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comprendre la guerre en Ukraine: voir au- delà des apparences ( seconde partie)


Par Dr Sylvester TABE ARREY (st.arrey@yahoo.com)
(Dr Sylvester TABE ARREY est enseignant au département des relations internationales et de résolution des conflits de l’université de Buéa, au Cameroun)

La présente publication est la seconde partie d’un article rédigé en vue de mettre en lumière les contours de la guerre en Ukraine. Avant de poursuivre la lecture du présent travail, veuillez consulter sur ce même site la première partie.

Eu égard aux manifestations de la guerre et aux récits des différents belligérants, la compréhension du conflit russo-ukrainien demeurera un casse-tête pour plusieurs, si ces derniers se fient exclusivement aux contenus populaires et aux versions officielles des évènements, au lieu de s’intéresser aux données sures et aux sources d’informations fiables relatives à cette guerre. Force est donc de constater que la victime directe d’une guerre aux enjeux majeurs n’est pas l’être humain, mais la vérité. De ce fait, les personnes incapables de contourner, de manipuler ou de jouer avec la vérité doivent choisir une vocation autre que la guerre, car la vérité représente un adversaire redouté dans un environnement conflictuel. La libre circulation de la vérité constitue une menace ; alors, sa possession doit être assurée avec sérieux, à la hauteur du danger qu’elle représente.

L’élimination d’un quelconque être vivant, surtout d’un être humain, et l’extermination de tout ce qui relève de son existence représentent une tâche ardue même pour un exterminateur professionnel. Cette action ne nécessite pas seulement le courage, mais aussi une conviction profonde. De ce fait, tout acte qui diminue le soutien à la guerre ou détruit le moral des combattants et des citoyens est rapidement écarté, de peur de compromettre la mission entière du conflit. Fort de ce qui précède, les secrétaires de la communication ou les ministres de la Communication en temps de guerre, selon leur appellation dans les différents pays, sont généralement des orateurs audacieux et courageux qui maitrisent l’art de jouer avec les mots et peuvent même délibérément omettre ou ajouter des informations sans émotion. Généralement, ils possèdent la capacité de manipuler les histoires, et de rester calmes et relaxes comme si de rien n’était.

Dès le début de la guerre, la vérité est sacrifiée pour permettre aux participants de poursuivre certains objectifs et d’avancer dans leurs programmes. Aux premiers mouvements de la gâchette, la vérité disparait pour permettre la mise en œuvre de ce programme, au détriment des actions appropriées. De ce fait, les personnes qui comptent exclusivement sur les parties en conflit, leurs médias ou leurs sympathisants pour connaitre la vérité se fourrent le doigt dans l’œil jusqu’au coude. Bref, il s’agit là d’une erreur fatale. Ces personnes n’obtiendront que très peu d’informations importantes pour connaitre et comprendre le problème en question. Cette situation ne signifie en aucun cas que les parties en guerre, les présentateurs de journal ou les chaines de télévision divulguent d’office des mensonges pendant la guerre. Ces différents acteurs déclarent la vérité autant que faire se peut, certes, mais le journalisme ou les reportages de guerre sont complètement différents de ceux de l’accalmie. La vérité est travestie en fonction des objectifs des parties concernées. Elle est adaptée aux buts à atteindre. La priorité est donc donnée à leur perspective et à leurs intérêts de sorte que les informations publiées attirent la sympathie et sollicitent le soutien, et ne reflètent pas nécessairement avec exactitude les faits.

D’une part, la majorité des médias russes ne considèrent pas la situation ukrainienne comme une guerre, mais comme « une opération militaire spéciale », à s’en tenir aux propos du président Poutine. Ces médias soutiennent et répandent l’idée selon laquelle la Russie ne saurait déclencher une guerre contre un garçon qu’elle a conçu et éduqué jusqu’à son âge adulte. Pour la plupart, la Russie s’oppose à la guerre, mais elle y est prête et s’attaquera, sans hésitation, à quiconque franchira sa ligne rouge. Ce dernier vivra en direct la définition de la guerre selon la Russie.

