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Sommet des deux Corées : Kim Jong-un reste ambigu sur la dénucléarisation

Le Nord et le Sud pourraient signer une déclaration de paix. Mais le despote reste ambigu sur la dénucléarisation.

Pour se rendre vendredi 27 avril à son sommet historique avec Kim Jong-un, à Panmunjon, dans la zone démilitarisée qui sépare les deux Corées, le président sud-coréen Moon Jae-in doit parcourir moins de 50 km à vol d’oiseau, quelques minutes en hélicoptère en partant de Séoul.

Cette courte distance entre la capitale moderne de la Corée du Sud et la frontière la plus militarisée au monde est assurément un des éléments clé de l’équation coréenne. Qu’un conflit éclate entre les deux frères ennemis séparés depuis sept décennies, et les millions d’habitants de Séoul se retrouveraient sous le feu des armes du Nord, comme pendant la guerre de 1950-1953 où la ville changea plusieurs fois de mains.

Depuis 1953, la menace de guerre n’a jamais disparu de la péninsule coréenne, ne serait-ce que parce que le premier vrai conflit de la guerre froide n’a jamais été conclu par un traité de paix formel, ni avec la Corée du Sud ni avec les États-Unis dont l’intervention militaire avait empêché le Sud de tomber sous la coupe de Kim Il-sung, le grand-père de l’actuel dictateur nord-coréen et fondateur de ce communisme dynastique unique au monde.

L’arsenal ne sera pas abandonné

Si le sommet de Panmunjon est réellement historique, il n’est pas le premier entre les deux Corées. Kim Jong-il, qui avait succédé à son père à la tête de la République populaire et démocratique de Corée, avait rencontré deux présidents sud-coréens : en 2000 Kim Dae-jung, l’ancien dissident condamné à mort par la junte militaire devenu chef de l’État, puis, en 2007, Roh Moo-hyun.

Séoul avait alors tenté la « Sunshine policy », la « politique du rayon de soleil », une main tendue du Sud au Nord fondée sur une aide économique de la puissante Corée du Sud en échange d’un renoncement du Nord à l’arme nucléaire et à sa posture menaçante.

Le « rayon de soleil » n’avait pas suffi à réchauffer les relations inter-coréennes, et Pyongyang a poursuivi son programme nucléaire, au point d’être aujourd’hui en possession d’un arsenal d’armes nucléaires testé, et d’être engagé dans un programme de missiles balistiques dont les progrès sont tels qu’il ne lui faudra pas trop longtemps pour menacer les États-Unis avec des charges nucléaires.

Il y a encore quelques semaines, la confrontation semblait quasiment inévitable entre un Kim Jong-un solidement installé dans la posture du défi, et un Donald Trump prêt à en découdre, d’abord à coups de tweets avant de passer à des choses plus sérieuses.

Le coup de théâtre est venu d’un brusque réchauffement lors des jeux Olympiques d’hiver qui se tenaient opportunément en février en Corée du Sud, et qui ont permis des gestes symboliques importants entre les deux voisins coréens. Défilé commun, équipe de hockey commune, participation de la sœur de Kim Jong-un aux cérémonies olympiques à quelques mètres seulement du vice-président américain Mike Spence imperturbable…

Ce qui aurait pu être une simple trêve olympique s’est transformé en initiative de paix. Les contacts directs entre le Nord et le Sud se sont poursuivis, débouchant sur une brusque accélération du front diplomatique tous azimuts :

– Annonce du sommet Nord-Sud de vendredi entre Kim Jong-un et Moon Jae-in, qui aura exceptionnellement lieu dans un bâtiment situé du côté sud-coréen de la zone démilitarisée, les premiers pas du dirigeant nord-coréen de l’autre côté de la frontière…

– Annonce d’un sommet à venir entre Donald Trump et Kim Jong-un, accepté en quelques secondes par le président américain lorsque le chef des services secrets sud-coréens est venu lui transmettre la disponibilité de Pyongyang. Depuis, le patron de la CIA Mike Pompeo s’est rendu en Corée du Nord, rendant vraisemblable la tenue de cet étonnant sommet ;

– Visite surprise – en train – de Kim Jong-un à Pékin, auprès du puissant et ombrageux voisin chinois, qui n’entend pas assister sans avoir son mot à dire à ces événements en cascade. Rappelons que l’armée chinoise a sauvé la Corée du Nord pendant la guerre de Corée, et qu’elle est aujourd’hui son seul protecteur ambigu.

La première étape de cet édifice diplomatique destiné, au minimum, à éviter tout conflit sur la péninsule coréenne, a donc lieu ce vendredi à Panmunjon. Ce sera le premier vrai test de l’état d’esprit du dirigeant nord-coréen, dont les proclamations de détente suscitent une profonde méfiance en raison des précédents échaudés.

Les attentes sont limitées, pas question, par exemple, d’ouverture des frontières, et encore moins d’une réunification coréenne qui n’est absolument pas à l’ordre du jour et à laquelle la population sud-coréenne ne tient plus vraiment…

Retour à la case départ ?

L’objectif de Séoul, dont on ignore s’il est partagé par Pyongyang, serait que le sommet débouche sur l’annonce de la négociation d’un traité ou d’un accord de paix entre les deux Corées. La péninsule pourrait ainsi tourner la page douloureuse ouverte en 1948 par la coupure du pays en deux États, puis par la guerre avec son cortège de morts, de familles séparées, et une méfiance bien ancrée pendant des décennies.

Une paix sur le papier permettrait alors de négocier des mesures de confiance qui changeraient l’atmosphère sur la péninsule, de baisser le niveau de militarisation de part et d’autre, d’entamer une véritable coopération économique, et plus si affinités.

Mais il y a encore bien du chemin à parcourir. Car nul ne sait, ni à Séoul, ni à Washington, ni à Pékin, ce que Kim Jong-un a derrière la tête. Ce jeune despote a-t-il réellement choisi la « voie chinoise », c’est-à-dire l’ouverture économique dont on commence à voir les premiers fruits à Pyongyang, doublée d’une coexistence pacifique avec ses ennemis d’hier, sans rien lâcher sur la nature du régime et son pouvoir absolu sur la population ?

C’est le scénario optimiste, qui aurait pour avantage d’éviter une guerre désastreuse, mais pour inconvénient de laisser les millions de Nord-Coréens dans l’oppression la plus grande, sans espoir de changement.

Mais peu de « Korea watchers », c’est-à-dire d’experts tentant de décrypter les signaux de fumée de Pyongyang, croient réellement que Kim Jong-un a réellement l’intention de dénucléariser, c’est-à-dire de se débarrasser de ce qui constituait jusqu’ici l’assurance-vie de son régime. Si tel est le cas, ce nouveau tour de piste diplomatique finira comme les précédents, par un retour à la case départ, laissant la menace de guerre planer sur cette péninsule divisée.

Pierre Haski

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