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Albert Moutoudou revient sur les 68 ans de l’UPC

I – Le 10 avril 2016, l’UPC a 68 ans. Sous quel signe placez-vous cet anniversaire ?

Sous le signe de l’intensification de la lutte contre le régime néocolonial. Pourquoi ? Parce que si en 1958, il y a 58 ans lors de la propulsion d’Ahmadou Ahidjo à l’avant-scène, l’on se faisait des illusions en pensant qu’il suffit de mettre des nationaux à la place des Blancs et les choses changeront, nous avons vu qu’il faut bien plus que cela. Si une fois encore en 1982, il y a 34 ans, lors de la propulsion de Paul Biya, l’on se faisait des illusions en pensant qu’il suffit de mettre à la tête du pays un intellectuel, en comparaison avec son prédécesseur qui n’était qu’un employé des postes, pour que les choses aillent mieux nous avons aussi vu qu’il n’en est rien. Donc, 68 ans après, tout comme contre les colonialistes quand ils tenaient directement la barre il faut poursuivre le combat contre tous ceux qui empêchent aux choses d’aller mieux dans notre pays: contre Ahidjo et aujourd’hui contre Biya qui sont les hommes du système que les colonialistes ont mis en place pour poursuivre leur main basse sur le Cameroun.

II – Depuis sa réhabilitation en 1990, l’UPC tente de recoller ses morceaux. Sur quelle base s’appuient les partisans de l’unité pour y arriver finalement ?

Je ne sais pas au juste ce que vous appelez « réhabilitation ». Afin d’éviter tout malentendu petit rappel de l’histoire. L’UPC fut interdite par un décret colonial le 13 juillet 1955. Le 25 février 1960 Ahmadou Ahidjo prit le décret N°60-46 abrogeant le décret colonial. Donc depuis 1960 l’UPC a une existence légale. Si c’est cela que vous entendez par « réhabilitation » celle-ci n’est pas de 1990 (sous Biya) mais de 1960 (sous Ahidjo). Alors sur quelle base demandez-vous ? Um enseignait déjà qu’il faut « l’unité et l’esprit de sacrifice » (sic). Les deux ensembles. Inséparables. Vous pensez bien qu’on n’évoque pas l’esprit de sacrifice dans un fauteuil : l’esprit de sacrifice veut dire lutte et Um savait de quoi il parlait. Comme l’union va avec l’esprit de sacrifice selon la courte leçon d’Um, cela veut dire que c’est encore la lutte qui fonde et valide le processus unitaire lui-même. Si l’on veut l’unité dans le confort, en tournant le dos aux objectifs que nos aînés ont tracés, alors ou bien l’on n’arrivera à rien, ou bien l’on aura une UPC unitaire, peut-être, mais domestiquée, émasculée, cocufiée, infantilisée. Hors de la lutte le reste est littérature et de la très mauvaise littérature…

III – Au fait, qu’est-ce qui bloque l’unité de l’UPC, l’Etat, le gouvernement RDPC ? ou les upécistes eux-mêmes ?

