internet et, contrairement à nombre de ses collègues étrangers, ne twitte pas, même si plusieurs faux Poutine ont ouvert des comptes sur Twitter.

Le maître du Kremlin n’utilise pas non plus de smartphone. Les quatre appareils posés à gauche de sa table de travail lui permettent de communiquer facilement avec son entourage. Un téléphone par satellite est réservé aux échanges les plus importants. Toutes les communications sont chiffrées, et le système de protection est fabriqué en Russie.

L’obsession sécuritaire

Après le récent scandale des écoutes américaines en Europe, un expert russe a confié dans une interview que jamais une telle chose n’aurait pu arriver au Kremlin. Et qu’à moins d’une trahison « il faudrait quatre-vingt-dix ans pour décoder les conversations présidentielles ».

La sécurité du président est une véritable obsession. Sa garde rapprochée est constituée de professionnels surentraînés et, en cas de menace terroriste, on va jusqu’à sceller les bouches d’égout sur le trajet que son cortège est censé emprunter.

Lénine se déplaçait en Rolls-Royce. Les voitures des dirigeants soviétiques étaient des Zil, qui consommaient énormément de carburant. On sait que Brejnev aimait conduire lui-même et rouler vite. La voiture principale de Poutine est actuellement une Mercedes Benz S600 Pullman.

Poutine est en permanence accompagné de motards qui sont de véritables cascadeurs

Mais le garage du Kremlin devrait prochainement recevoir les premières voitures du projet Kortezh (« cortège »), conçues et fabriquées en Russie. Poutine est en permanence accompagné de motards qui sont de véritables cascadeurs. Il a déjà échappé à plusieurs tentatives d’attentat.

Quant au régiment présidentiel, il est composé d’appelés du contingent triés sur le volet : niveau bac au minimum, moralité irréprochable, santé de fer, physique avenant, pas de proches résidant à l’étranger, pas de lunettes, pas de tatouages ni de piercings et une taille comprise entre 1,75 m et 1,90 m.

Ce sont eux qui gardent la tombe du Soldat inconnu, sans jamais bâiller ni éternuer, et qui font le pas de l’oie en levant le pied à une hauteur vertigineuse. Ils contribuent aussi à la sécurité du président et participent à l’accueil des délégations étrangères. Le régiment est basé dans l’Arsenal, qui abrite aussi des services administratifs et une salle de sport.

Mais le Kremlin est également gardé par des sentinelles à plumes : faucons et éperviers, ainsi qu’un hibou grand-duc, sont chargés de faire la chasse aux corneilles. Ces volatiles provoquent en effet d’innombrables dégâts. Ils ont notamment la fâcheuse habitude d’utiliser les coupoles dorées comme des toboggans, raclant l’or de leurs griffes acérées.

La vie mondaine du Kremlin

Les grandes réceptions et les principales cérémonies ont généralement lieu dans le Grand Palais, labyrinthe de 700 pièces et de 25 000 m2 qui englobe aussi plusieurs églises (dont celle où Tolstoï se maria, en 1862), le palais des Terems et le merveilleux palais à Facettes. Les lieux sont préalablement inspectés par des maîtres-chiens, et les excursions sont limitées dans les jours qui précèdent. À l’époque de Eltsine, bien sûr, la vodka coulait à flots. On sert désormais un peu moins d’alcool lors des banquets.

 

Quand les invités officiels sont logés au Kremlin, ce qui n’est pas toujours le cas, ils occupent les anciens appartements des grands princes, qui offrent une vue imprenable sur Moscou. Mais, en 2008, Mouammar Kadhafi a préféré dresser sa tente dans le jardin. Poutine y est venu prendre le thé en compagnie de la chanteuse française Mireille Mathieu.

Un ancien cuisinier a confié que Poutine appréciait particulièrement les glaces

Trente cuisiniers travaillent au Kremlin (à l’époque de Dmitri Medvedev, le chef était français). Tous les aliments arrivant au Kremlin sont analysés. Le repas destiné au président est contrôlé par un médecin et placé sous scellés durant son transfert vers la table présidentielle.

Un ancien cuisinier a confié que Poutine appréciait particulièrement les glaces. Il mange modérément et préfère une cuisine saine en accord avec ses activités sportives. L’équipe médicale veille au grain en permanence. Elle a beaucoup moins de travail que sous Eltsine, même si des rumeurs non confirmées ont circulé au début de cette année concernant une possible maladie du chef de l’État.

Comme tout organisme vivant, le Kremlin ne cesse de se transformer. Édifié dans les années 1930 (il abritait, entre autres, l’un des bureaux présidentiels), le bâtiment de l’administration a ainsi été démonté en 2016, ce qui a permis des fouilles archéologiques. Il est désormais question de reconstruire à la place le Petit Palais de Nicolas et deux monastères détruits sous Staline.


Trompe-l’œil

Pendant la Seconde Guerre mondiale, le Kremlin a été entièrement camouflé par crainte des bombardements. Des rues et des maisons ont été peintes sur les murs, les coupoles et les toits ont viré au gris et au brun rouille, on a tendu des bâches, et une fausse maison en bois a été construite sur le mausolée. Le Kremlin a subi des dommages, mais les dégâts ont été relativement limités.


Profession : laveur d’étoiles

Les fameuses étoiles rouges qui surplombent les tours du Kremlin ont été installées sous Staline en remplacement des aigles tsaristes (replacés sur certains bâtiments). Chacune de ces étoiles pèse plus d’une tonne et tourne en fonction du vent. Éclairées par des lampes d’une puissance de 5 000 W, elles sont lavées en moyenne tous les cinq ans.

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