D’autre part, les médias des pays dits « Occidentaux » se réfèrent à la situation ukrainienne comme « une guerre ». Cette appellation est reprise par leurs dirigeants, dont le président Biden, et Jens Stoltenberg, le secrétaire général de l’OTAN. Pour une communication convenable, certains médias utilisent l’expression « guerre russo-ukrainienne », ou « guerre russe contre l’Ukraine », ou encore « guerre de Poutine contre l’Ukraine », pour afficher leur prise de position selon laquelle il ne s’agit pas d’une simple guerre, mais d’une guerre dans laquelle Poutine représente l’agresseur et l’Ukraine la victime.

Un fait à souligner, les médias constituent un champ de bataille d’envergure dans le chaudron des guerres contemporaines. Par conséquent, de nos jours, perdre la bataille médiatique implique généralement une situation identique sur les tranchées et les champs ouverts. Ainsi, le belligérant dont l’équipe médiatique sombre dans la médiocrité avalera des couleuvres. Mieux, une fois l’échec de l’équipe médiatique en matière de maitrise des assauts de l’adversaire et d’imposition de leurs désirs à leurs ennemis, le reste des troupes, indépendamment de leurs champs de bataille, mènera un combat inutile, peu importent sa sophistication et son expérience. Ce fait décrit la dure réalité, car la technologie a transformé l’information en une arme efficace susceptible de porter des coups mortels, parfois. La technologie est de nature, non seulement à détruire l’adversaire et à modifier la trajectoire des guerres, mais aussi à réduire considérablement le temps de déroulement de la guerre. Ainsi, pendant leurs moments de gloire, les acteurs dépensent des sommes d’argent faramineuses dans les médias et les affaires relatives à la gestion des informations et des données. Cette manipulation vise en fait l’objectif de changer la donne à leurs avantages en vue d’avoir le dernier mot. Même le plus efficace et invincible des géants devient vulnérable, et court le risque de tomber lorsque les personnes pour lesquelles il se bat lui retirent leurs soutiens et l’abandonnent à cause des informations que l’adversaire aurait rassemblées à cette fin.

Concernant la problématique sur l’attribution d’un nom juste à la situation ukrainienne, il convient de souligner qu’il n’est même pas nécessaire d’être un expert en quoi que ce soit pour la qualifier de guerre. Ce conflit est une guerre à part entière qui présente les caractéristiques y afférentes, si on considère le sous-domaine naissant, études de la paix et des conflits dans le cadre des relations internationales. Cette guerre possède toutes les caractéristiques d’une guerre régulière. La contradiction ou le doute de ce fait constitue un déni délibéré.

En fait, la science est ancrée dans les preuves scientifiques vérifiables présentées en toute neutralité et impartialité en vue de la promotion de la société. Elle est indépendante et ne prend aucun parti, d’où son intégrité et son honnêteté. Fort de ces considérations, le présent article n’hésite pas à révéler les noms réels des évènements, afin de clarifier les zones d’ombres, sans tenir compte du souhait d’une ou de toutes les parties à cette étape cruciale.

Cependant, à quel stade de la guerre sommes-nous et qu’arrivera-t-il bientôt ? En d’autres termes, quel futur nous réserve ce problème et le monde ? Quels pourraient-être les comportements des acteurs en ce moment ? Nous entrerons dans le vif du sujet en essayant de répondre à ces différentes questions. Ces réponses prendront en compte les réalités apparentes et implicites de la situation ukrainienne, analysées sous le spectre des relations internationales et du comportement des États. De grâce, veuillez exercer votre patience en lisant les paragraphes suivants.

Dans un contexte de guerre, les prévisions ne doivent jamais être effectuées sur la base des déclarations et des prises de paroles des parties prenantes. La plupart de leurs informations dérouteront tous ceux qui essaieront de deviner leurs mouvements ou la cible exacte de leur prochaine action. Il s’agit en fait d’un choix stratégique qui leur est bénéfique. Les prévisions devraient plutôt s’appesantir sur les véritables raisons du conflit, entre autres, les caractères détestables de leurs ennemis, les gains qu’ils pourraient obtenir en prenant des risques et les pays étrangers qu’ils considèrent comme alliés ou adversaires à des moments donnés.