Depuis 1960 l’UPC existe légalement, même si elle est traquée et réprimée avant la décennie, tout au long de la décennie et au-delà. Et voici qu’en 1991, après la promulgation de la loi sur les partis politiques (Loi n° 90/056 du 19 décembre 1990 portant sur la création des partis politiques), les sieurs Dicka Akwa et Kodock Augustin démarrent le sprint pour aller légaliser un nouveau parti en utilisant pourtant le nom UPC qui existait déjà ! Alors, M. Biya et son MINATD de l’époque, M. Andzé Tchoungui, font semblant d’avoir oublié que dans les documents inviolables de notre Etat il existe un parti légal qui s’appelle l’UPC et ils acceptent qu’il y ait deux partis portant le même nom : le premier créé en 1948, interdit en 1955 et rendu à nouveau à sa légalité en 1960 ; le second créé en 1991. Aussitôt, en 1992, cette UPC de récente facture signe une alliance avec le RDPC. A-t-on besoin, monsieur le journaliste, d’un diplôme en sciences politiques quand on a de tels faits sous les yeux pour comprendre que le pouvoir est derrière la création des UPC factices ? Au point que dès que des upécistes arrivent à faire l’unité, le pouvoir sort aussitôt de son chapeau un « nouveau leader upéciste » qui n’a pas trouvé le temps d’aller à la réunion unitaire qui s’est tenue peu avant. Toutefois, l’histoire nous apprend que tout ce qui est injuste et artificiel ne dure pas éternellement (demandez à De Klerk, demandez à Compaoré). De plus en plus de partisans de l’unité voient mieux que les micmacs du pouvoir RDPC n’ont pas d’autre but que d’affaiblir l’UPC, toute l’UPC et tous ceux qui s’en réclament sans calculs personnels. C’est un minimum mais c’est déjà quelque chose de gagné. Pour le reste gageons que les upécistes trouveront assez de ressources, pour y arriver finalement comme vous dites.

IV – A ce jour, que reste-t-il de l’UPC des pères fondateurs et qu’en font les générations actuelles ?

Cela paraît paradoxal de le dire au moment où vous évoquez la division de l’UPC mais les nouvelles générations de Kamerunais adhèrent plutôt au message des pères fondateurs de l’UPC. Donc, bonne nouvelle : le camp des nationalistes a plutôt grossi. Les nouvelles générations viennent aux positions nationalistes non pas par fantaisie, mais bien parce que la situation du pays conduit fatalement à cela : en premier la pénurie des écoles et la dégradation de l’enseignement, des diplômes que M. Fame Ndongo distribue à tour de bras pour avoir la paix avec les enfants et leurs parents, et puis au bout de tout cela le chômage massif pour tous nos jeunes y compris grands diplômés. Ceux qui devraient être les cadres de ce pays en 2035 où Paul Biya nous donne rendez-vous auront à peine exercé un emploi ou pas du tout. La question est donc de savoir comment, à partir d’upécistes qui sont sur des positions de lutte et à partir de ce potentiel nouveau de nationalistes, trouver le moyen de reforger le grand parti nationaliste d’Um, Moumié et Ouandié pour mettre hors des affaires la descendance d’Aujoulat ? C’est la question de l’heure posée aux upécistes. Mais pas qu’à eux.

V – Le combat de l’UPC à savoir l’indépendance totale du Cameroun sera-t-il gagné, compte tenu des pesanteurs du régime néo-colonial qui a pris les pays d’Afrique francophones en otages ?

Désormais, l’enjeu de la réunification de notre pays sera à résoudre dans la perspective panafricaine (au minimum dans une entente entre le Nigéria et le Kamerun ayant à leur tête des leaders progressistes). L’indépendance de notre pays et l’amélioration des conditions de vie aussi seront gagnées, ou bien dans le Kamerun pris isolément, ou bien dans la perspective panafricaine, avec des hommes politiques occupés des seuls intérêts de nos populations. Et strictement de cela. Le Kamerun en compte, les autres pays africains aussi, Dieu merci. Dans la lutte, et au fur et à mesure de la lutte, les populations découvriront qu’il y a des Africains qui ne sont pas fascinés par le pouvoir (voyez, à la dernière présidentielle béninoise, l’admirable exemple que vient de donner le Président sortant à tous les chefs d’Etats qui s’accrochent au pouvoir), qu’il y a des Africains qui ne font pas la politique pour s’enrichir, enrichir leurs amis et famille, mais qui la font avec la volonté farouche de travailler au seul bonheur des populations. Donc en avant, pour l’Afrique et pour le Kamerun !

Albert MOUTOUDOU
Secrétaire Général de l’UPC des fidèles

Une interview réalisée par René Emeh Elong.

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