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Internet au Cameroun : la « Silicon Mountain » en perte de vitesse à cause de crise Anglophone

Plusieurs start-up camerounaises installées dans la « Silicon Moutain » s’inquiètent de la coupure d’internet qui dure maintenant depuis maintenant près de trois mois dans deux des régions anglophones du pays. Une conséquence directe du conflit entre le pouvoir central et sa minorité linguistique.

C’est l’une des coupures d’internet les plus longues jamais enregistrées en Afrique. Depuis le 17 janvier dernier, les quatre opérateurs présents au Cameroun, dont le sud-africain MTN et le français Orange, ont prévenu leurs abonnés du nord-ouest et du sud-ouest que les services internet n’étaient plus disponibles dans ces régions pour des raisons « indépendantes de [leur] volonté ».

« Ce n’est qu’une question de patience »

Après deux mois de silence, la ministre des Télécommunications a laissé entendre fin mars que les autorités étaient à l’origine de cette interruption. Une tentative pour le pouvoir d’étouffer les vives contestations qui animent les deux régions anglophones du pays, se traduisant depuis novembre 2016 par de nombreuses grèves et appels à des journées « villes mortes ». « Il y a des situations désagréables pour lesquelles certaines décisions sont prises. Tout est mis en œuvre pour que la sérénité revienne, qu’internet soit disponible partout. Ce n’est qu’une question de patience », avait ainsi déclaré fin mars la ministre, Minette Libom Li Likeng, dans la presse camerounaise.

Les entrepreneurs parmi les plus touchés

Mais les entrepreneurs de ces deux régions frontalières du Nigeria, surnommées « Silicon Mountain » en raison de la proximité du mont Cameroun et des multiples start-ups qu’elles accueillent, commencent à perdre patience. Avant la coupure, près de cinq « jeunes pousses » se créaient chaque mois à Buéa, la capitale du sud-ouest, à 53 km de Douala. Churchill Mambe, propriétaire de la start-up Njorku, spécialisée dans des offres d’emploi et de services hôteliers assure que beaucoup d’entrepreneurs subissent des pertes d’argent et n’arrivent plus à travailler avec leurs clients à l’étranger. « Cela dérange tout le monde » assure-t-il.

Déménager son lieu de travail

Pour retrouver du réseau, Churchill a déménagé son lieu de travail à 50 km de Buéa, vers Bonako, première ville de la région littorale voisine, à la frontière du « Cameroun connecté ». « Tous les jours, on doit conduire de Buéa jusqu’ici. Cela fait environ 40 minutes. C’est le seul moyen moins cher qu’on a trouvé parce qu’avant, on allait à Douala travailler, c’était tellement cher… », poursuit celui qui a vu son entreprise être sélectionnée fin 2016 parmi les 20 meilleures start-ups africaines du magazine Forbes.

Une perte de 2,69 millions d’euros à l’économie camerounaise

Pour Ashley Difo, un autre entrepreneur du numérique installé dans la région, les temps de trajets font perdre beaucoup trop de temps. « Je voudrais qu’internet soit restauré parce que quitter Buéa pour Bonako, ici, n’est pas facile. Six heures pour travailler, ce n’est pas évident », soupire-t-il. Son collègue Valery Colonge estime que les autorités n’auraient dû couper que les réseaux sociaux, comme Facebook et Twitter pour « enrayer l’échange d’informations » et « laisser internet pour nous permettre de travailler ».

Selon l’ONG française Internet sans frontières, en 60 jours, cette coupure a « déjà coûté 2,69 millions d’euros à l’économie camerounaise ». L’organisation a par ailleurs interpellé les 11 candidats à l’élection présidentielle française de mai dans une lettre ouverte publiée la semaine dernière dans le journal Le Monde. « La coupure internet dans le nord-ouest et le sud-ouest du Cameroun constitue une violation par le gouvernement du droit international sur la liberté d’expression, la liberté d’association, le droit à l’information et la liberté de la presse. Depuis la coupure internet, les autorités camerounaises ont multiplié les arrestations, notamment d’avocats et de journalistes », écrit-elle.

Une trentaine de responsables anglophones jugés

Lancée en novembre par des professeurs et des juristes, la contestation anglophone revendique le retour au fédéralisme en faveur des deux régions ou, pour une minorité, le séparatisme, avec la création d’un nouvel État.

Mais celle-ci a été durement réprimée. Selon les chiffres officiels, le gouvernement a déjà arrêté plus de 80 personnes. Une organisation favorable au fédéralisme, le Cameroon Anglophone Civil Society Consortium (CACSC), a également été interdite en janvier et une trentaine de responsables anglophones ont comparu le 23 mars devant le tribunal militaire de Yaoundé, notamment pour « terrorisme ».

Une augmentation inquiétante des coupures d’internet en Afrique

La minorité anglophone représente environ 20 % des 22,5 millions d’habitants du Cameroun. Certains de ses membres occupent des postes à responsabilités dans le régime du président, Paul Biya, au pouvoir depuis 1982, comme le Premier ministre, Philémon Yang. Le français et l’anglais sont les deux langues officielles du Cameroun, qui a supprimé le fédéralisme en 1972.

« Nous observons depuis 2015 une augmentation inquiétante du nombre de coupures internet, utilisées par les gouvernements pour museler les peuples, particulièrement en Afrique dite francophone : en 2016, la République du Congo, la République démocratique du Congo, le Gabon, le Tchad, le Mali ont bloqué les réseaux sociaux », dénonce Internet sans frontières.

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