Compte tenu de la situation, la Russie est préparée et prête à combattre tous les pays qui soutiennent ouvertement l’Ukraine dans ce conflit. Ce pays note déjà l’existence d’un soutien implicite. D’ailleurs, pour l’instant, tel est le maximum qu’il peut tolérer. La Russie souhaiterait un pas vers la paix, mais envisage des meurtres collectifs et des destructions considérables si nécessaire. De plus, Moscou sait parfaitement qu’il figure dans la liste noire de « l’Occident » et pourrait lancer des hostilités à tout moment contre ce bloc. De ce fait, la Russie ne le caresse pas dans le sens du poil, mais est prête à une riposte.

Les pays de l’Occident désirent aussi une atmosphère de paix, mais l’attitude de la Russie est décevante. Cependant, malgré le caractère injustifiable des actions russes, ces pays ne souhaitent pas offrir un soutien explicite à l’Ukraine. En effet, les législateurs et les décideurs de ces pays sont conscients des risques à courir. À cette période du conflit, les comportements susceptibles d’accélérer ou d’alimenter la crise ukrainienne sont évités, pas par peur, mais parce qu’il existe un temps propice pour toute chose. Cette indifférence de l’Occident explique d’ailleurs la raison de l’ignorance grossière de l’appel répété et désespéré ukrainien à l’Occident en vue de la création d’une zone d’exclusion aérienne de l’espace utilisé par la Russie pour les bombardements. Pour les dirigeants de l’Occident, cette déclaration est synonyme d’ultimatum à la Russie. Sans réfléchir par deux fois, la Russie violera avec rage cette interdiction. En réponse à cette violation, la riposte de l’Occident sera musclée au risque de paraitre faible aux yeux du monde. Cette réaction déclenchera donc une guerre susceptible d’engloutir toute l’Europe et de s’étendre dans d’autres régions du monde ; or, pour l’instant, l’Union européenne (UE) ne veut pas d’une guerre généralisée sur le continent européen.

Il convient de noter que la Russie considère son intervention en Ukraine et le combat qu’elle va engager contre quiconque met son nez dans ce conflit comme un combat justifié pour assurer sa survie. Selon Moscou, les évènements actuels représentent le prix à payer pour perpétuer son existence. La Russie traverse donc une période décisive au cours de laquelle elle doit effectuer des choix difficiles avec audace, au lieu de s’en détourner par crainte des critiques. Aussi, pour Moscou, en regard de ses expériences passées avec les NAZIS et les Américains, les efforts consentis pour éviter la guerre semblent vains. De ce fait, il n’éprouve aucune peur s’il existe des raisons valables de déclencher une guerre.

Étant donné que les menaces de l’OTAN, dirigée par les États-Unis, ne cessent de peser sur la Russie depuis des années et que cette dernière a lancé des mises en garde contre les activités de l’OTAN sans succès, elle craint d’être avalée d’ici peu par le groupe de « pays ennemis », à condition de prendre désormais son destin en main. De plus pour le Kremlin, les pays de l’Occident constituent des ennemis dangereux et intrépides qui, à l’occasion, agissent avec froideur, pour atteindre l’un de leurs objectifs principaux : la maintenance de leur hégémonie dans le reste du monde. L’atteinte de cet objectif passe par l’élimination ou l’affaiblissement considérable des pays rivaux ou d’une quelconque entité représentant un obstacle en vue de les écarter. Selon M. Poutine, pour la réalisation de cet objectif, les pays de l’Occident ont usé des techniques modérées et subtiles, lesquelles favorisent l’atteinte de leur but ; et maintenant, ils en sont très proches, et occupent une bonne position sur la scène mondiale. Convaincre M. Poutine de faire confiance aux États-Unis afin d’étendre davantage son influence constitue une tâche ardue. La Russie n’a pas besoin d’une leçon sur le caractère indigne et prédateur des États-Unis. Le Kremlin affirme avoir démasqué le vrai visage des États-Unis en voyant nombre de pays à travers le monde souffrir pour avoir cru aux belles paroles et à la bonté apparente des États-Unis jusqu’à partager le même lit avec ce pays sous l’influence des fantaisies charmantes et séduisantes.

