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CAMEROUN: Pandora Papers révèle un conflit d’intérêt entre le ministre des mines Ndanga Ndinga et son épouse, actionnaire d’une entreprise minière

La prise d’intérêts de Marie Gisèle Minlo Momo alors que son mari était en exercice symbolise l’opacité du secteur des matières premières camerounais.

Par Will Fitzgibbon(ICIJ) et Josiane Kouagheu(Douala, correspondance)

du Monde Afrique 

En ce mois de septembre 2009, un important projet minier est sous le feu des projecteurs au Cameroun. L’entreprise australienne Legend Mining Ltd. vient d’acheter 90 % des actions de la société camerounaise Camina SA (Cameroon Mining Action SA). Cette dernière est détentrice des permis pour l’exploration du fer sur la concession de Ngovayang, dans la région Centre, l’un des deux grands projets d’exploitation de ce minerai en cours au Cameroun. Alors que les autorités vantent cet accord qui permettra de développer un secteur minier encore essentiellement artisanal, un autre contrat se noue à l’abri des regards et des cameras de télévision.

Selon les « Pandora Papers », une enquête basée sur une fuite de documents transmis au Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) dont Le Monde est partenaire, Marie Gisèle Minlo Momo, l’épouse de Babel Ndanga Ndinga, alors ministre des mines, de l’industrie et du développement technologique (2007-2011), acquiert des parts dans Legend Mining Ltd. Dans un documentdaté du 27 décembre 2009, Thérèse Edima, une actionnaire de Camina SA dont le profil et l’occupation demeurent flous, vend « irrévocablement » ses actions à Mme Momo. La femme du ministre devient ainsi actionnaire de Legend Mining Ltd. La transaction se déroule en présence de nombreux témoins, comme l’attestent les signatures au bas du document, dont celle de Brett White, cadre dirigeant de l’entreprise australienne.

Interrogé par Le Monde Afrique, Babel Ndanga Ndinga, aujourd’hui sénateur et membre influent du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC, au pouvoir) confirme que son épouse a bien obtenu des actions. Comment cela a-t-il pu se faire alors qu’il était ministre et ainsi responsable de l’octroi de divers permis miniers ? Cet accord « n’avait rien à voir » avec sa fonction et lui-même « n’avait rien à voir dans le transfert » , s’empresse-t-il de préciser. « J’ai tout oublié. Je n’ai plus en tête ce qu’il s’est passé il y a dix ou douze ans », dit-il avant de raccrocher.

Chez Legend Mining Ltd. − qui s’est retiré en 2014 du projet de fer Ngovayang au profit du géant indien de l’acier Jindal Steel and Power Ltd. −, l’actuel directeur général Mark Wilson explique que l’entreprise « n’avait pas connaissance de l’emploi ou de la situation matrimoniale » de Marie Gisèle Minlo Momo. « C’est impossible à croire, ils ne pouvaient pas l’ignorer », estime Landry Chekoua, chargé du programme mines, biodiversité et énergie de l’ONG camerounaise Forêt et développement rural (Foder) qui enquête sur le secteur minier camerounais depuis de nombreuses années.

« Diligence raisonnable »

Selon lui, lorsqu’une entreprise étrangère s’installe au Cameroun pour un projet minier, elle crée une société de droit camerounais ou achète des parts dans une entreprise locale appartenant « le plus souvent aux pontes du régime, des ministres, des députés, des sénateurs, des proches du président de la République, qui se sont accaparés des permis miniers ».

Tout le secteur serait ainsi gangrené par « les trafics d’influence et la corruption », déplore l’expert. De fait, au Cameroun, pays régulièrement classé par Transparency International parmi les plus corrompus au monde, de nombreux ministres, des membres de leur famille, des directeurs généraux d’entreprises publiques, sont aujourd’hui emprisonnés pour avoir détourné des deniers publics. Pourtant, selon l’article 66 de la Constitution camerounaise, ces officiels sont obligés de déclarer leurs biens au début et à la fin de leur mandat. Une règle dont le décret d’application tarde à être publié, ce qui favorise les malversations. De plus,« la loi n’impose pas à un ministre de déclarer l’intérêt d’un proche dans un projet minier », regrette Landry.

De nombreuses questions restent en suspens. Marie Gisèle Minlo Momo a-t-elle obtenu ses parts du fait de la position de pouvoir qu’occupait alors son mari ? Les permis ont-ils été accordés à Camina SA en contrepartie d’une vente des actions à l’épouse du ministre ? Quels étaient ses liens avec Thérèse Edima ? Interrogée par Le Monde Afrique, Mme Momo, qui est par ailleurs promotrice de Gold Label Mining, une société exploitant de l’or dans la région Est du Cameroun, a assuré n’être « plus dans cette affaire » et promis de donner plus de détails après « avoir demandé conseil ». Mais elle n’a plus répondu à nos appels.

Quant à Guillaume Neou Tela, directeur général de Camina SA, il n’a pas donné suite à nos multiples sollicitations. Ce chef traditionnel de la région Ouest était pourtant l’un des témoins de la transaction entre l’épouse de l’ancien ministre des mines et Thérèse Edima. « Cette affaire est emblématique de l’opacité qui règne dans le secteur des matières premières. Il est d’autant plus déplorable qu’une société minière australienne ne prenne pas la peine de faire preuve de diligence raisonnable et affirme de manière flagrante qu’elle n’a pas la responsabilité de vérifier si son argent pourrait alimenter des réseaux de corruption », regrette Adria Budry Carbo, enquêteur sur les réseaux des matières premières à l’ONG Public Eye.

Le titre est de la rédaction

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