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Une attaque au couteau à Sourgout et la Russie refuse de parler de « terrorisme »

L’État islamique a revendiqué l’attaque au couteau de Sourgout, samedi 19 août. Mais Moscou refuse de parler d’attentat. Pourquoi ? Éléments de réponse avec Arnaud Dubien, directeur de l’Observatoire franco-russe.

L’attentat de Saint-Pétersbourg en Russie est encore dans les mémoires. Une bombe explose le 3 avril 2017 dans une station de métro. Elle fait 14 morts et 53 blessés. L’attaque est revendiquée au nom d’Al-Qaida et traitée comme un attentat par les services russes.

Samedi 19 août, un assaillant attaque au couteau des passants à Sourgout, en Sibérie occidentale, et blesse 8 personnes. L’État islamique revendique quelques heures plus tard l’attaque. Mais les services russes rechignent à évoquer la piste terroriste.

Hormis les attentats de grande ampleur, scrutés par les médias internationaux, la Russie renâcle à qualifier les attentats comme tels. Pourquoi ce mot rebute-t-il les Russes ? Éléments de réponse avec Arnaud Dubien, directeur de l’Observatoire franco-russe et chercheur associé à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris).

Pourquoi la Russie ne considère pas l’attaque de Sourgout comme un attentat malgré la revendication de l’État islamique ?

Il peut y avoir un doute sur le profil et sur les motivations de l’assaillant. Le mode opératoire – une attaque au couteau – est en outre assez nouveau en Russie. Ceci dit, l’État islamique est très actif dans le Caucase du Nord. Or, le jeune homme tué par la police à Sourgout serait natif du Daghestan, où Daech a déjà perpétré des attaques. La présomption est donc forte, mais il n’y a pas, à ce stade, de certitude. Envisager toutes les pistes permet en outre aux autorités de peaufiner leurs éléments de langage et leur stratégie de communication ultérieure. Car il n’est pas exclu que d’ici quelques jours, la piste terroriste soit privilégiée et reconnue. Il ne s’agit donc forcément d’une volonté de dissimulation de la part de la Russie.

Pourtant, l’attaque a été évoquée de façon très anecdotique dans les médias et par les agences de presse.

C’est vrai qu’elle a été peu mise en avant dans les médias, alors que d’autres attentats comme celui de l’Airbus ayant explosé au-dessus du Sinaï en 2015 ou celui du métro de Saint-Pétersbourg en mars dernier avaient fait les gros titres. Mais avec les réseaux sociaux, l’information a circulé et les Russes sont au courant de ce qui s’est passé à Sourgout ; ils sont, dans leur majorité, convaincus que c’est l’œuvre des islamistes.

Il faut rappeler une évidence : la transparence n’est pas l’inclination première des autorités russes. D’autant qu’un nouvel attentat meurtrier mettrait en évidence les failles du système de sécurité nationale. Or, la légitimité du pouvoir actuel et de Vladimir Poutine en particulier s’est construite en partie sur sa capacité à restaurer l’ordre et à éradiquer le terrorisme. Il s’est d’ailleurs beaucoup appuyé sur le traitement médiatique du conflit en Tchétchénie.

La dimension géographique entre également en ligne de compte. Sourgout, c’est la Sibérie occidentale, très loin du Caucase. Admettre la piste terroriste signifierait que la menace islamique dépasse désormais ses bastions connus. Au demeurant, ce n’est pas totalement une surprise. Le directeur du FSB (service fédéral de sécurité) avait signalé, ces derniers mois, que des cellules de l’État islamique avaient été démantelées à Sakhaline, en Extrême-Orient. Mais ces déclarations étaient passées relativement inaperçues en l’absence d’attentat.

Pour la Russie, un attentat sur son sol, c’est un aveu de faiblesse ?

Un aveu d’échec, assurément, et le rappel d’une grande vulnérabilité. La gêne des autorités russes dans cette affaire s’explique aussi sans doute par l’approche de deux échéances majeures : la présidentielle de mars 2018 et la Coupe du Monde football de l’été prochain. De nouveaux attentats ne seraient pas du meilleur effet pour l’image de Vladimir Poutine et celle de la Russie en général.

Mondial-2018: Sorokine veut « montrer la Russie sous son meilleur jour » Quelles sont justement les menaces terroristes auxquelles doivent faire face les Russes ?

Il y a trois grands théâtres qui font remonter la menace terroriste vers la Russie : le Caucase, l’Asie centrale (Afghanistan compris) et le Moyen-Orient. En Tchétchénie, la situation est en apparence « normalisée » : Moscou sous-traite la répression à Ramzan Kadyrov, président de la Tchétchénie, qui a par ailleurs toute latitude pour régner comme il l’entend sur la République et reçoit de généreuses prébendes du Centre. Mais la situation est fragile : de nombreux jeunes partis en Syrie vont chercher à revenir au pays après la chute probable de Raqqa et Deir-Ez-Zor. Le Daghestan reste instable et exposé.

Le deuxième risque pour la Russie est lié à la possible présence sur son territoire d’éléments radicalisés parmi les travailleurs immigrés d’Asie centrale – kirghizes, Ouzbeks et Tadjiks pour l’essentiel. Enfin, l’État islamique a déjà frappé – et cherchera encore à la faire – la Russie au Moyen-Orient. L’Égypte et la Turquie, destinations prisées des touristes russes, sont des cibles assez évidentes. Car l’intervention militaire russe est fortement dénoncée par l’État islamique.

Lorsque ses intérêts sont attaqués, comment réagit la Russie ?

La Russie organise la riposte en fonction des théâtres d’opération concernés. Au Caucase du Nord, elle est sur son territoire. La dimension répressive y est très forte. En Asie centrale, c’est un peu différent ; il y a les accords de coopération avec les États de la zone, comme l’Ouzbékistan et le Kirghizstan. Moscou dispose également de bases dans la région. En Syrie, la Russie riposte militairement contre l’État islamique. Elle nourrit aussi une coopération très étroite avec les services de renseignement des pays de la région, notamment avec l’Iran, l’Irak, la Jordanie et l’Égypte. Les réponses de la Russie sont finalement assez classiques, mais elle s’adapte aux terrains concernés.

Propos recueillis par Justine Benoit

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