De plus, la Russie maitrise la force militaire conjointe des armées du bloc dirigé par les États-Unis, et connait les actions que ce dernier est capable de mener s’il les planifie. Par conséquent, une éventuelle guerre entre la Russie et l’OTAN entrainera d’énormes conséquences qui se répandront ou détruiront éventuellement les autres régions de la planète. En fait, à travers la crise ukrainienne, la Russie met en garde militairement les pays de l’Occident et d’autres détracteurs sur l’application d’un quelconque plan prévu ou programmé contre elle, car cette entreprise s’annoncera difficile.

En préparation à une attaque possible, le président Poutine a ordonné à ses troupes nucléaires de rester sur le qui-vive. Ainsi, depuis l’instauration de cet ordre, elles maintiennent cette position. M. Poutine ne nourrit aucune intention d’utiliser des armes nucléaires ; toutefois, il aimerait informer le monde entier de sa capacité à les utiliser s’il est poussé à bout. Cette décision préserve donc la planète terre du désastre, d’une destruction de nature nucléaire. Pour preuve, le ministère russe de la Défense a récemment approuvé l’utilisation des missiles aérobalistiques hypersoniques en Ukraine. Ces missiles ont été lancés depuis la mer Noire et la mer Caspienne en mars. Ces missiles visaient non seulement la destruction de l’entrepôt souterrain ukrainien qui contenait, d’après le ministère de la Défense, des armes dangereuses, mais aussi un rappel aux nations ennemies, lesquelles ont tendance à oublier que la Russie possède ces armes de destructions, et n’hésiterait pas à les utiliser au besoin. D’ailleurs, notons que les missiles hypersoniques figurent parmi les armes les plus destructrices au monde. Ces missiles sont tellement rapides ; aussi, leur vitesse de déplacement s’avère de 5 à 25 fois supérieure à celle du son. Très peu de pays possèdent ces missiles ; ceux qui les possèdent même ne maitrisent pas complètement cette technologie, afin de détecter et de stopper certains systèmes après leur lancement, en particulier le S-500 Prometheus. Le caractère exceptionnel de ce système est visible à la fois par sa performance et la technicité qu’elle renferme. En fait, l’avancée technologique facilite les massacres et les destructions massives. Certains dirigeants détiennent l’avenir de l’espèce humaine et de la planète. De ce fait, une décision de l’un d’entre eux entrainerait une destruction d’une grande partie de l’existence ; par conséquent, une paralysie mondiale.

Pour le moment, l’Occident perpétuera sa stratégie d’implication indirecte aux confrontations militaires avec la Russie en particulier, afin d’éviter des représailles financières, humaines et environnementales. Aussi, il convient de souligner que la démocratie et le libéralisme occidentaux obligent les dirigeants à écouter la voix de leurs peuples et à respecter leurs droits et leurs choix. Ces derniers participent à la gestion de leur pays. En cas de provocation, leurs dirigeants sont obligés d’exercer la patience et d’utiliser d’autres solutions, car au regard des évènements, la majorité de leurs peuples s’opposent à la guerre. Toutefois, le Kremlin devrait non seulement prendre conscience des limites de la patience, mais aussi modifier le cours des évènements lorsque le vert montrera des signes de rouge. Pour l’Occident, en particulier leurs dirigeants, M. Poutine serait responsable de la crise ukrainienne et non la Russie. D’ailleurs, les dirigeants de l’Occident soutiennent l’idée selon laquelle la majorité des Russes s’oppose à la guerre, mais est contrainte de la vivre, car M. Poutine désire le contraire. Alors, M. Poutine est synonyme de Russie, donc ses choix et ses désirs y sont appliqués. Il est évident qu’après avoir fait preuve de tolérance pendant une période raisonnable, un moment viendra où plusieurs jugeront nécessaire d’affronter M. Poutine, et de mettre un terme à ses manigances, si celui-ci choisit de ne pas réagir à la douleur et à la souffrance qu’ils infligent aux autres. Il est peu probable que les choses en arrivent à ce point à court terme, mais toutes les parties se préparent à cette possibilité, car cette dernière peut se produire spontanément, sans laisser à quiconque le temps de s’apprêter. Le monde y arrivera si les choses continuent d’évoluer au rythme actuel.

