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Jean-Yves Ollivier : « Seule l’Union africaine est capable de faire renaître la Libye de ses cendres »

Président de la Fondation Brazzaville, Jean-Yves Ollivier plaide pour le plan de paix de l’organisation panafricaine prônant la mise en place de nouveaux organes de transition.

Sous le pays plongé dans le chaos, l’ex-Jamahiriya de Kadhafi, ces anciennes provinces ottomanes – la Tripolitaine, la Cyrénaïque et le Fezzan – que seule la tutelle étrangère unifiait, perce enfin une Libye nouvelle. Elle sera unie, démocratique et prospère à condition d’être la Libye des Libyens. Elle verra le jour dans les semaines à venir si la feuille de route proposée par l’Union africaine (UA) parvient à relayer des initiatives jusqu’ici éparpillées et parfois rivales et, surtout, si elle répond à la profonde aspiration à la paix d’une population qui a trop souffert. Les Libyens n’en peuvent plus du règne de l’arbitraire et des pénuries.

J’entends bien le chœur des incrédules, le faux rire des désabusés. N’y a-t-il pas trop en jeu pour qu’on laisse « 6 millions de Bédouins sans expérience de gouvernance » décider de leur sort ? D’autant que leur sort est lié à notre lutte contre le terrorisme islamiste, à la menace qu’un grand nombre de migrants en attente en Libye fait peser sur la rive nord de la Méditerranée, sans parler des richesses convoitées que sont le pétrole et le gaz libyens. Justement !

Je renverse le raisonnement : pour ne pas dégénérer en problèmes insolubles, ces enjeux de première importance requièrent, en face, un partenaire fiable. Par exemple, l’accord que l’UE a signé avec Tripoli, le 3 février, pour co-gérer les flux migratoires reste lettre morte, faute d’emprise sur le terrain du gouvernement reconnu par la communauté internationale. Bien pire, il place l’Europe devant le dilemme d’être soit submergée soit moralement responsable des noyés du désespoir et des migrants « bouclés » en Libye, souvent dans des conditions inacceptables.

Un banc d’essai régional

Aussi, dans la liste des enjeux internationaux, manque l’avenir du monde arabe. Il faut avoir la mémoire bien courte pour oublier que la Libye s’inscrit dans ce contexte. La chute du colonel Kadhafi a fait partie du « printemps arabe » et la lutte entre les forces de démocratisation et les partisans d’une restauration autoritaire se poursuit plus âprement que jamais, même si ce n’est plus dans la « rue arabe ».

La Libye, malgré ses particularités, a toujours été un banc d’essai régional. Le Kadhafi de la fin éclipse le fringant officier de 27 ans qui prit le pouvoir en 1969 à la tête d’un Conseil révolutionnaire calqué sur le modèle nassérien. Puis, quand le rêve panarabe était épuisé, la Libye s’est transformée en laboratoire panafricain. L’acte de naissance de l’UA a été signé en 1999 à Syrte.

L’Afrique, notamment sahélienne, a autant souffert des convulsions libyennes que les Libyens eux-mêmes. Il suffit de penser au Mali, la principale victime collatérale mais loin d’être la seule.

Mais l’on aurait tort d’en tirer argument pour sanctifier, a posteriori, « l’Etat des masses ». Il était à bout de souffle en 2011. Le présent n’avait plus d’avenir en Libye. Pour autant, nul besoin de diaboliser en bloc les quarante-deux années du pouvoir de Mouammar Kadhafi. S’il n’y avait qu’un acquis à en retenir, ce serait le sentiment d’unité nationale que, malgré tout, ce long règne a permis de faire éclore. Là encore, pas de fausse naïveté : le pétrole, qui coule à flot depuis les années 1970, a subventionné le sentiment d’appartenance des rentiers de l’or noir.

Consensus en huit points

Alors, quel est le plan que je soutiens de toutes mes forces ? Il part d’un consensus en huit points, qui engage la vaste majorité des Libyens : une Libye unitaire, un seul gouvernement, une armée nationale soumise à l’autorité civile, le désarmement des milices, une justice indépendante, une amnistie générale, le retour des exilés, des élections libres dans les meilleurs délais.

Si besoin, une force de paix de l’UA pourra sécuriser, dans un premier temps, ces piliers d’une stabilité retrouvée. Dans l’immédiat, un « comité des sages » – une quarantaine de personnalités respectées, de tous horizons – devra accréditer les 400 à 500 délégués d’une conférence nationale qui pourra se réunir à Dakar, au Sénégal, pour mettre en place les organes de transition, notamment un gouvernement d’union nationale. Ces instances prendront la relève de celles issues de l’accord de Skhirat conclu, en décembre 2015, sous l’égide de l’ONU. Il expire à la fin de l’année.

Depuis de longs mois, j’œuvre en coulisses pour cette feuille de route. Elle traduit dans les faits le plan de paix de l’UA, placé sous l’autorité de son président en exercice, le Guinéen Alpha Condé, et piloté par un comité de dix chefs d’Etat que préside le Congolais Denis Sassou-Nguesso.

J’ai rencontré de nombreux acteurs libyens, sans exclusive, « l’islamiste nationaliste » Abdelhakim Belhadj aussi bien que « le kadhafiste » Bachir Saleh. Mieux, ceux-ci se sont rencontrés pour confirmer leur adhésion à ce plan de paix. Samedi 9 septembre, le président Sassou-Nguesso a réuni, à Brazzaville, le chef du Conseil présidentiel, Fayez Al-Sarraj, le commandant de l’armée nationale et d’autres acteurs de la crise libyenne. Tout est fin prêt pour que l’UA officialise sa démarche, idéalement en marge de l’Assemblée générale des Nations unies qui se tient cette semaine à New York. Un mouvement d’opinion, confiant en l’avenir de la Libye, lui faciliterait grandement la tâche.

Jean-Yves Ollivier

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