Les débats ont été houleux mardi à Douala lors d’une conférence sur le contentieux historique Cameroun-France (ou contentieux de la décolonisation). Une initiative d’un groupe de partis et d’organisations préoccupés par un devoir de mémoire.
Une conférence a été organisée dans la soirée du mardi 23 février 2016 dans une salle de conférence d’un hôtel de la place à Douala. Par le Collectif Mémoire 60, l’Association des vétérans du Cameroun (Asvecam), l’Union des populations du Cameroun, (Upc, tendance des fidèles), le Mouvement africain pour la nouvelle indépendance (Manidem) et bien d’autres organisations politiques et de la société civile. Sur le thème : «le contentieux historique Cameroun-France : la décolonisation du Cameroun et des moyens d’en sortir». Président du Collectif Mémoire 60, David Ekambi Dibongue a souligné que « cette conférence est une réponse à la déclaration faite par le président français François Hollande lors de sa visite au Cameroun le 3 juillet 2015. Nous, héritiers de la lutte, devons montrer l’exemple. La lutte de l’indépendance est acte de mémoire», a-t-il déclaré.
LE PLAN DIABOLIQUE FRANCAIS
Avant d’ajouter : « Nous sommes ici pour donner une réponse de groupe. C’est une partie de la longue marche de la révolution camerounaise. Nous signerons une déclaration qui sera remise au président français François Hollande», a-t-il souligné. François Hollande avait déclaré qu’«il y a eu des épisodes extrêmement tourmentés et tragiques même. Puisqu’après l’indépendance, il y a eu une répression en Sanaga-Maritime, au pays Bamiléké, et nous sommes, comme je l’ai fait partout, ouverts pour que les livres d’histoire puissent être ouverts, les archives aussi». Président de l’Asvecam et dernier secrétaire et compagnon de lutte d’Ernest Ouandié dont il a admiré «le courage et l’intelligence remarquable», Mathieu Njassep a expliqué les raisons qui ont amené les Camerounais à prendre les armes contre la colonisation.
Mathieu Njassep est clair : «C’est Roland Pré, reconnu comme étant le plus cruel qui sera envoyé en 1954 pour exécuter le plan diabolique de mater tous ceux qui se réclamaient upécistes(…) Le 25 mai 1955, il va ouvrir le feu sur les populations camerounaises à Douala. Plusieurs centaines de personnes tuées sont enregistrées. Ce fut ainsi le début de la guerre ouverte ! Alors que l’Upc n’avait jamais voulu la guerre !», a-t-il poursuivi. Le public a eu droit à deux autres interventions. Celle de Jean Koufan, Professeur d’histoire et enseignant à l’Université de Yaoundé I sur l’Origine et l’évolution du contentieux historique. Ainsi que celle de Nsame Mbongo, philosophe et sociologue et ancien doyen de la faculté des Lettre de l’Université de Douala.
OPPOSITION RADICALE D’INTERÊTS
Expliquant pourquoi «la décolonisation a été un problème douloureux» pour les Camerounais, Jean Koufan a évoqué le caractère prégnant du sentiment anti-français au Cameroun et identifié cinq éléments du contentieux du Cameroun avec la France : le pouvoir, qui à l’indépendance est confiée à ceux qui n’en voulaient ; l’entreprise d’anéantissement de l’Upc à travers l’usage du napalm en pays bamiléké et des têtes coupées et exposées; les assassinats des leaders de l’Upc que sont Ruben Um Nyobé, Félix-Roland Moumié, Ossende Afana ; l’arrestation, le jugement, la condamnation à mort et l’exécution d’Ernest Ouandié ; le soutien de la France aux dictateurs et la question des lieux de mémoire : «Il n’y a pas de monument à la gloire des nationalistes camerounais (…) Le contentieux est historique et mémoriel», a martelé Jean Koufan.
Pour ce dernier : «Le vrai problème est que la France reconnaisse avoir fait du tort aux nationalistes camerounais(…) Il est clair qu’il existe un différend entre la France et nous. Il est politique et il est historique», a-t-il précisé en trouvant en la mobilisation une des voies de sortie. Pour Nsame Mbongo : «Il existe une opposition radicale d’intérêts entre l’Etat français et le peuple camerounais. C’est une opposition fondamentale qu’on ne peut oublier même après 1000 ans, même s’il y a des excuses. Les massacres continuent au Cameroun (…) Les juifs ont été dédommagés pour les crimes subis lors de la deuxième guerre mondiale. Il faut des réparations matérielles pour les victimes camerounaises», a-t-il déclaré.
RECONSTRUIRE LE RAPPORT DE FORCE
Nsame Mbongo est persuadé que «le contentieux historique Cameroun-France peut aider à relancer la lutte. Cela peut être une occasion pour les patriotes de se retrouver et de rebondir. C’est le rapport de force qu’il faut reconstruire. Le gouvernement camerounais doit aussi répondre de ses actes. La solution peut venir de la rue. L’endroit où le peuple prend le pouvoir Nous devons d nous organiser pour faire ce que nous devons faire», a souligné Nsame Mbongo. Une déclaration sur le contentieux historique a été signé par les leaders politiques et de la société civile après la conférence. Le Collectif mémoire 60 promeut le devoir de mémoire envers les souffrances inouïes et les crimes inqualifiables qu’ont enduré les populations, les militants nationalistes révolutionnaires et tous les patriotes durant la lutte pour l’indépendance véritable du Cameroun.
Edmond Kamguia K.
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