Aussi, s’il s’agissait d’un pays différent, les services secrets et les services de renseignement auraient préféré le renversement de M. Poutine ou un complot en vue d’un changement intégral de son gouvernement. Seulement, les chances de réussite de cette méthode sont maigres, car celle-ci porterait difficilement ses fruits en Russie. M. Poutine gère ce pays avec une main de fer, donc il ne peut pas facilement tomber dans les pièges tendus contre lui, aussi nombreux soient-ils. De plus, le président russe maitrise parfaitement ce genre de stratégies ; ainsi, d’une manière difficile à expliquer, il pourrait leur filer entre les doigts ou éviter de mordre à l’hameçon. En sa qualité d’ex-agent du comité pour la sécurité de l’État (KGB) et outillé en tant que grand maitre ou souverain prêtre de n’importe quel culte spécialisé dans le renversement des gouvernements, M. Poutine peut coacher des putschistes et des assassins, et leur enseigner les subtilités et les techniques les plus sophistiquées de ces missions. Toutefois, si le Kremlin ne prend pas un temps de réflexion, étant un homme, et non un esprit, il peut tomber dans le piège le plus inattendu. D’ailleurs, la scène internationale est trop glissante pour y jouer avec imprudence. Bref, personne ne pourrait revendiquer sa maitrise totale.

À mesure de l’éloignement de l’Occident, les pays comme la Chine et l’Inde établissent un rapprochement avec la Russie. Au détriment de l’amitié, l’intérêt définit le comportement des pays et leur choix d’alliance à un moment précis. De ce fait, l’Occident doit se méfier de sa multiplication de sanctions contre la Russie. Parfois, ces sanctions sont imposées davantage sur la base sentimentale et le désir de faire ses preuves que sur la rationalité. La Russie a anticipé la majorité des sanctions de l’Occident, et s’est préparée en conséquence. Les pays qui prononcent les sanctions contre la Russie peuvent subir en fin de compte des sanctions plus lourdes, si le plan de Moscou fonctionne conformément aux prévisions.

Les batailles de cette guerre se déroulent sur trois fronts principaux. Le bloc qui l’emporte sur ces trois théâtres des opérations prendra le dessus sur l’autre. Ces fronts sont répartis comme suit : i) le front économique, ii) le front médiatique, et iii) le front militaire. Le front économique est d’une importance capitale et nécessite la meilleure des stratégies. Les évènements qui s’y déroulent affecteront grandement les deux autres. L’Occident a voulu éjecter rapidement la Russie de ce front, mais sans succès jusqu’à présent. Au contraire, le Kremlin a renvoyé l’ascenseur à l’Occident ; il subit donc plus de pressions que prévu. Désormais, les pays occidentaux sont plus prudents et moins pressés qu’avant.

D’autres acteurs se précipitent en vue de tirer profit dans les domaines qu’ils ont abandonnés. À titre d’illustration, la Chine est un opérateur rapide et un amoureux des occasions économiques. L’Empire du Milieu ne souhaiterait pas voir un autre pays abandonner ses « forteresses économiques ». Néanmoins, si pour une quelconque raison cette situation se produit, le Céleste Empire prendra volontiers et progressivement le relais avec sa perspicacité ou saisira les occasions disponibles autant que possible. Personne ne devrait s’attendre à ce que la Chine brille par la solidarité envers les Occidentaux en s’éloignant de la Russie, car l’État chinois n’agira pas ainsi. Ainsi, le retrait de Mastercard, de la carte Visa et d’autres entreprises occidentales de l’économie russe influencera à court terme cette économie. Par conséquent, l’entrée en jeu des méthodes de paiement et de l’expertise bancaire chinoises et indiennes va annuler les représailles que les Occidentaux avaient l’intention de provoquer.

