Après l’indépendance, une accoutumance aux trucages électoraux s’installe durablement au sein de l’administration territoriale du Cameroun qui a en charge l’organisation des élections.
Aucune consultation électorale initiée par le régime du président Ahmadou Ahidjo ne débouche sur des résultats inattendus.
Les dispositions des lois électorales et le déroulement pratique des scrutins sont conçus pour d’une part, afficher la régularité formelle des élections, et d’autre part, garantir la proclamation de résultats prédéterminés.
Il est prévu des listes et des cartes électorales avec des modalités cohérentes de mise à jour pour les premières et de renouvellement pour les secondes.
Le déroulement et le dépouillement des scrutins sont rigoureusement codifiés.
Cette organisation méthodique des élections est paradoxalement la principale couverture de la corruption des résultats.
L’organisation méticuleuse des scrutins crédibilise en effet les résultats proclamés quels qu’ils soient.
Peu importe la réalité des résultats proclamés et validés si ceux-ci apparaissent comme le produit d’une épreuve maîtrisée et bien organisée.
Sous réserve d’une organisation légalement satisfaisante, la publication des résultats d’une élection valide celle-ci en dernier ressort. Ainsi, à l’issue du référendum du 21 février 1960, le gouvernement Ahmadou Ahidjo proclame l’adoption de la première Constitution du Cameroun à une majorité de 60 % des suffrages exprimés. Il pourrait, avec la même autorité, officialiser le rejet de cette Constitution à une majorité de 60 % des suffrages exprimés.
L’Union camerounaise (UC) du président Ahmadou Ahidjo est par ailleurs déclarée victorieuse dans toutes les circonscriptions – Kribi, Sangmélima, Yaoundé (Djoungolo) – où se déroulent des élections législatives partielles durant l’année 1961. Il en est de même pour les élections législatives fédérales du 26 avril 1964 dans la région du Nyong-et-Sanaga. Dans chacune de ces élections, la configuration des résultats proclamés pourrait, avec la même crédibilité, être inversée.
C’est l’officialisation du résultat qui fonde en définitive sa validité et sa réalité. Or ce sont les pouvoirs publics qui officialisent.
Le régime du président Ahmadou Ahidjo a très tôt intégré ce principe qu’il a systématiquement instrumentalisé à son profit.
Très vite, les passions et les espérances suscitées par les élections s’émoussent. La tentation est alors grande de s’en passer tout simplement dans les matières importantes. Ahmadou Ahidjo cède à cette tentation pour ce qui relève de la gestion de la succession présidentielle. »
Extrait Bouopda Pierre Kamé, « Histoire politique du Cameroun au XXe siècle », Harmattan, 2016, 596 pages
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