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États-Unis : Donald Trump est-il fou ?

Un livre récent mettant en cause son comportement immature et extravagant, certains en viennent à songer à une éventuelle destitution du président américain, Donald Trump. Il ne serait pas le premier responsable politique américain à souffrir de déséquilibre mental…

«Tout au long de ma vie, mes deux atouts ont été ma stabilité mentale et le fait d’être très intelligent. » […] «  Je suis passé d’homme d’affaires prospère à superstar de la télé, puis à président des États-Unis. Il me semble qu’on peut dire de moi que je suis très malin, et même génial. Un génie très stable, en plus ! »

C’est par ces tweets extravagants – même pour lui ! – que Donald Trump a répliqué aux rumeurs insistantes concernant son instabilité et son ultranarcissisme supposés. Bref, son inaptitude à occuper la Maison-Blanche. Ces rumeurs ont pris de l’ampleur après la publication de Fire and Fury (« le feu et la fureur »), un brûlot dans lequel notre confrère Michael Wolff brosse, en dépit de quelques erreurs factuelles, un tableau saisissant, et passablement inquiétant, de l’actuelle présidence américaine.

À en croire plusieurs de ses proches cités par l’auteur, Trump est un « enfant », un « bouffon », une « diva désireuse d’être dorlotée en permanence ». Steve Bannon, par exemple, son ex-bras droit limogé en août 2017, est convaincu qu’il a « perdu la tête ». Et Thomas J. Barrack, un de ses « amis », qu’il est « non seulement fou, mais stupide » (il a ultérieurement démenti avoir tenu ces propos).

La raison trumpienne

Il est certain que la puérilité de nombreux tweets présidentiels laisse perplexe. Trump ne s’est-il pas vanté d’avoir un « plus gros bouton nucléaire » que celui de Kim Jong-un, le leader nord-coréen ? Ses continuelles inventions de « faits alternatifs » apportent de l’eau au moulin de ceux qui doutent de son équilibre mental. Coauteur d’un livre publié cet automne (The Dangerous Case of Donald Trump), le psychiatre Bandy X. Lee estime ainsi dans le New York Times que le public est « préoccupé », voire « terrifié » par le chef de l’exécutif.

Tous les spécialistes ne sont toutefois pas du même avis. Auteur de Twilight of American Sanity (« le crépuscule de la raison américaine »), le Dr Allen Frances considère pour sa part que le comportement discutable du président n’est pas imputable à une quelconque affection. « Il est clairement instable et impulsif, estime le praticien. C’est un narcissique de classe mondiale. On ne dira jamais assez à quel point il est incompétent et insuffisamment qualifié pour le rôle. Mais cela ne fait pas de lui un malade mental. »

« Le président Trump mesure la complexité des choses et nous pose des questions difficiles » assure Mike Pompeo, directeur de la CIA

Sitôt la parution du livre, des proches sont montés au créneau pour défendre la raison trumpienne mise en cause. Même Rex Tillerson, le secrétaire d’État, qui avait pourtant, en off, traité son patron de « crétin », a fait savoir qu’il ne doutait pas de ses capacités mentales. Bannon est lui aussi revenu sur ses propos et a juré que Trump est à ses yeux un « homme bien » et un « patriote ».

Quant à Mike Pompeo, le directeur de la CIA, il raconte : « Je vois le président tous les jours, nous parlons de questions de la plus haute importance. Il mesure la complexité des choses et nous pose des questions difficiles. » « Je ne pense pas qu’il soit fou », renchérit le sénateur Lindsey Graham, battu à plate couture par Trump lors de la primaire républicaine. L’ennui est qu’à l’époque il avait dit mot pour mot le contraire.

Destitution ?

Sur CNN, Stephen Miller, un conseiller de Trump (qui fut aussi le protégé de Bannon), est allé plus loin. Pour lui, Trump est carrément un « génie politique ». Quoi qu’il en soit, le livre de Wolff, qualifié de « fake book » (« faux livre ») par le président, a relancé le débat concernant l’hypothétique destitution de celui-ci et son remplacement par Mike Pence, le vice-président. « Notre homme de rechange », comme dit Bannon.

Adopté en 1967, le 25e amendement de la Constitution prévoit en effet la destitution du président dans l’hypothèse où le vice-président et une majorité du cabinet (ou, à défaut, un organe créé par le Congrès) en arrivent à la conclusion que le chef de l’exécutif est dans l’incapacité d’assumer ses fonctions. Il est alors remplacé par le vice-président.

Le président américain, Richard Nixon, ici en 1974 était un paranoïaque notoire. © AP/SIPA

Cet amendement aurait fort bien pu s’appliquer à certains prédécesseurs de Trump parmi les plus illustres : tous se signalaient en effet par une grande instabilité mentale. Abraham Lincoln souffrait ainsi de dépression sévère, et John Fitzgerald Kennedy prenait secrètement des médicaments pour lutter contre l’anxiété.