L’amitié Chine-Russie et Russie-Inde grandira à mesure de la persistance de la guerre. La Chine représente un atout pour la Russie, pas seulement pour des raisons économiques, mais aussi pour brider une éventuelle initiative intelligente d’utilisation des Nations unies ou du droit international par l’Occident contre cette relation. Il convient d’indiquer que la Chine et la Russie figurent parmi les cinq membres permanents du Conseil de sécurité. À ce stade, ces deux pays utiliseront leur droit de veto pour supprimer ou perturber toute manœuvre suspecte. La Chine acceptera et promouvra cette amitié, pas par amour pour la Russie, mais parce que les occasions économiques que les adversaires occidentaux créent pour elle s’avèrent tout simplement abondantes.

Le Kremlin profitera également des évènements actuels pour porter un coup dur sur les économies occidentales en frappant tous les secteurs de nature à affecter grandement le quotidien de leurs citoyens, dans l’optique d’attiser leur colère contre leurs gouvernements et d’accroître ainsi leur pression. Cette action vise à inciter les dirigeants occidentaux, qui subissent une pression folle, soit à la commission de graves bévues, soit à la multiplication d’erreurs. Pour ce faire, la Russie s’attèlera, de manière stratégique, à l’inflation des prix des produits de base dans les pays occidentaux en vue de l’accroissement de leur cout de vie.

Bien que les États-Unis pourraient riposter à la hausse des prix du pétrole et du gaz par l’utilisation de leurs réserves, cette situation représente une victoire pour la Russie, car ces réserves ont été accumulées pour les générations à venir, en raison de la nature ponctuelle du pétrole, une ressource que les nations épuiseront certainement. De ce fait, l’utilisation de la grande partie de ces réserves et même son épuisement constitue une réussite pour Moscou. Les évènements se déroulent donc tels que planifier par la Russie. Les États-Unis, qui n’auraient jamais imaginé avoir recours à ces réserves jusqu’à leur utilisation excessive en 2022, affrontent désormais la réalité. Contrairement à d’autres fronts de guerre, la guerre économique pourrait conduire une personne à un stade imprévu et vers une direction inattendue.

La Russie s’en prendra aussi au dollar, et tentera de le dévaluer et de réduire son acceptabilité en tant que monnaie d’échange internationale. Elle procédera donc à la remise en question de son utilisation en magnifiant sa propre monnaie, le rouble, ainsi que celles des nations non occidentales. Toutefois, la Russie échouera lamentablement dans cette entreprise, car sur le marché mondial, le dollar demeurera la devise favorite pour les échanges commerciaux. Le rouble ne fera même pas le poids avec l’euro.

L’Inde, le Brésil et l’Afrique du Sud seront en outre incités à se rapprocher de la Russie en se servant, entre autres, des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud). De ce fait, la vision du groupe sera élargie et son influence renforcée, afin de s’étendre et de contester l’hégémonie prolongée de l’Occident sur l’échiquier mondial.

