Confrontée à une situation non prévue par les traités, l’UE soutient officiellement Madrid, tout en s’activant en coulisses pour trouver une sortie de crise.
Pourtant rompue à la gestion de crise, du référendum grec au Brexit, en passant par l’épineux dossier des réfugiés, l’Union européenne a été confrontée cette semaine à un scénario inédit, nulle part mentionné dans les traités : l’indépendance unilatérale d’une région suite à un référendum interdit, non organisé par un État membre. Toute la semaine, les institutions et les capitales européennes ont caché leur embarras derrière une formule passe-partout, « renouer le dialogue », tout en condamnant les violences. « C’est une question interne à l’Espagne, la Commission européenne n’interviendra pas, justifie Isabelle Jégouzo, chef de représentation de la Commission à Paris. Formellement, l’UE ne connaît que l’État membre, soit l’Espagne. Après, tout le monde se parle, c’est évident. » Car le problème n’est pas uniquement constitutionnel, il est aussi politique.
Risque d’une internationalisation
Flandre, Corse, Vénétie ou Pays basque, d’autres régions en Europe pourraient être tentées d’emboîter le pas aux Catalans, d’où l’urgence d’une sortie de crise. « On pourrait inciter le gouvernement espagnol à demander une médiation de l’UE au prochain Conseil européen, avance l’eurodéputé Franck Proust, président de la délégation française du groupe PPE (droite) au Parlement européen. Les chefs d’État se mettraient alors d’accord sur le nom d’un médiateur neutre. » Une médiation jusqu’ici refusée par le chef du gouvernement espagnol, Mariano Rajoy, mais désirée par le président catalan, Carles Puigdemont. « Internationaliser le problème peut cependant être dangereux, rappelle l’élu.
Les indépendantistes catalans, en quête de reconnaissance, recherchent cela. La déstructuration de l’UE serait alors en jeu. » Pour éviter une trop grande exposition, le processus de médiation officiel semble se passer hors de l’UE. La Suisse a indiqué vendredi être en contact « avec les deux parties » en conflit. « Mais les conditions pour une facilitation ne sont en ce moment pas réunies, a déclaré le ministère suisse des Affaires étrangères. Cela ne peut se faire que si les deux parties le demandent. » L’archevêque de Madrid, Carlos Osoro, et celui Barcelone, Juan José Omella, en ligne directe avec le pape François, se sont également entretenus avec les représentants des deux camps.
Déstabilisation économique
En coulisses, pourtant, l’Europe fait pression. « Juridiquement, si nous allions vers un scénario catastrophe de sécession, la Catalogne ne serait plus membre de l’UE, prévient Isabelle Jégouzo. Il faudrait qu’elle lance un processus d’adhésion soumis à l’accord de tous les États membres, dont l’Espagne. » Les milieux économiques l’ont compris. Anticipant une débâcle en cas d’indépendance et de sortie de l’UE, plusieurs grandes banques (Banco Sadabell, CaixaBank) ont annoncé qu’elles déménageront bientôt leurs sièges sociaux. Déstabilisées par la période d’incertitude qui s’ouvre, de grandes entreprises espagnoles (Gas natural) ou étrangères (Lidl, Bayer, Volkswagen), prévoient, elles aussi, de quitter la Catalogne, qui représente aujourd’hui 19% du PIB espagnol.
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