Précédents

De même, des conseillers de Lyndon B. Johnson, effarés par le comportement de leur patron, firent appel à trois psychiatres, qui en arrivèrent à la conclusion que celui-ci souffrait sans doute de « désintégration paranoïde ». Paranoïaque notoire, Richard M. Nixon prenait quant à lui du Valium. Et Ronald Reagan, à la fin de son second mandat, échappa de justesse à une initiative de ses conseillers visant à le destituer. Quelques années plus tard, il était frappé par la maladie d’Alzheimer…

Même l’addiction sexuelle de Bill Clinton pose problème. Certains, parmi lesquels la sénatrice Kirsten Gillibrand (New York), considèrent aujourd’hui qu’il aurait dû démissionner après le scandale Lewinsky.

Les démocrates ne se privent pas d’attaquer Trump sous l’angle de son déséquilibre mental présumé

Bien d’autres figures de la politique américaine étaient elles aussi borderline. C’est le cas du sénateur Barry Goldwater, candidat républicain à la présidence, qui, en 1964, donna son nom à une règle de l’Association psychiatrique américaine interdisant à ses membres de se prononcer sur la santé mentale d’un individu sans l’avoir examiné.

En 1972, le sénateur Thomas F. Eagleton fut pour sa part contraint de renoncer à sa candidature à la vice-présidence quand il apparut qu’il avait subi une thérapie à base de décharges électriques. Et Michael Dukakis, le candidat démocrate à l’élection de 1988, dut batailler ferme pour démentir la rumeur selon laquelle il aurait reçu des soins psychiatriques…

Les démocrates ne se privent pas d’attaquer Trump sous l’angle de son déséquilibre mental présumé. Cinquante-sept d’entre eux à la Chambre des représentants ont parrainé un projet de loi visant à constituer une commission pour évaluer son aptitude à gouverner. Invoquant le 25e amendement, Jamie Raskin, le rédacteur du projet, a estimé qu’il était temps pour le Congrès d’agir, évoquant notamment l’élocution parfois embarrassée du président et sa difficulté à terminer ses phrases. À suivre.


L’Orient simpliste de Mr Trump

D’Afrique, il est peu question dans le livre de Michael Wolff, excepté de brèves références aux opérations libyennes de Barack Obama et à l’Égypte d’Abdel Fattah al-Sissi. Si le monde arabe est mieux traité, la moitié des occurrences concernent l’Arabie saoudite. Wolff confirme que la révolution de palais qui porta au pouvoir à Riyad le jeune Mohammed Ibn Salman (MBS) a été coordonnée avec la Maison-Blanche : « MBS et Trump étaient sur un pied d’égalité. Le faible niveau de leurs connaissances les rendait curieusement à l’aise l’un avec l’autre. »

« Les conceptions du président en matière de politique étrangère sont l’un des aspects les plus hasardeux, mal informés et capricieux de sa politique », selon Wolff

En résulte une vision des plus simplistes de l’Orient compliqué : « La nouvelle pensée de Trump sur le Moyen-Orient est devenue celle-ci : il y a en gros quatre joueurs […], Israël, l’Égypte, l’Arabie saoudite et l’Iran. Les trois premiers peuvent être ralliés contre le quatrième. Vu ce qu’ils attendent concernant l’Iran, l’Égypte et l’Arabie saoudite feront pression sur les Palestiniens pour aboutir à un accord. Voilà. »

Axe du mal

Trump s’est-il laissé convaincre par la vision du processus de paix israélo-arabe défendue par Steve Bannon ? « Laissons la Jordanie prendre la Cisjordanie, et l’Égypte prendre Gaza. Laissons-les gérer ça, ou couler avec », avançait naguère son conseiller aujourd’hui en disgrâce, ce qui était une manière de revenir à la Palestine d’avant son démembrement, en 1949.

Le président semble en tout cas d’accord avec l’approche de cet antisémite notoire qu’est Bannon sur au moins un point : « Dès le premier jour, nous déplacerons l’ambassade à Jérusalem », avait confié ce dernier pendant la campagne électorale. Wolff suggère d’ailleurs que l’ancien patron de Breitbart News, le média ultraconservateur, a commencé à se brûler les ailes en tentant de discréditer l’homme qui a la haute main sur tous les dossiers moyen-orientaux : Jared Kushner, le gendre du président. « Il voulait le faire apparaître comme une lopette. » Mal lui en a pris.

L’Iran est, lui, fréquemment cité dans Fire and Fury. En compagnie de la Corée du Nord, il réintègre l’axe du Mal rêvé naguère par George W. Bush et ses amis. « Les conceptions du président en matière de politique étrangère sont l’un des aspects les plus hasardeux, mal informés et capricieux de sa politique », écrit Wolff. C’est le moins que l’on puisse dire.

Par Jean-Eric Boulin

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