Face à cette situation, la majorité des pays africains et bien d’autres à travers le monde observent le silence et préfèrent suivre l’évolution des évènements avec intérêt. Ils sont conscients que cette situation les concerne, car ses conséquences toucheront tous les pays indépendamment de leur position par rapport à l’épicentre de la guerre. Certains s’interrogent sur l’orientation de leur soutien, tandis que d’autres réfléchissent à la meilleure action à entreprendre pour éviter les pièges ou les désavantages futurs. Sur la base exclusive des raisons humanitaires, l’Ukraine obtiendrait directement leur soutien, car sa situation et par conséquent celle de ses citoyens se veut émouvante. Pourtant, compte tenu de la nature pragmatique et non sentimentale des relations internationales dans lesquelles le profit détermine la direction, seuls les pays qui bénéficieront d’une alliance avec l’Ukraine s’allieront à elle. Les autres refusent leur soutien en vue de son utilisation comme appât lors des négociations et du marchandage pour l’obtention d’un gain plus significatif et satisfaisant de la scène internationale. À titre d’exemple, ces pays peuvent justifier leurs positions en avançant qu’ils ont connu de nombreuses guerres, des pénuries alimentaires aigües et de graves crises humanitaires, sans aucun soutien de l’Ukraine. Ce pays est resté de marbre face à leurs souffrances et n’a jamais fait partie des pays qui aidaient souvent les autres, surtout lors des expériences de crises des pays du Sud. Mieux, l’Ukraine ne devrait pas s’attendre à récolter pendant son moment d’épreuve et de douleur ce qu’elle n’a pas semé, car la vie ne fonctionne pas de cette manière ; en plus, de telles attentes sont infondées. Toutefois, personne ne lui doit de l’aide. Dans les affaires internationales, le soutien occupe une place de choix. Elle représente une richesse pour certains et une ressource pour d’autres. Tous l’utilisent pour les négociations ou le marchandage.

Quelles périodes délicates ! Le monde pourrait s’unir ou se diviser. En outre, la crise ukrainienne revêt une grande importance internationale. D’ailleurs, elle traverse sa phase d’alliance et de renforcement des blocs en prélude à de grands évènements. Malgré la puissance de l’OTAN, les États-Unis savent qu’ils endosseront plus de poids par rapport aux autres pays s’ils s’engagent à ce stade dans une quelconque guerre. De ce fait, ils prennent leur temps, non par faiblesse, mais par responsabilité et par nécessité d’agir avec sagesse, même en situation de colère. La France, par exemple, n’est pas aussi forte comme de nombreuses années auparavant. Certes, la France fait partie de l’OTAN, mais elle ne dispose pas de la puissance nécessaire pour occuper la première place dans les affaires mondiales, comme le souhaitait Napoléon Bonaparte. Sa popularité et son autorité sur une multitude d’anciennes colonies qui ont contribué à la maintenir debout ont considérablement baissé. Ainsi, elle ne pourrait recevoir la même aide qu’à l’époque de la Première et de la Seconde Guerre mondiale si elle préfère la guerre au lieu de la diplomatie pour traiter avec ses ennemis.

Les pays de l’Europe de l’Est, qui ont récemment intégré l’OTAN pour assurer leur sécurité, sont des petites puissances. Ces dernières comptent sur les grandes puissances et les superpuissances. Compte tenu de la tenue des élections présidentielles dans quelques années et de l’importance de la gestion de la politique étrangère dans le choix du dirigeant de la Maison Blanche, le président Biden préférera une victoire diplomatique en Ukraine à toute guerre couteuse qui pourrait être plus facile à déclencher qu’à arrêter. Une guerre de longue haleine épuisera la patience de nombreux Américains, et suscitera l’ire des électeurs, même de ceux qui étaient initialement favorables à la guerre. Insatisfaits, ils réagiront en montrant à Biden la porte de sortie pour essayer quelque chose de nouveau. En revanche, si jamais affronter M. Poutine semble la meilleure décision à prendre, les États-Unis et l’OTAN mobiliseront leurs alliés à cet effet. Ces derniers ne sont pas timides ; ils savent quand octroyer du temps supplémentaire, quand les possibilités d’apaisement sont épuisées et quand rendre des comptes. Ils savent en plus quand toute forme d’apaisement, notamment un étalage sans fin de tolérance et de patience, constitue une erreur sur la scène internationale, car à un certain moment, le feu doit répondre à l’appel du feu et un autre où les embrassades et les poignées de main sont nécessaires pour sceller l’accord.

Vous pouvez contacter le Dr Sylvester ARREY directement via l’adresse électronique susmentionnée ou par l’intermédiaire de l’Université de Buéa.

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