Dans la dernière ligne droite vers la présidence de la République, George Weah a comme principal atout les jeunes qui se démènent sur les réseaux sociaux pour leur champion.
Loin des scènes de frénésie des meetings de la tournée préprésidentielle, ils sont des dizaines à venir à la nuit tombée au centre de campagne de la Coalition pour le changement démocratique (CDC). Ce n’est pas qu’ils attendent le discours de George Weah ou même sa venue, ils viennent juste pour s’asseoir et discuter politique. « Nous sommes comme une famille, nous venons juste pour être ensemble », dit un jeune supporter de Weah pas loin d’autres soutiens à Mister George qui déambulent ou se regroupent autour des vendeurs ambulants.
Un rituel des jeunes supporteurs : se retrouver au siège du parti de Weah
Leo en a fait un rituel. Depuis presque un mois, il vient chaque soir à ce point de ralliement. Les résultats partiels de vendredi qui créditent l’ancien Ballon d’or d’une légère avance sur le parti présidentiel (Unity Party) – 39 % contre 31 % pour Joseph Boakai – n’ont pas entamé ses convictions. « Ce n’est qu’un début. Cette année, il va être élu dès le premier tour », dit-il. Dans l’obscurité de l’immense terrain, quelques ampoules éclairent l’herbe rare et le sable. À l’entrée, les portraits de George Weah et Jewel Howard-Taylor – qui postule aux fonctions de vice-présidente – sont affichés sur le côté d’un semi-remorque. Et deux larges scènes se font face de part et d’autre de la propriété située sur une des artères principales de la ville.
Discours sur fond d’opposition historique entre autochtones et affranchis
Même si les jeunes constituent la majorité des partisans présents, ils s’effacent pourtant pour laisser la parole aux plus âgés. Les débats sont parfois houleux : harangue, ton exalté et index levé. Damon, 40 ans, s’enflamme : « Nous souffrons, nous sommes les esclaves de notre pays » – des mots à forte résonance au Liberia où, dès leur arrivée en 1822, les esclaves affranchis venus des États-Unis ont capté le pouvoir et infligé aux populations autochtones le travail forcé. L’antagonisme entre les deux communautés, terreau de lutte de pouvoir depuis 1980 et des deux guerres civiles (1989-2003), perdure dans la société libérienne. « La vision de partage de la CDC est la seule voie », lance-t-il encore. Tous acquiescent. L’éducation gratuite et la création d’emplois sont des arguments qui ont su convaincre. L’accès à l’énergie et la réduction des prix des produits alimentaires font également partie des revendications. « Nous souhaitons juste pouvoir manger trois fois par jour. En ce moment, nous devons plutôt nous contenter d’un seul repas », affirme encore le quadragénaire dont le ton ne faiblit pas.
Réseaux sociaux, rues : les terrains pour supporter Weah ne manquent pas
Sur les réseaux sociaux, les jeunes partisans de l’ancien international de football postent régulièrement des messages et vidéos de soutien. « Pourquoi George Weah est le meilleur », explique en un peu plus d’une minute un internaute sur la page Facebook de la CDC. Les groupes se forment avec plus ou moins de réussite. La Ligue nationale révolutionnaire de la jeunesse du CDC (RNYL) compte près de 1 600 membres sur sa page. Mais le public est restreint et le support s’adresse finalement plus aux soutiens internationaux qu’aux Libériens. Il y a des groupes pas seulement dans les réseaux sociaux, mais aussi dans les rues de Monrovia, et ce, de manière plus spontanée. À Elwa Junction, Tonny G. et sept jeunes du quartier ont formé Les amis de Weah. Pendant la campagne présidentielle, comme de nombreux autres groupes, ils ont arpenté les rues, frappé aux portes et interpellé la population au marché. « On leur a expliqué pourquoi Weah était le candidat qui pouvait amener un réel changement », dit-il.
Le jeune homme de 32 ans déplore n’avoir toujours pas de situation. « Je suis diplômé et, pourtant, je vis de petits boulots que je trouve de temps en temps. La jeunesse n’a pas de perspective au Liberia », poursuit-il. Devant le vidéoclub de son frère aîné, où il passe son dimanche après-midi, il gère les flux des spectateurs venus visionner la sélection du moment sur deux petites télévisions. Une salle projette des films américains et l’autre, au fond sous un plafond de tôles, des productions africaines. Pour 40 dollars libériens (30 centimes d’euro environ), les Monroviens peuvent s’y divertir pendant deux heures.
Les supporteurs de Boakaï, Cummings et Brumskine sont aussi là
Aujourd’hui, les marches en pierre de la principale pièce obscure sont bondées. Le film africain a moins de succès. Les tee-shirts de Joseph Boakai, de Charles Brumskine ou d’Alexander Cummings sont les plus visibles parmi la foule. « Des partisans de Charles Brumskine sont venus dans le quartier ; ils ont distribué des dizaines de tee-shirts et même de l’argent, 200 dollars américains (170 euros). On l’a pris, bien sûr, mais on a marché et voté pour la CDC », sourit Tonny. Il espère toujours que son « frère » Weah passe au premier tour, mais, si ce n’est pas le cas, le jeune homme l’assure : « Nous retournerons sur les marchés pour faire du porte-à-porte. Nous sommes fatigués de la situation au Liberia. Nous n’accepterons pas l’Unity Party six ans de plus. » Maintenant qu’un duel Boakaï-Weah se profile au second tour, il n’y a pas de doute qu’il va falloir remettre de l’énergie dans la campagne… pour que Mister George accède enfin à la présidence de la République du Liberia.
Par Cécile Brajeul
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