Il y a dix ans, le 19 août 2006, Abidjan la capitale économique ivoirienne se réveillait dans une puanteur insoutenable. Une odeur mortelle de produits déversés par le « navire poubelle » Probo Koala, dans différents sites de la ville. L’un des plus gros scandales environnementaux d’Afrique débutait, scandale dont la Côte d’Ivoire se remet aujourd’hui encore péniblement.
Il y a dix ans la puanteur dégagée par les déchets du Probo Koala, les épidémies de nausées, de diarrhées, les démangeaisons de peaux et les infections oculaires étaient telles que ceux qui en avaient les moyens fuyaient Abidjan pour échapper à une catastrophe écologique sans précédent en Côte d’Ivoire.
Au total, 550 tonnes de déchets toxiques, dérivés du pétrole, ont été déversées autour d’Abidjan par une société de négoce peu regardante, Trafigura, et une entreprise de retraitement véreuse, Tommy.
Le bilan de 17 morts, 34 400 empoisonnements, et probablement des dizaines de milliers d’autres cas non officiels laissent encore un goût amer dans la gorge des Abidjanais. Un goût autrement plus acre que le cloaque mortel d’oxyde de sodium ou d’hydrogène sulfuré répandu dans dix-sept sites autour de la capitale économique ivoirienne.
Difficile indemnisation
Dix ans plus tard : les dizaines de millions d’euros, qui sont en jeu au titre de l’indemnisation des victimes, sont distribués de manière aléatoire et on ne compte plus les tentatives d’arnaques et fraudes aux indemnités.
Trafigura est parvenue à un accord avec l’Etat ivoirien en 2007 et devait verser une somme de 152 millions d’euros pour nettoyer les sites et indemniser les victimes contre l’abandon des poursuites par Abidjan. Mais aujourd’hui, cette manne n’est pas intégralement redistribuée aux victimes. « Cet argent n’a pas servi uniquement aux victimes, déplore Drissa Traoré, avocat et vice-président la FIDH. Je ne veux pas dire qu’il y a eu des intermédiaires, mais il y a également des centres de santé qui ont été réhabilités, il y a eu des routes qui ont été refaites avec cet argent-là dans un certain nombre de quartiers, comme à Yopougon et à Koumassi. Puis l’indemnisation a commencé, mais on ne sait pas où elle s’est achevée. »
De plus, des ONG regrettent que seuls quelques responsables de second rang aient été condamnés dans ce scandale environnemental. « La procédure pénale est en cours, [mais] aucun responsable de Trafigura n’a vu sa responsabilité retenue, regrette encore Drissa Traoré. C’est seulement, j’allais dire, quelques sous-fifres qui ont eu à avoir des condamnations. Mais les procédures se poursuivent toujours. »
Surtout, à Abidjan, on continue à s’interroger sur les dégâts sanitaires à long terme : le ministère de la Santé note une hausse des cancers dans les zones concernées et certaines malformations à la naissance laissent perplexes.
Seul motif de satisfaction, les autorités ivoiriennes assurent que depuis 2015, les sites pollués sont désormais totalement assainis, neuf ans après les faits.
Comments
0 comments