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Littérature : l’écrivain camerounais Max Lobe, lauréat du prix Kourouma 2017

Etabli depuis quinze ans à Genève, le romancier regrette de ne pouvoir être fier de son pays dont le président, Paul Biya, est justement un grand amateur des palaces genevois.

Au Salon du livre de Genève, l’écrivain d’origine camerounaise Max Lobe est connu comme le loup blanc. Il suffit pour s’en convaincre de le voir évoluer entre les différentes scènes, passer d’un stand à l’autre. Écrivains, éditeurs ou ses nombreux lecteurs l’interpellent au passage pour un brin de causette, le saluent chaleureusement. Et lui, affable, charmant, un mot gentil pour chacun, ne boude pas son plaisir : ce Salon du livre, c’est un peu chez lui.

Responsable de la programmation de la « Place suisse » du Salon pendant plusieurs années, il y anime à nouveau débats et rencontres. Et ce vendredi 28 avril, sur la scène du Salon africain du livre, il reçoit le prix littéraire Ahmadou-Kourouma, pour Confidences (éditions Zoé). Un livre magnifique, intense et flamboyant, comme son auteur, qui nous emmène sur les traces de Ruben Um Nyobé, figure marquante de la lutte pour l’indépendance du Cameroun dans les années 1950.

Comme si, en Afrique, rien ne changeait

« Que ce prix soit remis cette année à un auteur genevois prouve que la littérature africaine francophone se fait également ailleurs qu’à Paris ou Bruxelles », lâche dans un éclat de rire celui qui vit depuis plusieurs années dans cette ville, qu’il met en scène avec humour et empathie dans ses deux derniers livres, 39, rue de Berne et La Trinité bantoue, publiés aux éditions Zoé, à Genève. Il avoue que, depuis qu’il écrit, les distinctions qui lui font le plus envie sont le prix des Cinq continents de la francophonie (dont il a été à trois reprises l’un des dix finalistes) et le prix Ahmadou-Kourouma.

Car Max Lobe est un grand admirateur de l’écrivain ivoirien décédé en 2003. Ce qui le sidère aussi c’est le sentiment, des décennies plus tard, d’écrire sur les mêmes thèmes que son illustre prédécesseur, et d’autres écrivains des années 1950 et 1960. Comme si, en Afrique, rien ne changeait jamais. « Moi, j’apporte juste la touche XXIe siècle, la génération X, Y, Z 2.0. Mais, sur le fond, c’est la même chose : les dictateurs aux ordres des anciennes puissances coloniales, les privations de libertés, le pillage des matières premières. »

Lorsqu’il entend les députés de tel ou tel pays européen vouloir augmenter l’aide au développement pour freiner l’afflux de migrants, il hausse les épaules. « On ne demande pas la charité. Chacun sait où se situent les problèmes », lance-t-il en rappelant que « Papa », comme il surnomme le président du Cameroun Paul Biya, séjourne chaque année durant des mois à l’hôtel Intercontinental de Genève. « J’ai étudié en Suisse où je vis depuis près de quinze ans. Mais j’aurais voulu avoir le choix de rester chez moi », dit-il avec gravité.

Découvrir en exil l’histoire de son propre pays

A force de sillonner le monde entier pour représenter la Confédération lors d’événements culturels, il a parfois le sentiment d’être devenu « plus suisse que suisse ». « Même si on a une double nationalité, on devrait pouvoir être fier de son pays d’origine. Or jamais on ne m’en a donné l’occasion », déplore-t-il. Pour Confidences, il a passé plusieurs mois au Cameroun. Et raconte, en termes choisis, le « sentiment d’amour indescriptible » qui le submerge lorsqu’il arrive à Douala puis, peu à peu, l’agacement face au bruit, à la saleté, à la chaleur, l’envie de rentrer à Genève. Puis à la veille du retour lui vient de désir de prolonger son séjour, de ne plus quitter son pays d’origine. « Nous sommes tous parcourus par deux ou trois identités, mais cela ne fait pas forcément de vous un citoyen du monde », insiste-t-il, visiblement agacé par ce concept à la mode.

Max Lobe serait très heureux si son livre Confidences, qui met en scène de grandes figures de l’histoire du Cameroun, pouvait être intégré aux programmes scolaires et vendu à un prix abordable dans son pays. Une manière d’initier ses compatriotes à une histoire contemporaine qu’il a lui-même découverte en vivant en Europe. « C’est important de savoir d’où l’on vient, où l’on va », estime-t-il. Lors de son dernier séjour au Cameroun en 2016, il s’était rendu dans le nord du pays, dans les régions où sévit Boko Haram, et en avait tiré trois chroniques pour Le Monde Afrique. C’est aussi la trame de son prochain livre.

Le Cameroun face au terrorisme (1/3) :   Comment rallier le Nord, par Max Lobe

Le Cameroun face au terrorisme (2/3) :   La bombe à retardement de Minawao, par Max Lobe

Le Cameroun face au terrorisme (3/3) :   Le silence du président Biya, par Max Lobe

Le Monde Afrique est partenaire du prix Ahmadou Kourouma

Catherine Morand

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